Par Danilo Kibatondo Mayamba*
Résumé
On ne saurait confirmer l’existence de la transparence dans la gestion du gouvernement sans l’obligation de rendre compte de l’effectivité de ses actions publiques. Or, cette exigence constitutionnelle nécessite l’attitude rationnelle et la lucidité de la part des gouvernants et des élus du peuple pour produire réellement le résultat escompté. A cet effet, les résultats des élections de 2018 qui ont offert au pays sa toute première alternance démocratique au sommet de l’Etat et la nouvelle configuration du parlement avant d’être reconfiguré au cours de cette même législature en décembre 2020, nous ont permis d’observer, dans un œil épistémologique, l’ampleur du contrôle parlementaire sous le gouvernement Ilunga Ilunkamba et Sama Lokende I, qui constitue l’objet de cette étude.
Ce qui est tout à fait normal ! Puisque, la constitution de 18 février 2006 dans son article 100, telle que modifiée en ce jour, stipule : le pouvoir législatif assure le contrôle de l’action du gouvernement par les mécanismes parlementaires, dans l’objectif de renforcer l’efficacité dans la gestion des biens publics et éviter des conséquences éventuelles sinon, prévoir des scénarii possibles. Mais, malheureusement, la mégestion s’accroit et les conditions de vie de la population demeurent déplorables. C’est ainsi que nous voulons démontrer ici sans aucune prétention négative que, ce paradoxe est lié au comportement irresponsable d’acteurs politiques qui constituent un réseau et laboratoire politique visant les intérêts égoïstes pour déstabiliser l’appareil étatique. D’où, la restructuration mentale, la requalification du système politique et la reprogrammation fonctionnelle des institutions de la République s’avèrent impérieuses.
Mots clés : Contrôle parlementaire, Parlement, Gouvernement
Summary
We connot confirm the existence of transparency in the management of government without,the obligation to report on the effectiveness of its public actions. However, this constitutional requirement requires a national attitude and lucidty on the part of those who govern and those elected by the people to actually produce the expected result. To this end, the results of the 2018 elections which offered the country its very first democratic alternation at the top of the state and the new configuration of the parliament before being reconfigured during this sanne legislature in december 2020, allowed us to observe in one eye epistemological the extent of parliamentary control under the Ilunga Ilunkamba and Sama Lokonde I government, which constitutes the subject of this study. This is completly normal ! Since the constitution of February 18, 2006 in its article 100, as amended on this day, stipulates : the legislative power ensures the control of government action through parliamentary mechanisms, with the objective of strengthening efficiency in management public goods and avoid possible consequences otherwise, plan possible scenarii. But unfortunately, mismanagement is increasing and the living conditions of the population remain deplorable. This is how we want to demonstrate here without any negative pretentions that this paradox is linked to the responsible behavior of political actors who constitute a network and political laboratory targeting selfish interests to destabilize the-state apparatus.
Hence, the mental restructuring the requalification, of the political system and the functional
repogramming of the institutions of the Republic proves imperative.
Keywords : Parliamentary control, Parliament, Government.
Introduction
La surabondance des travaux sur le contrôle parlementaire dans le monde en général et en Afrique en particulier, plus précisément en République Démocratique du Congo, ne nous laisse pas persuader combien ce thème examiné dont chacun aborde dans les différents angles, s’avère important pour la gestion transparente et la bonne gouvernance d’un pays. Cela s’aperçoit par quelques cas illustratifs pertinents, tels que : Louis M. et Rich Stapenhurst, sur le contrôle parlementaire des finances publiques dans la Francophonie 2019, où cherchent à décrire et comprendre les institutions de contrôle budgétaire que l’on trouve dans les parlements des pays de Francophone.
