Par David Mukulu Mukwabatu
Résumé
La situation des baux à loyer non professionnel en République démocratique du Congo a toujours été une source de conflits entre différentes parties prenantes. La loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel devrait constituer une réponse à cette équation à la fois inquiétante et préoccupante de laisser-aller et de désordre dans le secteur de baux à loyer, de courtage et de transaction immobilière de vente et achat. Pourtant, huit ans après sa mise en place, la loi ne semble pas relever les défis pour lesquels elle a été conçue.
C’est dans ce contexte que cette étude évalue, selon qu’il s’agit de l’effectivité et de l’efficacité, la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel dans la capitale congolaise.
Mots clés : évaluation législative, contrat de bail, bail à loyer non professionnel
Summary
The situation of non-professional rental leases in the Democratic Republic of Congo has always been a source of conflict between different stakeholders. Law No. 15/025 of December 31, 2015 relating to non-professional rental leases should constitute a response to this worrying equation of carelessness and disorder in the sector of rental leases, brokerage and real estate sale and purchase transaction. However, eight years after its implementation, the law does not seem to meet the challenges for which it was designed.
It is in this context that this study evaluates, depending on whether it is effective and efficient, Law No. 15/025 of December 31, 2015 relating to non-professional rental leases in the Congolese capital.
Keywords: legislative assessment, lease contract, non-professional rental lease
Introduction
Il ne suffit pas d’édicter des lois ou de formuler des injonctions morales pour améliorer la vie des personnes : encore faut-il s’intéresser à l’écart qui peut exister entre les prescriptions et la réalité concrète. Cet écart est celui qui sépare la théorie à la pratique, y compris lorsque nous sommes déclarativement en accord avec les principes de la loi, en l’occurrence la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel en République Démocratique du Congo.
Cette dernière législation est née principalement pour mettre fin à l’empire des actes et comportements en marge de la loi et ainsi remédier à certaines insuffisances et donner au pouvoir public la possibilité d’accroître le contrôle de conformité et ainsi assurer l’équité entre parties à la transaction immobilière. Elle a pour objectif de préserver la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus qui affectent durement et durablement les rapports juridiques entre parties au contrat de bail en l’occurrence bailleurs et preneurs.
CAHIER DU PARLEMENT
En effet, la situation des baux à loyer a toujours été une source de conflits entre les bailleurs et les preneurs, ponctuée d’une part dans le chef des bailleurs par les taux exorbitants et exagérés de loyer, la garantie locative excessive et abusive, l’anarchie dans les délais de préavis et les troubles de jouissance des biens loués et d’autre part dans le chef des preneurs par la mauvaise foi et le refus de se conformer aux règles de bonne conduite en défiant même le bailleur et l’ordre public, allant jusqu’à détruire des fois les biens loués. Aussi, envisage-elle de de mettre fin à la situation à la fois préoccupante et inquiétante de laisser-aller et de désordre dans le secteur des baux à loyer, de courtage immobilier et de transaction immobilière de vente et achat. 1
Pourtant, à huit ans d’existence, cette loi ne semble pas s’harmoniser avec son champ d’application : le non-respect des dispositions prévues par la loi ne lui permette pas d’atteindre les objectifs pour lesquels elle a été élaborée. En cernant cet écart qui existe entre ce qui est prévu et ce qui se passe sur terrain, cette étude évalue la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel des points de vue de son effectivité et de son efficacité en République Démocratique du Congo, plus particulièrement dans la capitale de Kinshasa. D’une part, elle mesure le degré d’applicabilité de la loi en recelant les entraves et défis, et d’autre part, elle questionne l’atteinte des objectifs et but pour lesquels est conçue la loi.
En ce sens, l’étude navigue dans le champ disciplinaire de la Légistique, plus précisément dans la particularité de l’évaluation législative. Cette dernière peut être considérée comme une démarche scientifique, systématique, transparente basées sur des données qualitatives et/ou quantitatives2. Ce qui fait qu’évaluer cette loi suppose d’un côté, faire recours aux techniques de collecte des données, et de l’autre, faire usage d’une méthode d’analyse des données collectées. C’est dans ce contexte que les entretiens, la documentation3 et les observations spontanées du chercheur ont permis la récolte des données. Essentiellement centrés sur les bailleurs, les preneurs, les agences immobilières et quelques personnalités administratives, les entretiens ont porté sur un échantillon représentatif de quatre districts qui composent la ville de Kinshasa4, à savoir le Mont-Amba, le Tshangu, le Funa et le Lukunga. De type cafétéria5 et semi-ouvert, le questionnaire administré aux interviewés a répondu au principe de saturation6 avant de clore l’enquête de terrain.
Par ailleurs, la théorie qui fonde cette étude est celle de Delley7, se basant sur la fonction de contrôle de l’évaluation législative qui porte sur les effets observables d’une législation en vigueur.
- Ministère de l’Urbanisme et Habitat, Arrêté ministériel du 31 juillet 2021 modifiant et complétant l’arrêt du 11 décembre
2018 portant instauration d’un contrat de bail type en République Démocratique du Congo.
- Germain Mbav Yav, « Vers le législateur évaluateur ? Nécessité de surveiller l’exécution et les effets des lois en
République Démocratique du Congo », Cahier de l’IDHEAP, 307/2019, Lausanne, Suisse.
- La documentation a concerné les publications scientifiques telles que les ouvrages, les articles de revue, les mémoires de Master, les thèses de doctorat, et les textes de loi dont le principal reste la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel en République Démocratique du Congo.
- Kinshasa est la capitale de la République Démocratique du Congo. Avec plus de 11 millions d’habitants, elle est repartie en 4 districts et 24 communes. C’est l’agglomération la plus peuplée du pays.
- Les questions sont posées en proposant plusieurs réponses aux interviewés de sorte à ce qu’ils choisissent, soit une qui leur convienne, soit plusieurs réponses de manière progressive selon l’ordre des priorités.
- Ce principe suppose arrêter l’enquête à force que les mêmes réponses deviennent redondantes.
- Delley distingue trois fonctions de l’évaluation, à savoir la fonction de prévision qui consiste à prévoir les effets potentiels d’une législation en préparation, d’accompagnement ou le monitoring et de contrôle qui porte sur les effets observables d’une législation en vigueur. C’est cette dernière fonction qui aide cette étude à évaluer la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel. Delley, « Quelle contribution le législateur peut-il attendre de l’évaluation législative », LeGes 1990/2, pp.16 et 17, consulté le 14 aout 2023 sur le site www.bk.admin.ch
La méthode d’analyse optée est celle basée sur l’évaluation de l’effectivité et de l’efficacité8. Alors que la première consiste à comparer les conduites réelles des destinataires de la loi au modèle normatif qu’elle prévoit, la seconde permet de voir si les buts ou objectifs fixés par la loi ont été atteint. Il s’agit du degré de correspondance entre les objectifs poursuivis par la loi et les résultats attendus ou produits.
À cet effet, cette double méthode a permis, non seulement d’analyser l’effectivité de la loi relative aux baux à loyer non professionnel à Kinshasa, mais aussi de vérifier si les objectifs ou buts poursuivis par cette loi ont été atteints. À l’aide de la documentation, des études de terrain et du vécu quotidien de l’auteur, elle a aidé à confronter les dispositions prévues par la loi aux pratiques, à la manière dont elles sont appliquées dans la capitale congolaise. L’analyse a porté essentiellement sur la lecture article par article de la loi, des données collectées sur terrain et dans les documents, et des observations du chercheur. Ainsi, cette recherche est essentiellement abordée sous trois axes. Le premier donne à l’étude un encrage théorique en reconnaissant l’apport des précurseurs et classiques dans le champ disciplinaire de la légistique : elle met en lumière les différents débats qui ont enrichi et construit la légistique en définissant les différents concepts clés de l’étude, et précise le cadre règlementaire congolais de la thématique (I). Le deuxième axe consiste à la présentation et à l’analyse des données. Elle fait recours à la double méthode d’évaluation pour juger de l’effectivité et de l’atteinte des objectifs par la loi (II). Et le dernier axe émet les critiques quant aux modalités de conception et d’exécution des lois en République Démocratique du Congo, et propose aux autorités politico-administratives des suggestions en vue de l’amélioration de la loi n°15/025 relative aux baux à loyer non professionnel (III).
I. Cadre théorique et règlementaire de l’étude
Cette partie sert à apporter une lumière scientifique à l’étude, en démontrant l’apport des classiques dans la construction et le développement de la légistique, en définissant les concepts clés de l’étude et en cernant l’aspect réglementaire national qui régit les relations entre le bailleur et le preneur en République Démocratique du Congo.
A. Aspect discursif et définitionnel de l’étude
Apparue dans les années 1950, la notion de légistique, au départ controversée, a désormais pignon sur rue : en témoignent l’existence dans la plupart des pays, mais aussi de manuels9, d’ouvrages savants10, de thèses11. La légistique est donc apparemment reconnue comme une discipline à part entière, caractérisée par un savoir progressivement constitué et constamment enrichi, qu’il s’agit de diffuser et de transmettre. Cet essor remarquable est cependant assorti d’une série d’incertitudes et d’équivoques, relatives au périmètre, aux finalités et à la portée de la discipline.
Concernant le périmètre, la légistique ne s’intéresserait pour les uns qu’aux aspects formels de la législation, c’est-à-dire à la qualité des textes, à leur mise en forme, aux modes de rédaction et aux conditions de formulation des énoncés juridiques.
- Doctrine essentiellement inspirée par Fréderic Varone.
- Catherine Bergeal, Rédiger un texte normatif. Manuel de légistique, Berger-Levrault, 1ère éd. 1996, 7ème éd. 2012.
- Parmi les premiers, Luzius Mader, L’évaluation législative. Pour une analyse empirique de la législation, Lau-sanne, Payot, 1985 ; André Viandier, Recherche de légistique comparée, Berlin, Springer-Verlag, 1988 ;Zbignew Bankowski, La science de la législation, PUF, 1989 ; Dominique Rémy, La légistique. L’art de faire les lois, Rom-millat, Coll. Pratique du droit, 1994.
- Karine Gilberg, La légistique au concret. Les processus de rationalisation de la loi, Thèse Paris 2, 2007, 660 pp. (ronéo).
Faisant écho à une préoccupation très ancienne12, elle ne s’appliquerait qu’à la technique législative, à l’exclusion de toute interrogation sur la politique législative, c’est-à-dire le contenu des textes, les objectifs poursuivis par le législateur et les moyens mobilisés pour les atteindre. La légistique ne serait ainsi qu’une des branches d’une science plus large de la législation, qui ne se borne pas à se pencher sur les problèmes de formulation des lois13, mais s’attache à déterminer le besoin social de lois.
Pour les autres au contraire, les questions de forme ne pouvant être dissociées des enjeux de fond14, la légistique, qu’on appellera parfois méthodologie législative15, s’intéresserait tout autant au contenu des lois qu’à leurs modes de rédaction16. Elle comporterait dès lors deux volets : l’un formel, et l’autre matériel17. La place donnée à chacun de ces volets sera très inégale, les guides et les manuels de légistique privilégiant généralement les aspects formels, à l’exception de pays, tels la Suisse, où la méthode législative a connu d’importants développements.
Concernant les finalités de la discipline, les incertitudes sont tout aussi grandes. Alors que certains entendent faire de la légistique une authentique science de la législation, science- carrefour utilisant notamment dans son volet matériel les connaissances et les méthodes développées par d’autres sciences sociales (sociologie, science politique, science économique…
)18, d’autres n’y voient tout au plus qu’une science appliquée ou une méthodologie, voire plus clairement encore un simple art, art de faire du droit de qualité.
La légistique ne serait pas une science en chantier mais seulement la méthode du bon rédacteur, celui qui est soucieux des effets concrets du droit et sait les apprécier : la finalité pratique serait donc prédominante.
Corrélativement, le statut de la légistique sera profondément différent. Envisagée en tant que science, la légistique sera appelée à prendre place parmi les sciences sociales. Ce qui implique la formation d’une communauté de chercheurs se reconnaissant et s’identifiant par référence à des principes et à des méthodes de recherche communs. En tant qu’art, la légistique prendra au contraire appui sur les savoir-faire pratiques acquis dans le cadre d’une expérience professionnelle.
Concernant enfin la portée de la légistique, on peut n’y voir qu’un ensemble de principes destinés à guider la démarche du rédacteur dans les différentes étapes à suivre, de la conception du texte à son application. Formulés sous forme de conseils ou de recommandations en vue d’améliorer la qualité des textes19, elle n’aurait qu’une portée incitative, à l’exclusion de toute dimension contraignante.
- La légistique formelle ne serait en fin de compte que « la prolongation contemporaine de quelques vieux rêves perfectionnistes d’écrire la législation » (Véronique Champeil-Desplats, Méthodologies du droit et des sciences du droit, Dalloz, 2014, n° 420).
- Jean Carbonnier, Droit civil, 25ème éd., 1997, n° 25.
- Gérard Cornu (Linguistique juridique, 2ème éd., 2000) distinguait pour sa part la « nomologie », qui étudie le contenu des normes et la « nomographie », qui étudie leur écriture.
- Jean-Louis Bergel, Méthodologie juridique, PUF, Coll. Thémis, 2001, p. 276.
- Peter Noll (Gezetzgeburgslehre, Rohwort, Reinbeck b. Hambourg, 1973) aurait été le fondateur de la « méthode législative », qui s’intéresse à la formation de la législation (voir Charles-Albert Morand, « La méthode législative », Droit et Société, n° 10, 19898, p. 391).
- Charles-Albert Morand (dir.), Légistique formelle et légistique matérielle, Aix-en-Provence, PUAM, 1999. Voir aussi Véronique Champeil-Desplats, op.cit. N° 419.
- Charles-Albert Morand (préc.) qui appelait en 1988 à une inflexion en ce sens de la formation des juristes chargés de
la confection des lois.
- Guide de rédaction des textes législatifs et réglementaires, 2008.
Appliquant la démarche managériale au droit qui lui était à l’origine étranger20, elle prendrait la forme de préceptes que les rédacteurs seraient invités à appliquer afin que les règles de droit puissent produire leur plein effet.
Néanmoins, entre management et droit, les frontières sont poreuses : la managérisation des normes juridiques peut coïncider avec le mouvement inverse de juridicisation des préceptes managériaux. Et les principes de légistique, aussi bien matérielle que formelle, vont en effet être traduits dans le langage du droit, en acquérant par-là même une dimension nouvelle.
Or, la légistique ne cerne pas que la partie conception de la loi. Après avoir facilité l’élaboration et la mise en application de la loi, elle ouvre une possibilité de l’évaluer selon certaines règles méthodologiques. En ce sens, l’évaluation législative est une étude des effets étatiques et l’appréciation systématique, sur base des méthodes scientifiques, des résultats produits par l’action étatique. Elle est perçue comme une analyse et une appréciation méthodique des effets de la législation et de sa mise en œuvre. Elle s’inscrit dans un processus de rationalisation de la formation et de la mise en œuvre des lois. L’étude de ce processus est du ressort de la légistique matérielle21. Celle-ci est constituée de l’ensemble des connaissances et des méthodes qui contribuent à améliorer la qualité de la législation, à optimiser ses effets. « La définition du problème, la fixation des objectifs, le choix des instruments (alternatives scénarios), l’évaluation prospective, l’adoption de la législation, la mise en œuvre et l’évaluation rétrospective22 » constituent les différentes étapes de la légistique.