De même pour Éric Thiers qui, dans son ouvrage sur le contrôle parlementaire et ses limites juridiques : un pouvoir presque sans entraves 2010, conclut après avoir analysé que les activités du contrôle peuvent se déployer au parlement dans un espace de liberté. Pour aller plus loin, Francis Akindès et Victor Topanou, dans leur étude sur le contrôle parlementaire de l’action gouvernementale en République du Bénin : Une lecture sociologique focalisée sur la République du Bénin, dont les résultats de leur étude de cas, révèlent que le contrôle se fait sur une démocratie rétablie dans une Afrique francophone encore marquée, au plan politique, par un passé colonial récent et toujours en proie à la définition de ses propres normes de démocratisation. Enfin, Paulin Punga dans son article intitulé : pallier les limites du contrôle parlementaire en RDC par l’évaluation des politiques publiques 2022 où il reconnait que le contrôle parlementaire tel qu’il est pratiqué en République Démocratique du Congo connait des limites ou des lacunes qu’il importe de combler par la technique de l’évaluation des politiques publiques. Il ne s’agirait pas de le supprimer, mais de le parfaire, de le rendre efficient par les méthodes de l’évaluation des politiques publiques1.
Par ailleurs, tout exercice du contrôle parlementaire dans une société ne symbolise non seulement pas la transparence de gestion publique mais aussi, justifie la défaillance de l’appareil étatique lorsqu’il est caractérisé par l’irrationalité. Par contre, un contrôle parlementaire exercé consciencieusement et rationnellement, renforce l’efficacité de l’État et favorise la bonne gouvernance. Il serait donc un non-sens que les mandataires du peuple puissent s’ériger en obstacles à la promotion du contrôle parlementaire.2 En effet, le contrôle parlementaire,
« représente un volet important de la gestion moderne de tout Etat, en ce qu’il constitue l’un des dispositifs institutionnels permettant de garantir la gouvernance et la mise en œuvre de la redevabilité »3. Depuis l’avènement de la démocratie, le contrôle parlementaire s’avère non seulement un outil indispensable dans le rapport entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif des Etats modernes, mais aussi et surtout signe de liberté.
Dans le contexte de la République Démocratique du Congo, le contrôle parlementaire s’aperçoit et s’applique dans plusieurs actions des gouvernements connus pour l’objectif de rendre effectif la transparence et la bonne gouvernance des biens et services de la population congolaise.
- Paulin Punga., pallier les limites du contrôle parlementaire en RDC par l’évaluation des politiques publiques, éd IDGPA, 2022, p. 26.
- Il a été démontré malheureusement que dans plusieurs études que les gouvernants congolais n’ont jamais accepté de se soumettre au contrôle parlementaire. Lire dans ce sens Imbambo-La-Nganya, Le contrôle parlementaire sur l’activité gouvernementale en République Démocratique du Congo depuis le 30 juin 1960 jusqu’à nos jours, Thèse de doctorat, Faculté de droit, Université de Kinshasa.
- Kumasamba Olom, J.B., Pratique du contrôle parlementaire des finances publique à l’Assemblée nationale de la RDC
1960-2016. Regard d’un praticien, Médiaspaul, Kinshasa, 2027, p.14.
Malheureusement, il s’avère que cette pratique censée susciter la performance des institutions et améliorer les conditions de vie du souverain primaire, accuse les abus et présente un visage défavorable. Cet état de choses peut être justifié par le fait que le comportement et attitude des acteurs politiques influent sur la conception rationnelle de la gestion étatique. Or, si l’élite politique elle-même est en incapacité de respecter le paradigme gouvernemental et défendre l’immense potentialité de ressources naturelles qui regorgent le pays, à combien plus forte raison que la population sera en mesure de les protéger et en tirer profit commun, puisque le principe de la redevabilité serait bafoué par les représentants du peuple et gouvernants qui privilégient leurs intérêts égoïstes.