Par ailleurs, l’évaluation législative dans cette étude concerne la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnels en République démocratique du Congo. Cette loi définit les concepts clés de l’étude de manière suivante :
- Une agence immobilière est une entreprise ou société utilisant les courtiers et les agents immobiliers et ayant pour rôle de faire la promotion immobilière en mettant en rapport le bailleur et le preneur afin de permettre à l’un de jouir ou disposer de l’immeuble que l’autre veut louer ou vendre ;
- Un agent immobilier est toute personne physique prestant ses services au sein d’une agence immobilière ;
- Un bail est un contrat par lequel l’une des parties, appelée « bailleur » s’oblige à faire jouir à l’autre partie appelée « preneur » d’un immeuble ou d’un local, pendant une période donnée moyennant un prix convenu appelé « loyer » que le preneur s’engage à payer à des échéances convenues de commun accord ;
- Un bail résidentiel est un contrat qui porte sur une maison, une villa ou un appartement à usage d’habitation ainsi que ses dépendances ;
- Un bail socioculturel est un contrat dans lequel une association sans but lucratif ou un établissement d’utilité publique est « preneur » ;
- Un bailleur est toute personne, titulaire d’un droit de propriété ou d’un droit réel de jouissance, qui donne à bail son bien ou son droit ;
- Un courtier immobilier est toute personne physique ou morale responsable d’une agence immobilière ;
- Une garantie locative est une somme d’argent versée par le preneur auprès du bailleur pour prévenir son insolvabilité ou les dégradations du bien loué ;
- Jacques Chevallier, « Management public et droit », Politiques et management public, n° 3, 2008, pp. 93-100.
- Morand, 1999 :3
- Jadot, François Ost, « Elaborer la loi aujourd’hui, mission impossible ? », Presses de l’Université Saint-Louis, Bruxelles.
- Les intermédiaires immobiliers sont constitués d’un ensemble des agences immobilières, de la ligue des preneurs, de la ligue de propriétaires et des courtiers immobiliers ;
- Un livret de bail est un document administratif contenant des renseignements sur le bailleur et le preneur ainsi qu’un modèle de contrat de bail.
B. Cadre règlementaire
La Constitution du 18 février 2006 de la République Démocratique du Congo, en son article 122 point 8 consacre le contrat de bail par ce qu’elle appelle le commerce, le régime de la propriété des droits et des obligations civiles et commerciales. L’arrêté ministériel du 13 juillet 2021 modifiant et complétant l’arrêt du 11 décembre 2018 portant l’instauration d’un contrat de bail type en République Démocratique du Congo constitue un instrument juridique qui vient accompagner l’exécution de la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel.
Aussi, d’autres textes des lois formant l’arsenal juridique qui réglementent le contrat de bail en République Démocratique du Congo sont :
- La loi n°73-021 du 20 juillet 1973, telle que modifiée et complétée par la loi n°80-008 du 8 juillet 1980 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés spécialement les articles 53, 55, 63 et 64 ;
- L’ordonnance 88-023 du 7 mars 1988 portant création du département de l’urbanisme et de l’Habitat ; la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces ;
- La loi organique n°08/016 du 17 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces ; l’ordonnance n°21/012 du 12 avril 2021 portant nomination des vice-premiers ministres, des ministres d’Etat, des ministres, des ministres délégués et des vice-ministres ;
- L’ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et fonctionnement du
Gouvernement, modalités de collaboration entre Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les membres du Gouvernement ;
- L’ordonnance n°20/017 du 27 mars 2020 fixant les attributions des ministres ; le décret-loi du 13 juillet 1965 tel que modifié et complété à ce jour portant dispositions exceptionnelles en matière des baux à loyer ;
- La loi n°73/021 du 20 juillet 1973 tel que modifié et complété à ce jour portant régime
général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés ;
- L’arrêté ministériel n°015 CAB/MIN-UH/2017 du 10 aout 2017 portant organisation des fonctions des agences immobilières, des agents et courtiers immobiliers, des syndicats des bailleurs, des preneurs, du syndic des preneurs et des syndicats des intermédiaires immobiliers ;
- L’arrêté ministériel n°016 CAB/MIN-UH/2017 du 10 aout 2017 portant organisation réglementation d’enregistrement et agrément des agences immobilières, promoteurs immobiliers, bureaux d’études d’architecture et d’urbanisme, courtiers et ONG de l’habitat en République ; sauf exception, forment l’arsenal juridique qui réglementent le contrat de bail en République Démocratique du Congo.
II. Evaluation de la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer
non professionnel à Kinshasa
La question de l’inadaptabilité de la loi à son champ d’application est la préoccupation centrale qui donne essence et sens scientifiques à cette étude. Avec comme objectif de préserver la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus qui affectent durement et durablement les rapports juridiques entre parties au contrat de bail en l’occurrence bailleurs et preneurs, l’enquête de terrain et la documentation ont permis de vérifier les effets produits par cette loi.
Selon une double méthodologie optée dans cette étude, l’évaluation législative en ce sens a consisté à mesurer, d’une part, l’application effective de la loi à Kinshasa depuis sa promulgation (2015), et d’autre part, l’efficacité de la loi (l’atteinte des objectifs et buts que la loi s’est assignée). Les données secondaires compilées aux données primaires ont permis au chercheur de mener une analyse aussi qualitative que quantitative sur la thématique.
A. La méthode d’évaluation d’effectivité de la loi
La lecture intégrale de la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel et la confrontation aux données primaires issues des enquêtes de terrain ont permis de jauger de l’application effective de ladite loi. Le concept effectif ne doit pas être compris au sens strict, car aucune loi au monde ne peut s’appliquer dans sa totalité. L’évaluation sur base d’effectivité cerne l’application des articles phares qui cadrent directement et étroitement aux problèmes prioritaires censés être résolus par la loi.
L’analyse a conduit à des constatations ci-après :
- Le contrat de bail n’est souvent pas notarié par une autorité publique
Les parties prenantes préfèrent notarier le contrat de bail par un acte sous seing privé. Cette préférence est motivée par des rasions des formalités administratives assez lourdes et exigeantes, du coût budgétaire que les deux parties doivent allouer à l’État et assez souvent, de l’ignorance de cette disposition légale par les parties au contrat de bail. Aussi, le caractère non contraignant que dispose l’article 3 de la loi donne libre choix aux parties prenantes de se détourner de l’autorité publique.
Conscient du fait de la boycotte des dispositions légales dans la contraction de bail, les parties prenantes (bailleur, preneur et agence immobilière) se détournent de l’autorité publique qui est la gardienne première de l’application des lois, et pour se fier au notariat sous seing privé, c’est-à-dire un contrat de bail signé entre le bailleur, le preneur, l’agence immobilière et les témoins : ce qui n’est pas illégal.
Pour le preneur, la difficulté de trouver une maison de location ne lui donne pas assez de choix que celui de s’incliner face aux abus du bailleur et de l’agence immobilière. Ces deux dernières, faisant fi de l’autorité publique, puisque conscient de la violation des dispositions légales de contrat de bail, marginalisent le preneur et bénéficient le plus dans cette opération. Alors que l’agence immobilière incite le bailleur à augmenter le prix de loyer 23 afin que lui tire le plus gros bénéfice24, le bailleur lui majore le prix de la garantie locative, en plus d’être complice dans la majoration de la somme du loyer mensuel.
Ce qui explique la régularité dans le non enregistrement du contrat de bail auprès de service local compétent tel que le stipulent les articles 3 et 4 de la loi.
- L’État n’étant pas fixé expressément le prix de loyer selon qu’il s’agit de la qualité de l’immeuble à louer et de
l’environnement social immédiat.
- L’agence immobilière a droit une somme d’argent équivalent à un mois de loyer versé par le preneur. Si le loyer mensuel devrait s’élever à une somme de 200.000 francs congolais, cette dernière s’arrange avec le bailleur pour la majorer soit à 300.000 afin que sa quote-part soit aussi améliorée.
- L’état des immeubles à louer
Dans son article 11, la loi oblige au bailleur de mettre à la disposition des preneurs des immeubles qui ne doivent guère être susceptibles de leur causer préjudice. Sur cette question, les avis restent très tranchés, relatifs même au positionnement géographique de l’immeuble mis en location : des régions abritant des classes aisées, des classes moyennes et des classes moins aisées.
La ville de Kinshasa est une grande agglomération subdivisée en quatre districts et vingt- quatre communes. Le mode de vie est scindé selon qu’il s’agit de la catégorisation des classes, laquelle catégorisation se remarque, pour la plus part des cas, à la disposition et à l’emplacement géographiques de la population kinoise. Le district de FUNA pouvant être considéré comme celui abritant des classes aisées pour la plupart, ceux de LUKUNGA et de MONT AMBA comme abritant les classes moyennes, et celui de TSHANGU abritant les classes moins aisées.
Dans les classes aisées et moyennes, le bailleur s’efforce à mettre à la disposition des preneurs des immeubles qui ne sont pas susceptibles de causer préjudice aux preneurs, notamment à cause du niveau assez pertinent de culture générale de cette population, y incluse de la loi, et des moyens qu’elle disponibilise pour louer des immeubles en bon état. Dans les classes moins aisées par contre, la question de bon état des lieux à louer ne semble pas trop intéressée le bailleur. À cause de leur faible pouvoir d’achat et de leur niveau de culture générale relativement faible, le bailleur semble jouer ses cartes, se passant de la loi, et ne regardant uniquement ses intérêts.
En-est-il encore que la disposition des immeubles en bon état par le bailleur aux preneurs devrait tenir compte du pouvoir d’achat et du niveau de culture générale de ces derniers ?
- La question de la garantie locative
Aux termes de la loi, le loyer mensuel ne peut faire objet d’aucun prélèvement dans la garantie locative (art 11, 8) qui ne peut être remboursée qu’à la fin du contrat de bail (art 20). Aussi, la même loi prévoit une garantie locative qui ne peut excéder trois mois pour le bail résidentiel et six mois pour le bail socioculturel (art18). Elle ne doit uniquement être payée en monnaie ayant cours légal, c’est-à-dire le franc congolais (article 21). Le bailleur est tenu à n’exiger aucun payement anticipatif (article 22).
Le constat reste plus amer dans les violations répétées de ces articles phares de la loi. Pour des difficultés de payement de loyer par le preneur, ou pour des raisons de vouloir déménager du lieu, c’est-à-dire mise en terme du contrat de bail, le bailleur et le preneur s’arrangent à puiser dans la garantie locative jusqu’à son épuisement pour marquer la fin du contrat de bail. Pour des raisons de changement de lieu de location, le preneur se bute à la difficulté de se voir restituer sa garantie locative, car le bailleur commence la consommation de cette dernière l’instant suivant sa perception. Cette situation met souvent les deux parties en conflit jusqu’à faire intervenir l’autorité publique qui, du reste, sans réparer le préjudice subi25 par le preneur, demande au bailleur de restituer la garantie locative contractée au début du bail. Ce qui amène généralement le bailleur à contracter un autre bail26 pour enfin restituer la garantie locative perçue pour le contrat de bail en cours.
La quasi-absence de l’autorité publique, la passivité des preneurs et des agences immobilières dans la dénonciation des violations de l’article 18 de la loi met le bailleur en pole position d’abuser et de marcher sur ladite loi en fixant de manière arbitraire le prix de la garantie
- La loi ne prévoit aucune sanction relative au bailleur qui utilise la somme allouée à la garantie locative.
- Alors que l’article 20 de la loi interdit au bailleur de contracter un autre bail alors que le premier est encore en cours.
locative. Les résultats des enquêtes de terrain en annexe montrent que la garantie locative pour le bail résidentiel navigue dans une échelle de 6 à 9 mois de loyer alors que la loi en prévoit trois, et que celle pour le bail socioculturel nage dans une échelle de 9 à 11 mois de loyer alors que la loi en prévoit 6.
Aussi, il faudra signaler la difficulté de trouver le logement dans une durée raisonnable à Kinshasa à cause notamment de la forte concentration des habitants, soit plus de 17 millions d’habitants concentrés dans un espace de 60 000ha, soit 600 km2, avec une densité de 1 730 hab./km2. Une partie importante de la ville s’étend sur une superficie essentiellement rurale et couverte d’une savane herbeuse parsemée d’arbustes. La commune rurale de Maluku, située dans la partie orientale de la ville-province (District de TSHANGU) occupe à elle seule 79% du territoire, avec seulement une faible densité de 23hab/Km2, et une population de 179 648 habitants. La grande partie de la population est donc concentrée dans la baie de Ngaliema à l’Ouest jusqu’au plateau du Kwango à l’Est du Pool Malebo.
Cette inégalité géographique explique la concentration de la plus grande partie de la population dans une zone géographique aussi minime ne représentant même pas la moitié de la superficie de la ville. Là on fait face à l’insuffisance des maisons pouvant abriter de manière adéquate plus de 16 millions de la population, et à des constructions anarchiques, susceptibles de causer préjudice aux preneurs. Rajouté à ce phénomène l’absence de l’État dans le domaine immobilier qui laisse au privé libre cour de forcer son jeu et de laisser l’intérêt général dont l’Etat en est le garant en pâtir : la plupart des immeubles mis en location à Kinshasa appartiennent au privé27.
C’est dans ce contexte que le bailleur fixe le payement du loyer mensuel et de la garantie locative de manière arbitraire et selon ses humeurs, exige de fois le payement anticipatif et oblige le preneur à payer dans une monnaie étrangère au franc congolais, généralement en dollar. En annexe, le résultat d’enquête relative au payement de la garantie locative et du loyer mensuel en dollars est sans appel, et a fait l’unanimité : le payement en monnaie étrangère de la garantie locative et du loyer mensuel se fait donc régulièrement en monnaie étrangère, plus particulièrement en dollars.
Tableau 1 : Résultat de l’évaluation sur l’effectivité de la loi à Kinshasa
- À signaler que certains immeubles de l’État ont subi le processus de désaffection des biens publics par certains hommes d’États. La plupart de ces derniers ont osé faire des immeubles de l’État leur propriété privée en les mettant en location, ou en faisant d’eux simplement leur domicile.
B. Méthode d’évaluation d’efficacité de la loi
La méthode d’évaluation basée sur l’efficacité de la loi questionne l’état des lieux des objectifs et but fixés par cette dernière. Née dans le but de préserver la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus qui affectent durement et durablement les rapports juridiques entre parties au contrat de bail, notamment entre bailleurs et preneurs, la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel entend réaliser ce but en résolvant les problèmes des conflits entre bailleurs et preneurs, en mettant fin au laisser-aller et désordre dans le secteur des baux à loyer, de courtage immobilier et de transaction immobilière de vente et achat, et en intensifiant l’intervention de l’autorité publique entre les parties à la transaction immobilière.
Dans ce contexte, évaluer la loi renvoie à confronter ce but et objectifs aux réalités de terrain, notamment par la récolte des avis des concernés, c’est-à-dire des bailleurs, des preneurs, des autorités publiques compétentes et toute personne ayant des connaissances relatives à la pratique des baux à loyer non professionnel dans la ville de Kinshasa.
De cette étude de terrain s’en suivent des constatations suivantes :
- Conflits entre bailleurs et preneurs résolus ?