Paradoxalement, l’ampleur du contrôle parlementaire observé pendant la période du gouvernement Ilunga Ilunkamba et Sama Lokonde I, qui est sous examen dans cette étude, révèle l’insatisfaction de la population congolaise et les conditions de vie demeurent inchangées. Par conséquent, cet exercice parlementaire est devenu d’une part, l’affaire d’arrangement entre contrôleurs et contrôlés et d’autre part, l’enjeu et stratégie des acteurs pour les intérêts divergents, malgré quelques cas concrets d’interpellations, de question orale et débat ou sans débat observés dans le gouvernement précités. Voilà le moment fort qui nous permet de détecter ou démontrer non seulement l’efficacité et inefficacité de contrôle parlementaire pendant cette période historique, mais aussi et surtout, d’évaluer son résultat dans le but d’améliorer les conditions de vie sociale de la population congolaise.
Eu égard à ce qui précède, nous voulons savoir : Quels sont les résultats auxquels ont abouti les contrôles parlementaires sous les régimes des Gouvernements Ilunga Ilunkamba et Sama Lukonde ? Dans la mesure où ceux-ci ont été efficaces, qu’est-ce qui expliquerait ou justifierait que les libertés fondamentales et les conditions sociales de la population ne soient toujours pas améliorées ?
Pour appréhender l’impact de contrôle parlementaire aux attentes de la population congolaise, notre réflexion s’appuie sur l’approche stratégique de Crozier M. et Freiberg E. qui consiste à analyser les organisations. Dans le contexte de notre réflexion, les gouvernants et les élus du peuple sont des « acteurs principaux » dans un vaste champ du rapport entre le gouvernement et le parlement. Dans ce même vaste champ, on découvre que tous ces acteurs politiques sont à la recherche de leurs intérêts égoïstes ou personnels face aux enjeux et jeu du pouvoir au détriment de l’intérêt général. C’est pourquoi, le contrôle parlementaire demeure inefficace en République Démocratique du Congo. A côté de cette méthode, nous avons joint les techniques : d’observation directe, interview libre et technique documentaire qui nous ont facilitées la collecte de données.
Concrètement, notre démarche dans la récolte de données a débuté suite à notre lettre du 6 octobre 2023 relative à la demande d’accès aux archives de l’Assemblée nationale adressée au Secrétaire Général de ladite l’Assemblée, qui nous a répondu favorablement par sa lettre d’autorisation d’accès n°030/AN/SG/JNK/BDC/MAJA/2023.4 Cette autorisation nous a permis de consulter les documents tels que : Règlement Intérieur de l’Assemblée, suivi du procès-verbal n°074 du 26-04-20215 ( Examen et approbation du programme du gouvernement suivis de son investiture), procès-verbal n°131 du 30-3-20226 ( Audition de la question orale avec débat de l’honorable Kayembe Ilunga Jean Pierre adressée à Monsieur le Vice-Premier ministre, Ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières et examen et vote de la motion de défiance contre le Ministre de l’Economie nationale,
- Secrétariat général de l’Assemblée nationale, Autorisation d’accès n°030/AN/SG/JNK/BDC/MAJA/2023.
- Procès-verbal n°074 du 26-04-2021.
- Procès-verbal : n°131 du 30-3-2022.
Monsieur Kalumba Yuma Jean Marie), procès-verbal n°163 du 19-10-20227 ( Examen et motion de défiance contre le Ministre des Transports, Voies de communication et Désenclavement, Monsieur Okende Senga Chérubin) et enfin, procès-verbal n°194 du 05-04-20238(Interpellation du Directeur de la Société Nationale d’Electricité (SNEL SA) par l’honorable Bukasa Ngoy Prosper. A cette occasion, nous avons interviewé quelques personnalités politiques et administratives qui nous ont fourni les données nécessaires pour rédiger cet article, singulièrement : Cholette Tshomba Rapporteur du bureau de l’Assemblée nationale, François Nzekuye, député national de l’opposition, Monsieur Gilbert Adamaro, Directeur de la direction de séances plénières à l’Assemblé nationale et autres personnages importantes de l’arène politique congolaise.
Outre l’introduction et la conclusion, cette étude se répartit en quatre points : le premier aborde les éléments de vocabulaire, le deuxième met l’accent sur le fondement du contrôle en RDC, le troisième s’articule autour d’une brève historique du contrôle parlementaire en RDC et enfin, le quatrième fait l’évaluation de l’action parlementaire en RDC sous le régime de Félix Tshisekedi.
I. Aspects conceptuels de l’étude et fondement théorique du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo
Parcourant la documentation existante, « Manning et Stapenhurst notent que les Assemblées législatives remplissent trois fonctions importantes. D’abord, elles élaborent les politiques et adoptent les lois. C’est la fonction de législation. Ensuite, elles représentent les citoyens et favorisent l’expression de la société civile et des groupements d’entreprise dans le processus collectif de prise de décision en collaboration avec le gouvernement. C’est la fonction de représentation. Enfin, elles surveillent et contrôle l’action du gouvernement en ce qui concerne la mise en œuvre des politiques avec, notamment, la capacité d’exiger une reddition de comptes. Pour faire bref, c’est la fonction de contrôle9 qui constitue la vaine de cette dissertation.
Parlons des éléments de vocabulaire. Nous faisons allusions essentiellement aux manuscrits existants sur le contrôle parlementaire et décrire, laconiquement, les concepts y relatifs. De plus, un accent particulier sur la fonction et mécanismes du contrôle parlementaire. Ces éléments, servent le repère théorique de cet article.
A. Clarification des concepts
Dans l’essence de cet article, la compréhension de quelques concepts clés est évidente avant d’entrer dans le vif du sujet. En effet, par le lexique des assemblées politiques délibérantes, Aubin Minaku et François Bokona, nous renseignent que « le contrôle parlementaire est l’une de deux fonctions parlementaires pour assurer la bonne application de la Constitution, des lois et des règlements, et une bonne gouvernance »10. En pratique, le contrôle parlementaire c’est
« l’analyse, le suivi et le contrôle de l’action du Gouvernement et des organismes publics, y compris la mise en œuvre des politiques et de la législation ». Cette définition se concentre sur l’objectif et la nature des activités de contrôle, plutôt que sur leurs modalités. Elle couvre les travaux des commissions parlementaires et des séances plénières, ainsi que les auditions tenues pendant la phase parlementaire des projets de loi et du cycle budgétaire. Parlons du gouvernement. Il est définit comme branche de l’Etat qui a pour fonction de mettre en
- Procès-verbal n°163 du 19-10-2022.
- Procès-verbal n°194 du 05-04-2023.
- Manning et Stapenhurt, cité : par Louis M. Imbeau Rick Stapenhurst., Contrôle parlementaire des finances publiques
dans la Francophonie, éd, Pul presses de l’Université Laval, 2019, p.5.
- Aubin Minaku et François Bokona., Le lexique des assemblées politiques délibérantes, éd. Académia-L’Harmattan, 2013, p.46.
œuvre les lois adoptées par les pouvoir législatif. Sans le pouvoir exécutif, les lois ne seraient que des vœux.