La résolution des conflits entre bailleurs et preneurs est l’objectif primordial pour lequel a vu le jour cette loi. Le législateur estime que résoudre les conflits qui opposent ces deux parties serait un atout nécessaire dans la préservation de la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus, notamment :
D’une part, les taux exagérés des loyers, la garantie locative excessive et abusive et l’anarchie dans le délai de préavis et les troubles de jouissance des biens loués (bailleurs) ; et d’autre part, la mauvaise foi et le refus de se conformer aux règles de bonne conduite en défiant le bailleur et l’ordre public, et la destruction des biens loués (preneurs).
Pour ce qui est du bailleur
En premier lieu, la loi estime que la résolution des conflits entre bailleur et preneur passe par la résolution des problèmes de taux exagérés des loyers, de garantie locative excessive et abusive et l’anarchie dans le délai de préavis et les troubles de jouissance des biens loués. C’est pourquoi, elle consacre des dispositions suivantes :
- La garantie locative ne peut excéder une somme équivalant à trois mois de loyer pour le bail résidentiel et à six mois pour le bail socioculturel (Art 18) ;
- Le payement mensuel du loyer et de la garantie locative ne peut se faire qu’en monnaie ayant cour légal : dans le cas d’espèce, en franc congolais (Art 21) ;
- Le bailleur ne peut percevoir la garantie locative d’un tiers tant que le contrat en cours n’est pas arrivé à terme (Art 20) ;
- Un bailleur qui perçoit une garantie locative supérieure à trois mois pour le bail résidentiel ou à six mois pour le bail socioculturel est puni d’un à trois mois d’une servitude pénale principale et d’une amende allant de trois à six mois de loyer (Art 39) ;
- Tout contrat de bail à durée indéterminée ne peut être résilié qu’après un préavis de
trois mois pour le bail résidentiel et de six mois pour le bail socioculturel (Art 30) ;
- Si, à l’expiration du préavis, le preneur n’a pas trouvé de logement, les délais ci- dessus sont prorogés de un mois pour le bail résidentiel ou de quatre mois pour le bail socioculturel (Art 30) ;
- Le bailleur qui ne respecte pas le délai de préavis est puni d’un à trois mois de servitude pénale principale et d’une amende allant de trois à six mois de loyer (Art 39).
La première surprise est que la loi n’a pas prévu une somme pour le payement de loyer. Dans son article 21, elle stipule clairement que le loyer est librement fixé par les parties. Ce qui est un paradoxe puisque la loi se fixe de résoudre les problèmes de taux exagérés de loyer : l’on se pose la question comment compte-t-elle procéder ? Or, résoudre le problème de taux exagérés de loyer suppose la présence de l’État dans la fixation et la délimitation de la somme à payer pour le loyer. Pour se faire, la loi devrait attribuer la responsabilité de fixer le taux de loyer à l’échelle locale compétente. Cette dernière devrait à cet effet tenir compte du pouvoir d’achat de la population locale sous sa juridiction et de l’environnement social et immédiat dans lequel se trouve l’immeuble mis en location.
Contrairement aux problèmes de fixation abusive et excessive des loyers, la garantie locative a la particularité d’être fixée, mieux codifiée et contraignante. À l’inverse, sa spécialité est aussi qu’elle ne reste qu’utopique, mythique, irréaliste et théorique. L’enquête de terrain montre que la garantie locative à Kinshasa excède pour la plupart des cas les trois ou six mois prévus par la loi, selon qu’il s’agit du contrat de bail résidentiel ou socioculturel28. Pire, elle se paye généralement en dollar29, et que la population kinoise reste complice au regard de ces violations de la loi par le bailleur30.
Par ailleurs, le respect de la loi quant aux dispositions relatives au délai de préavis est de rigueur à Kinshasa. Que ce soit le preneur ou le bailleur, les deux parties s’engagent à respecter le délais de préavis prévu par la loi, en cas de mise en terme de contrat de bail : le bailleur s’engage à attendre l’écoulement du délai prévu avant de contracter un autre bail, alors que le preneur se désengage de la location de l’immeuble à la fin du préavis.
Pour ce qui est du preneur
En second lieu, la loi estime que la résolution des conflits entre bailleur et preneur passe par la résolution des problèmes liés à la mauvaise foi du preneur et au refus de se conformer aux règles de bonne conduite en défiant le bailleur et l’ordre public, et à la destruction des biens loués. Alors que la responsabilité du preneur relative à l’usage du bien loué est réglée par les articles 387 à 392 du 30 juillet 1888 portant Code civil livre III tel que modifié à ce jour, ses obligations sont régies en l’article 13 la loi relative aux baux à loyer non professionnel.
Ces obligations sont :
- Payer le loyer selon les modalités convenues ;
- User de la chose louée en bon père de famille ;
- Répondre des pertes ou dégâts causés à la chose louée pendant la durée du contrat et qui
lui sont imputables ;
- Entretenir l’immeuble et les équipements mentionnés au contrat et procéder aux réparations locatives sauf celles ayant pour cause la vétusté, l’usure, les malfaçons, les vices de construction et le cas fortuit ;
- Informer le bailleur de toutes destructions ayant pour origine l’une des causes énumérées au point quatre ci-dessus ou nécessitant des grosses réparations ;
- Avec un taux de 49.1% dans une échelle de 3 à 6 mois de garantie locative pour le bail résidentiel, et de 37.7% dans une échelle de 6 à 9 mois de la garantie locative pour le bail socio-culturel, la pratique démontre l’irrespect de la loi dans son aspect lié à la garantie locative.
- Avec un taux de 94,3% d’avis qui précisent que le payement de la garantie locative et du loyer mensuel ne se fait pas en franc congolais.
- L’étude démontre que 69,8% de la population kinoise savent qu’un bailleur perçoit une garantie locative supérieure à trois mois pour le bail résidentiel ou à six mois pour le bail socioculturel est puni d’un à trois de servitude pénale principale et une amende allant de trois à six mois de loyer tel que prévu dans l’article 39 de la loi relative aux baux à loyer non professionnels.
- Ne pas entreprendre des grosses réparations sans l’autorisation du bailleur. Le devis est approuvé par les deux parties ;
- Le coût des travaux sera récupéré intégralement par le locataire par des déductions mensuelles sur le loyer ;
- Tant que les frais engagés par le preneur ne sont pas entièrement récupérés, le bailleur ne peut résilier le contrat de bail, ni réajuster le montant du loyer ;
- En cas de plus-value, les deux parties concluent un avenant ;
- Ne pas modifier ni transformer le bien loué sans l’accord préalable exprès du bailleur.
L’ampleur de la loi sur le preneur est assez remarquable du fait de la difficulté de trouver des immeubles en location à Kinshasa : une situation qui place le bailleur même au-dessus de la loi, fléchissant ainsi le preneur, non pas aux prescrits de la loi, mais à ses caprices individuels. Cependant, il n’en reste pas moins que le preneur soit cet autre côté de la pièce qui perpétue le conflit entre ces deux parties et viole par conséquent les dispositions légales.
Le preneur prend souvent plaisir à défier le bailleur et l’État. L’enquête de terrain démontre que certains preneurs ne préviennent pas le bailleur lorsqu’il est question d’engager les grosses dépenses sur l’immeuble loué, et réclament, par la suite, que le bailleur consente de prendre en charge ces dépenses31. Cette infime partie des preneurs à Kinshasa créent par la suite un climat de désordre jusqu’à l’intervention de l’ordre public. De fois, certains preneurs ne connaissent même pas les responsabilités relatives à l’usage de l’immeuble loué telles que prévues par la loi32.
Aussi, certains preneurs33 refusent délibérément de répondre de leurs actes après avoir causé des pertes ou dégâts sur l’immeuble loué pendant la durée du contrat. L’instabilité sociale dépend alors du bailleur. Certains d’entre-eux s’abstiennent d’en faire un problème, alors que d’autres l’amènent devant les juridictions compétentes pour demander réparation des préjudices causés.
- Persiste-t-il encore du laisser-aller et désordre dans le secteur des baux à loyer, de courtage immobilier et de transaction immobilière de vente et achat ?
Au-delà du fait que la loi vise la restauration et la préservation de la paix sociale compromise en résolvant les relations conflictuelles entre bailleur et preneur, elle préconise aussi la cessation du laisser-aller et du désordre dans le secteur des baux à loyer, de courtage immobilier et de transaction immobilière de vente et achat dans le processus d’établissement d’un contrat de bail. Pour ce faire, elle y prévoit des sanctions pénales et civiles ci-après :
- Tout bailleur qui perçoit une garantie locative supérieure à trois mois pour le bail résidentiel ou à six mois pour le bail socioculturel, est puni d’un à trois mois de servitude pénale principale et d’une amende allant de trois à six mois de loyer ou d’une de ces peines seulement (Art 39) ;
- Le bailleur qui ne respecte pas le délai de préavis, prévu à l’article 30 de la présente loi, est puni de un à trois mois de servitude pénale principale et d’une amende allant de trois à six mois de loyer ou d’une de ces peines seulement (Art 40) ;
Le défaut d’enregistrement du bail ou de son avenant dans le délai prévu à l’article 3 de la présente loi, entraîne le paiement, outre les frais d’enregistrement, d’une pénalité équivalant à un mois de loyer, à raison de la moitié par chaque partie (Art 41) ;
- 47% de la population kinoise pense que le bailleur ne prend pas en charge les grosses réparations à effectuer sur
l’immeuble mis en location.
- L’enquête montre que 50 contre 45,5% des preneurs kinois connaissent leurs responsabilités dans l’usage de l’immeuble loué au terme de l’article 13 de la loi.
- 72,7% contre seulement 22,7% des preneurs de Kinshasa répond des pertes ou dégâts causés à la chose louée pendant
la durée de contrat de bail.
- Toute agence immobilière qui n’a pas fait enregistrer un contrat de bail dont elle a facilité la conclusion, paie, outre les frais d’enregistrement, une pénalité équivalant à un mois de loyer (Art 42);
- Les parties à un bail conclu en violation des articles 3, 5, 18, 22, 27 ou 32 de la présente loi sont punies d’une servitude pénale principale de un à trois mois et d’une amende équivalant à un mois de loyer ou d’une de ces peines seulement. Les peines prévues à l’alinéa précédent s’appliquent également à tout agent qui aura procédé à l’enregistrement d’un tel contrat (Art 43) ;
- Quiconque occupe un immeuble d’autrui sans l’accord préalable du propriétaire ou en
dehors d’un contrat de bail, est puni de un an à deux ans de servitude pénale principale et d’une amende de 250.000 francs congolais ou d’une de ces peines seulement (Art 44) ;
- Les agents dûment habilités du ministère ayant les baux à loyer dans ses attributions, revêtus de la qualité d’officier de police judiciaire, sont chargés de rechercher et de constater les infractions à la présente loi (Art 45).
Une loi sans être assortie des peines n’en est pas une34. L’être humain est un construit social insatiable qui pousse ses actes jusqu’à ce qu’il trouve des limites. La particularité de cette loi est qu’elle prévoit des lois qui ne s’appliquent quasiment pas. Le problème reste double : d’abord, la loi elle-même adoubée de ses sanctions n’est pas largement connue du public. Ensuite, le peu de gens qui ont connaissance de la loi s’abstiennent à faire parvenir aux autorités compétentes des cas de violations répétées de la loi. Alors que certains estiment que l’inapplicabilité de la loi en République Démocratique du Congo devient monnaie courante (illustration faite à la loi prévoyant la sanction faite au bailleur qui aurait fait payer au preneur une garantie locative au-delà de ce que prévoit la loi), d’autres par contre restent d’avis que les personnes à pouvoir d’achat élevé sont les plus favorisées devant les juridictions que d’autres catégories moins aisées de la société.
Bien que règlementée par la loi dans certaines mesures, le règlement des différends à l’amiable reste beaucoup plus fréquent que devant l’autorité publique dans le domaine de contrat des baux à loyer non professionnel à Kinshasa. Généralement les deux parties se soustraient aux sanctions de la loi, surtout dans la mesure où les deux se sentent coupables. L’État étant mis hors du cadre réglementaire des différends relatifs aux baux à loyer non professionnel, lui qui est censé avoir le monopole de la violence légitime, les parties au contrat de bail se livrent à pérenniser les désordres et laisser-aller dans le secteur des baux à loyer non professionnel à Kinshasa. Des conflits entre agents immobiliers et bailleurs, et entre bailleurs et preneurs semblent loin d’être résolus en ce sens par cette loi.
- L’État intervient-il régulièrement dans les transactions immobilières entre les parties ?
L’État est non seulement la seule institution à détenir le monopole de la violence légitime, mais aussi l’acteur premier dans la préservation et la promotion de la sécurité et la paix sociale de ses sujets. C’est sa mission régalienne telle que le soulèvent certains classiques. Il édicte des lois pour tous et sans discrimination, et veille sur son exécution. La loi est un projet étatique qui a besoin d’une mobilisation adaptée pour concrétiser les objectifs qu’elle s’est fixée. Comme projet, une loi est élaborée, conçue et exécutée en vue de résoudre un problème donné dans la société.
- Lors d’une émission à la B-One FM, nous avons été invités à discuter autour d’un article paru sous le titre la redevabilité de l’élu. Estimant que les prémisses de la fraude électorale commencent par la manipulation de la loi électorale, nous avions constaté que cette dernière prévoit généralement des dispositions légales sans être assorties des sanctions pénales et civiles.
Dans le cas d’espèce, la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer professionnel est née dans le but de préserver la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus qui affectent directement et durablement les rapports juridiques entre les parties au contrat de bail.
En ce sens, pour marquer la présence de l’autorité publique dans ce processus de contrat de bail, la loi prévoit des dispositions suivantes :
- Le livret de bail modèle unique est règlementé par arrêté du ministre ayant les baux à loyer dans ses attributions. Chaque partie reçoit un exemplaire original du contrat enregistré ou du livret de bail enregistré, le troisième reste au service local compétent (Art 4) ;
- Un arrêté interministériel pris par les ministres ayant respectivement les baux à loyer et les finances dans leurs attributions, fixe le montant des frais administratifs relatifs au livret de bail et à l’enregistrement (Art 6) ;
- Le défaut d’enregistrement du bail ou de son avenant dans le délai prévu à l’article 3 de la présente loi, entraîne le paiement, outre les frais d’enregistrement, d’une pénalité équivalant à un mois de loyer, à raison de la moitié par chaque partie (Art 41) ;
- Toute agence immobilière qui n’a pas fait enregistrer un contrat de bail dont elle a facilité la conclusion, paie, outre les frais d’enregistrement, une pénalité équivalant à un mois de loyer (Art 42);
- Les agents dûment habilités du ministre ayant les baux à loyer dans ses attributions, revêtus de la qualité d’officier de police judiciaire, sont chargés de rechercher et de constater les infractions à la présente loi (Art 45);
- Les parties à un contrat verbal, antérieur à la présente loi, qui omettent de le convertir en contrat écrit dans les six mois qui suivent la publication au Journal officiel de la présente loi, payent, outre les frais d’enregistrement, une pénalité équivalant à un mois de loyer à raison de la moitié par chaque partie. Dans ce cas, le loyer est fixé par le service compétent en matière des baux à loyer en tenant compte des usages (Art 47).