L’exécutif dispose également des pouvoirs discrétionnaires importants : décisions précises directement par le gouvernement sans le consentement spécifique du parlement. Ces pouvoirs de l’exécutif sont évidemment nécessaires dans une situation de crise ou d’urgence qui oblige une action rapide11. De quoi parle-t-on quand on évoque la République ? La réponse devrait être simple. Pourtant, elle ne l’est pas, du moins pas dans notre pays. Il existe certes une définition classique, celle de Jean-Jack Rousseau, éclairante, mais elle est large : « J’appelle donc République tout Etat régi par des lois : car, alors seulement l’intérêt public gouverne et la chose publique est chose de tous.12 En français, sur le plan du signifiant, le Parlement apparait comme le lieu où l’on parle et où l’on met. Une tribune des promesses où les paroles sont libres mais où elles s’envolent. On ne voudra pour preuve le peu d’intérêt que suscite (hors de cercles de chercheurs), le journal officiel des débats parlementaires qui est pourtant la seule
« preuve »de la démocratie.13
- Sortes du contrôle parlementaire
Au sens large, le contrôle parlementaire s’étend sur plusieurs aspects singulièrement :
- Le contrôle interne ou autocontrôle : qui consiste à autocontrôler, conformément à l’article 100 de la constitution relatif à l’autonomie administrative et financière que les assemblées disposent. Bref, il s’agit du contrôle interne du budget propre de l’Assemblée parlementaire, appelé : dotation, par le parlementaire ;
- Le contrôle spécifique de l’exécution du budget : qui présente la sensibilité dans la gestion des affaires de l’Etat à travers la gestion des ressources publiques suscitant beaucoup d’intérêts en même temps qu’elle peut conduire à plusieurs faits répréhensibles. C’est pour cette raison ce contrôle mérité une attention particulière ;
- Le contrôle externe ou strict : qui s’applique au gouvernement, les entreprises publiques,
les établissements et les services publics. Pour l’exercer, le parlementaire recourt aux moyens ou outils conformément à l’article 138 de la constitution. De manière brève, il s’agit de : question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote ; question d’actualité ; interpellation ; commission d’enquête ; audition par les commissions. Il est important de préciser que dans cet article, c’est le troisième et dernier type du contrôle parlementaire est étudié14.
- Les moyens du contrôle parlementaire
Les moyens du contrôle de l’Assemblée nationale sur le gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et les services publics en RDC se présentent de manière suivante :
- L’interpellation : qui est une demande d’explication adressée au gouvernement ou à ses membres, aux gestionnaires des entreprises publiques, des établissements et des services les invitent à ses justifier, selon les cas, sur l’exercice de leur autorité ou sur la gestion d’une entreprise publique, d’un établissement ou d’un service public. Elle peut être initiée à tout moment de la session ordinaire15 ;
- Isabelle Lacroix., Perspective monde, outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945, éd, Québec
canada, 2023, p. 1.
- Jean Picq., La république, la force d’une idée, éd, sciences politiques, les presses, 2021, p 9.
- Odon Vallet., Le mot parlement, éd : mots, n°19, juin 1989. Batailles de mots autour de 1900, 1989, pp.97-98.
- David Byaza Sanda, L. le rôle des commissions dans le contrôle parlementaire, Libreville, 2011, p.1.
- Article 191 et 192 du règlement Intérieur de l’assemblée nationale, Journal officiel de la RDC, Kinshasa, numéro
spécial, 25 octobre 2019.
- La commission d’enquête : a pour objet de recueillir les éléments d’informations les plus complets sur des faits déterminés dont l’Assemblée nationale n’est pas ou est insuffisamment échouée et de soumettre ses conclusions à l’Assemblée plénière. Elle peut aussi être chargée d’examiner la gestion administrative, financière et technique du gouvernement, d’une entreprise publique, d’un établissement ou d’un service public16.
B. Fondement du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo
L’histoire parlementaire de la République Démocratique du Congo, commence après l’accession du pays l’indépendance le 30 juin 1960. Tous les textes qui ont eu à régir le pays depuis 1960 avaient prévu différents mécanismes de contrôle parlementaire. Le contrôle parlementaire en République démocratique du Congo connait un revers historique. Plusieurs évolutions se sont observées au cours des différentes législatures.
Déjà, la République démocratique du Congo a connu un changement des régimes ayant influencé les systèmes de gestion du pays. Dès son indépendance à nos jours, chaque législature a connu une réalité sur le contrôle parlementaire et s’en a adapté selon la réalité politique. Quelques illustrations sont mises en évidence pour permettre l’appréhension sur l’évolution de contrôle parlementaire en République démocratique du Congo.