L’étude de terrain menée démontre plutôt la passivité de l’État dans la concrétisation de cette loi. Le notariat sous seing privé étant préféré au notariat par l’autorité publique, les parties au contrat s’abstiennent d’enregistrer le contrat de bail auprès de l’autorité publique qui, de toute évidence, reste contemplative face à cette violation de la loi. Pour la plupart des cas, que ce soient le bailleur, le preneur et les agences immobilières, les parties au contrat ignorent qu’un contrat de bail doit être enregistré auprès du service local compétent, et que le refus d’enregistrement est sanctionné par une peine civile qui incombe au bailleur et à l’agence immobilière35.
Les mêmes causes conduisant aux mêmes effets, le livret de bail à modèle unique tel que règlementé ne semble concerné ni les parties contractuelles, moins encore lui-même l’État. N’ayant pas suffisamment des ressources à mobiliser pour faire suivre la loi, l’autorité publique se contente généralement de régler les contentieux qui interviennent entre les parties, alors qu’elle est généralement hors de l’établissement de contrat de bail. Le bailleur et le preneur se procurent en effet un livret de bail auprès des vendeurs ambulants qui, sans avis contraire, remplace l’État en cette matière.
- Avec un score de 81,1% contre 18,9% des enquêtés estiment qu’aucun exemplaire du contrat de bail n’est enregistré au service local compétent. Aussi, 54,7% contre 45,3% des enquêtés constituant l’une des parties au contrat de bail à Kinshasa connaissent que le défaut d’enregistrement du bail ou de son avenant dans le délai prévu à l’article 3 de la loi entraine le paiement, outre les frais d’enregistrement, d’une pénalité équivalant à un mois de loyer, en raison de la moitié par chaque partie.
Ils contractent le contrat sous seing privé, le plus souvent sans se faire enregistrer auprès du service local compétent (taux en pourcentage de nombre d’enregistrement d’un contrat de bail à Kinshasa).
Aussi, il faudra soulever le désintéressement de l’État dans la question relative aux baux à loyer non professionnel. Cette négligence peut se remarquer par la promulgation d’un arrêté ministériel du Ministère de l’Urbanisme et Habitat trois ans après (2018 d’abord, puis modifié en 2021) la promulgation de la loi relative aux baux à loyer non professionnel en République Démocratique du Congo. Or, le caractère imprécis et général d’une loi ne saurait rendre son application effective, un arrêté ministériel étant considéré comme une ressource légale mobilisée pour préciser, déterminer et concrétiser la loi.
Tableau 2 : Résultat de l’évaluation sur l’efficacité de la loi à Kinshasa
- Critique et suggestion
Comme toute œuvre forgée par la main humaine, la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel n’est pas parfaite, d’autant plus qu’aucune loi ne l’est. L’inadéquation avec son champ d’application a d’ailleurs fait l’objet de cette étude.
En effet, d’une part, critiquer cette loi renvoie à questionner les modalités de conception (puis que celles d’exécution ont été étudiées), et d’autre part, suggérer suppose proposer des pistes des solutions relativement aux problèmes soulevés dans l’étude, afin de rendre adéquate la loi à son champ d’application, et garantir la production des effets attendus, des objectifs voulus par la loi.
A. Critiques
Pour ce qui est de la conception de la loi, nous avons étayé trois constats majeurs, à savoir :
- Une procédure législative où les outils de la légistique matérielle semblent étrangers 36;
- Une formation en légistique basée sur les aspects formels où les thèmes de la légistique matérielle semblent étrangers37 ;
- Une mise en écart de la population cible dans la conception et l’exécution de la loi.
- Germain Mbav Yav et Judicael Tawite Musavuli, Manuel pratique de légistique. Contributions à l’amélioration de la qualité des édits en République Démocratique du Congo, avec l’appui de Westminster Foundation for Democracy et le Réseau congolais des personnels des Parlements, p 17-18, Kinshasa, Mars, 2016
- Germain Mbav Yav et Judicael Tawite Musavuli, Idem, p 17-18
Comme pour la plupart des lois en République Démocratique du Congo, la loi relative aux baux à loyer non professionnel a été, non seulement conçue, mais aussi s’exécute en mettant de côté les parties cibles, la population pour laquelle la loi compte éliminer les relations conflictuelles dans l’établissement de contrat de bail.
Bien que Cheik Ndiaye estime que la notion de Gouvernance est porteuse de la fragilisation de l’État en ce sens qu’en associant d’autres acteurs à la gouvernance, l’Etat s’est privé d’une ressource importante de la légitimité, à savoir le monopole de la définition et de l’orientation des politiques de développement ; la participation citoyenne dans la conception et l’exécution des politiques publiques reste un élément sine qua non à la bonne gouvernance. Elle garantit, non seulement, la gestion transparente de la chose publique, mais aussi l’ultime but pour lequel la bonne gouvernance est née reste de toute évidence la seule satisfaction de l’intérêt général38.
Intégrer le peuple à la conception de la loi, c’est résoudre le problème à moitié ; c’est lui donner le désir et l’envie de veiller à la bonne marche de la loi (s’expliquant au fait qu’il désire préserver à tout prix les résultats de son travail) ; c’est connaitre les problèmes que la loi veut résoudre et en élaborer des modalités de résolution adaptées ; c’est promouvoir la démocratie parlementaire. C’est ce que Marcel Waline explique en ces mots : par son rôle qui est celui de fournir un succédané des votes populaires, le Parlement s’impose comme institution phare avec pour fonction de refléter fidèlement que possible l’opinion populaire (…), représentation qui doit être fidèle qualitativement et quantitativement39. Toute opinion émise par une frange importante du peuple doit trouver son expression au Parlement et que le nombre de représentants de chacune de ces nuances de l’opinion doit être sensiblement proportionnel à l’importance numérique des catégories des citoyens qui se réclament de cette nuance.
B. Suggestions
De la conception à l’exécution de la loi relative aux baux à loyer non professionnel, nous avons relevé des failles qui mettent en mal son application. En partant des observations propres du chercheur40, de la documentation et surtout de l’enquête de terrain, nous avons cerné tous les contours de la loi en la confrontant aux effets qu’elle produit sur son champ d’application, dans la capitale congolaise particulièrement. Des problèmes constatés, nous proposons au monde scientifique, aux autorités politico-administratives congolaises et aux parties prenantes au contrat de bail à loyer non professionnel des suggestions suivantes :
- Aux scientifiques congolais
Les techniques d’élaboration d’une loi est un champ disciplinaire très rigoureux, soumis à des méthodologies scientifiques que chaque expert en la matière doit tenir en compte. Il est incohérent de s’improviser expert en légistique sans n’avoir suivi aucune formation là-dessus, moins encore avoir exercé un métier relatif à l’élaboration qualitative des lois.
- David Mukulu, Représentativité et participation politiques au Congo-Kinshasa. De la démystification à une action
citoyenne possible, Etudes africaines, série politique, L’Harmattan, Paris, Juin 2023.
- Marcel Waline, « Le Parlement, le pouvoir exécutif et les partis politiques en fonction de la Démocratie », Revue Internationale de droit comparé, Vol 7, N°2, Avril-Juin 1995, pp. 391-399.
- Nous tenons à signaler que nous aussi faisons partie de la cible de cette étude. Avec une expérience de vie de plus de 25 ans à Kinshasa, nous avons suffisamment observé les problèmes liés à la pratique de la loi relative aux baux à loyer à Kinshasa. Seule notre observation ne saurait suffire pour mener cette étude, l’enquête de terrain et la documentation ont scientifisé la recherche.
Plusieurs recherches41 démontrent qu’un cadre légal déficitaire est majoritairement susceptible d’engendrer les conflits, plutôt que de résoudre les problèmes pour lesquels la loi a été conçue et promulguée. La compréhension du problème à résoudre pose les prémisses d’une loi qualitative, et la présence des experts en la matière, que ce soit de la société civile ou de l’expertise privée nationale ou étrangère, est un élément constitutif dans l’élaboration d’une loi qualitative. La nécessité de se former en légistique s’impose ainsi comme prérequis incontournable en République Démocratique du Congo.