Sous la première législature, du 1960 à 1965, loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo aux termes de son article 15 de la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, le pouvoir législatif s’exerçait collectivement au niveau central par le chef de l’Etat, la chambre des représentants et le sénat. À l’article 16 chacune de ces branches possédait un droit d’initiative. À en croire, le contrôle parlementaire proprment dit par voie d’interpellations, d’enquêtes et de questions n’existait presque pas. Il se caractérisait plus par la désignation de l’exécutif qu’à celui de la mise en jeu de la responsabilité ministérielle à travers diverses motions.
Sous la deuxième législature, du 1965 à 1970, la constitution du 1er août 1964 à son article 144, une évolution de mécanisme du contrôle parlementaire se fait observer. Cette responsabilité était accordée au président de la république. Par une ordonnance-loi N°66 /92 bis du 7 mars 1966, en son article 1, le président de la République s’est attribué le pouvoir législatif. Et En son article 2, celui-ci les transmettait au Parlement à titre d’information.
En effet, sous la deuxième République, le contrôle parlementaire n’avait toujours pas de contour formel. Quelques pratiques se sont identifiées sans impact réel. Sous la deuxième législature de 1975 à 1977, la constitution n°74/20 du15 aout 1974 a purement et simplement ignoré le contrôle parlementaire en fait et en droit. Cumulant tous les pouvoirs, le chef de l’Etat ne pouvait diriger sans contrôle (pouvoir législatif) contre lui-même (pouvoir exécutif).
Sous la troisième législature de 1977 à 1982, la constitution 78-010 du 191fevrier 1978 a renait le contrôle parlementaire et devient plus lisible ; effectivement exercé par les commissaires du peuple (députés) de l’époque. En vertu de son article 84, le conseil législatif disposait du pouvoir de contrôle sur le conseil exécutif, le conseil judiciaire et les services publics de l’Etat.
Sous la quatrième législature de 1982 à 1990, il s’est observé la conservation de la constitution de la législature précédente. Sous la cinquième législature de 1987 à 1990, le rôle du parlement, étant toujours réduit, était toujours marqué par le contexte monolithique.
- Constitution du 18 février 2006, article 200, 2016.
- Fondement juridique
Il s’agit de répondre à la question de la légalité de droit. Au préalable, le contrôle parlementaire doit être « saisi par le droit » : « le droit constitutionnel, fruit d’un effort multiséculaire des gouvernés qui tend à endiguer la politique, puis à enfermer, pour l’essentiel, les gouvernants dans un statut juridique »17. L’étreinte juridique se révèle être à cet effet, la marque et l’antidote du contrôle parlementaire : l’Etat de droit. En effet, la constitution de la République Démocratique du Congo en vigueur institue un parlement bicaméral composé de l’Assemblée Nationale (chambre de représentants du peuple) et du Sénat (chambre des représentants des provinces). En son article 100 alinéa 2, elle dispose : « le Parlement vote les lois. Il contrôle le gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et services publics. En plus, cette disposition constitutionnelle, la consécration du contrôle parlementaire est déterminée par les articles 90 alinéas 4 et 5 ; 91, alinéa 5 ainsi que 146, alinéa 1er de la même Constitution ayant trait à l’engagement de la responsabilité du gouvernement de la République devant l’Assemblée nationale. Il convient de parler aussi de l’article 146 alinéas 2 et 3 de la constitution du 18 février 2006 relatif à l’adoption par l’Assemblée nationale du programme ou de la politique générale du gouvernement.18 Le règlement intérieur martèle sur l’organisation et fonctionnement de l’Assemblée nationale ou provinciale conformément aux dispositions de la Constitution et des lois de la République. Il détermine les droits et les devoirs des parlementaires. Il s’applique aux parlementaires, au personnel politique administratif et technique de l’Assemblée nationale ou provinciale selon le cas »19.