- À l’État congolais
Comme nous l’avons souligné ci-haut, la démocratie parlementaire exige qu’il y ait participation citoyenne dans la gestion quotidienne des assemblées délibérantes. Acteur principal dans la conception des lois, le Parlement est censé faire appel aux experts en légistique, les associer aux fonctionnaires parlementaires du Bureau d’étude (lesquels sont censés maitriser les notions de légistique) et intégrer une frange représentative de la population cible aux travaux des commissions parlementaires dans la conception des lois. L’appel aux experts doit être dépourvu de toute connotation clientéliste, tribale ou ethnique, étant exclusivement teintée d’un groupe d’expert choisi sur base de compétitive et de méritocratie.
Quant à l’exécution de la loi, l’État doit intensifier sa présence en s’imposant comme acteur majeur et principal dans la préservation de la paix sociale compromise par des relations conflictuelles entre bailleur et preneur. Bien que la conception d’une loi détermine à moitié son mode d’exécution, cela ne saurait suffire pour la rendre efficace et effective.
Par ailleurs, la mobilisation des ressources allouées à la pratique de cette loi en est une phase cruciale. Il ne suffit pas d’écrire une bonne loi : il faut veiller à son exécution, à sa bonne marche. À cet effet, l’État doit intervenir en ce sens :
- à déterminer le montant pour le payement de loyer mensuel afin de résoudre le problème de fixation abusive et exorbitante des prix. Cette fixation des prix de loyer doit tenir compte du pouvoir d’achat de la population kinoise, de la qualité des immeubles mis en location et de son environnement immédiat ;
- à sanctionner pénalement et civilement le bailleur qui s’accorde à demander une garantie locative en dehors de la limite fixée par la loi, en vue de résoudre le problème de fixation excessive de la garantie locative à Kinshasa. Pour ce faire, l’État doit placer la police judiciaire compétente, bien rémunérée, travaillant en étroite collaboration avec le syndicat des preneurs ;
- à sanctionner pénalement et civilement le bailleur qui exige le payement du loyer mensuel et de la garantie locative en dollar ou en toute autre devise étrangère au franc congolais, monnaie ayant cours légale en République Démocratique du Congo. Pour ce faire, l’État doit placer la police judiciaire compétente, bien rémunérée et très motivée à préserver la loi, travaillant en étroite collaboration avec le syndicat des preneurs ;
- David Mukulu, « Redevabilité de l’élu. Loyauté entre autorité morale et desiderata de la base », Revue Africaine des études juridiques, KAS-Congo, Janvier 2022.
- à construire des logements à faire louer au public pour des raisons de concurrence avec le privé. L’intervention de l’État dans le secteur privé poussera ce dernier à revoir ses attitudes, du fait qu’il y aura abondances d’offres. Le centre-ville de Kinshasa étant entassé des constructions anarchiques, l’État devra diversifier sa construction. Aménager le territoire dans la commune de Maluku, en commençant par la création des activités économiques et industrielles, éducatives, des services publics, avant de construire des logements. En ce sens, l’État pourra imposer un barème de prix de loyer mensuel à tous les bailleurs du point de vue légal, et forcer aux privés de revoir à la baisse leurs prix au regard de la surabondance de l’offre sur le marché (du point de vue sociologique). C’est dans ce contexte que le matérialisme historique de Karl Marx trouve son sens : c’est l’infrastructure (économie) qui détermine la superstructure (politique).
- Aux parties prenantes
Aux termes de la loi, le bailleur, le preneur et les agences immobilières, les courtiers et agents immobiliers constituent les parties prenantes. À elles, nous suggérons ceci :
- participer à la conception de la loi relative aux baux à loyer non professionnels. La loi étant particulièrement élaborée dans le but de résoudre les problèmes conflictuels entre parties prenantes et préserver la paix sociale, il demeure anormal que la cible, c’est-à-dire les personnes visées dans la résolution du problème, soit écartée du processus de conception, pour intervenir pendant le processus d’exécution de la loi. Cette participation des parties prenantes peut être représentative, au sens où les syndicats de preneur, de bailleur et des agences immobilières peuvent élire des personnes (étant doté des connaissances en légistique, d’éthique de vie et d’une moralité redoutables) prêtes à participer à la conception de la loi, et se charger tout aussi, au côté de l’État, de la vulgariser ;
- pour donner au contrat bail une force juridique, les parties prenantes doivent opter pour le notariat par l’autorité publique de ce contrat et l’enregistrer en déposant un exemplaire du contrat au service local compétent. Faire intervenir l’État dès le départ aide à l’amener, si pas le contraindre, à s’impliquer dans la concrétisation de la loi. Il faudra garder à l’esprit que la bonne marche de la loi n’est pas le seul apanage de l’État. Le modèle de gouvernement participatif est constitutionnel : ce qui fait que le bilan relatif à la bonne ou à la mauvaise application de la loi soit une responsabilité partagée ;
- le preneur devra éviter d’engager des dépenses sur l’immeuble loué, qu’importe la nature, sans l’autorisation et l’engagement du bailleur. Si le preneur pense faire des réajustements sur l’immeuble, le devis établi doit être discuté et validé de commun accord avec le bailleur, en vue d’éviter toute sorte de conflit susceptible de naitre entre les deux parties.
Conclusion
Les relations conflictuelles entre parties prenantes au contrat de bail à loyer non professionnel, les désordres et le laisser-aller, et la quasi-inexistence de l’État dans le secteur, ont poussé à plus d’un de réfléchir sur les moyens de remédier à cette situation préoccupante. C’est dans ce contexte que la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel verra le jour. Elle est élaborée et mise en exécution dans le but de préserver la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus qui affectent durement et durablement les rapports juridiques entre parties au contrat de bail en l’occurrence bailleurs et preneurs.
S’inscrivant dans une logique à déterminer les effets que la loi a produits huit ans après, cette étude a consisté à analyser l’applicabilité de la loi à Kinshasa selon qu’il s’agit de son effectivité et de son efficacité. Alors que les observations de l’auteur, la lecture documentaire et les enquêtes de terrain ont aidé à récolter les données relatives à la thématique, la double méthodologie d’évaluation d’effectivité et d’efficacité de la loi a permis, d’une part, mesurer le taux d’applicabilité de la loi, et d’autre part, à voir les objectifs et but fixés par la loi ont été atteints.
À l’issu de l’analyse, nous avons abouti aux résultats selon lesquels l’inadaptabilité de la loi à son champ d’application reste la cause principale des problèmes d’applicabilité de la loi à Kinshasa. Evaluée à 83% dans une échelle de 10 à 30 relativement à la méthode de l’évaluation d’effectivité, la loi souffre d’application à Kinshasa. Ce qui rend d’ailleurs la réalisation des objectifs et but assignés par la loi impossible, irréalisables. Aussi, évaluée à 90.0% dans une échelle de 10 à 30 relativement à la méthode de l’évaluation d’efficacité de la loi, cette dernière ne réalise toujours pas les objectifs et but qu’elle s’est assignée. Les difficultés qu’elle rencontre dans sa mise en pratique impacte étroitement et négativement sur le but fixé par la loi.
Ainsi, cette étude ne balaye pas toutes les questions relatives aux baux à loyer non professionnel. Des débats ouvrant d’autres questions relevant de la même thématique peuvent être également. Nous pensons ici à l’évaluation législative selon la méthode d’eficience42 que nous n’avons nullement mentionnée dans cette étude, moins encore utilisé. Aussi, des recherches peuvent porter sur la carence des lois en matière de contrat de bail à loyer non professionnel, le régime disciplinaire que nous avons trouvé assez doux et moins coercitif, etc.