- Fondement sociologique
Avant d’être un phénomène juridique, le contrôle parlementaire est d’abord un phénomène sociologique. Aucune société ne peut tolérer une situation de vie défavorable de sa population et la mauvaise gestion de ses biens et services. C’est dans cette optique que la démocratie représentative nous révèle le principe de la redevabilité des élus envers le souverain primaire, comme fondement sociologique du contrôle parlementaire. Cependant, cette redevabilité est soumise à un certain nombre des mécanismes de régulation règlementaire (textes) et morale (conscience) que chaque élu doit respecter pour répondre effectivement aux désidératas de la population.
- Évaluation du contrôle parlementaire sous le gouvernement Ilunga Ilunkamba
et Sama I
Certes, le parlement exerce un contrôle sur le gouvernement en posant des questions orales, écrites et d’actualité aux ministres et aux hauts fonctionnaires de l’Etat. C’est dans ce sens qu’il est prévu aussi des interpellations des membres du Gouvernement sur les questions relatives à la vie de la nation. Pour y procéder, la conférence des Présidents des Chambres fixe la date des deux séances réservées aux questions orales et les ministres sont tenus de répondre en séance plénière ou individuellement par écrit au parlementaire.
En cas de non satisfaction du parlementaire, la question orale ou écrite peut faire l’objet d’une interpellation. En effet, après avoir parlé des éléments des vocabulaires et bref historique du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo, nous allons évaluer le contrôle et l’action parlementaire en RDC sous le régime de Félix Tshisekedi, plus précisément le gouvernement Ilunkamba et Sama Lokonde I.
- Jacques Djoli Eseng’Ekeli., Droit constitutionnelle, principes fondamentaux ; Tombe 1, éd, Djes, Kinshasa, 2O16, p. 74.
- Article 146 alinéas 2 et 3 de la Constitution du 18 février 2006.
- Richard Kakesa Malundangu, le contrôle parlementaire comme vecteur de bonne gouvernance des finances publiques, outils de lutte contre l’impunité et d’adhésion populaire du citoyen à l’impôt en république démocratique du Congo, éd ISSR 2017, p.4.
A. Gouvernement ILUNGA ILUNKAMBA
D’aucun ignore le contexte par lequel le gouvernement Ilunga Ilunkamba a été formé. A titre de rappel, c’était après les résultats du troisième cycle électoral organisé le 30 décembre 2018 qui a offert au pays sa toute première alternance démocratique marquée notamment par la passation pacifique du pouvoir, le 24 janvier 2019 au sommet de l’Etat et la nouvelle configuration du parlement composé à la majorité des élus de la famille politique du président de la République sortant et à la minorité de ceux de la famille politique du Président de la République entrant. En effet, c’est suite à cette réalité politique que les deux hautes personnalités politiques de la République s’étaient convenues de mettre en place un gouvernement en vertu de « l’accord FCC-CACH », « dirigé par Ilunga Ilunkamba, qui a élaboré et partiellement exécuté, dans les deux premières années du quinquennat présidentiel, un programme articulé autour de quinze piliers, repris en quatre grands secteurs d’activités à savoir : le secteur Politique, défense et sécurité ; le secteur Economie et finances ; le secteur Reconstruction ainsi que le secteur Social et culturel pour l’intérêt de la nation congolaise »20.
Fort malheureusement, ce programme d’actions n’a pas été achevé à cause de la rupture de la coalition qui est intervenue au cours de cette même année. La majorité parlementaire a été reconfigurée en faveur du président entrant et cela a donné lieu à la formation du nouveau gouvernement dont nous allons analyser le comportement des membres dans les pages qui suivent.
- Actions parlementaires exercées au gouvernement Ilunga Ilunkamba
Bien que consacré au contrôle parlementaire, cet article veut aussi prendre en compte l’aspect des actions parlementaires puisque celles-ci englobent le contrôle parlementaire et va au-delà de la dimension juridique. Pour montrer les points distinctifs, nous allons présenter, tour à tour, les actions parlementaires et le contrôle parlementaire.
Sous la présidence de Jeanine Mabunda et Alexis Tambwe Mwamba
Respectivement président (e) de l’Assemblée nationale et Président du Sénat, Jeanine Mabunda et Tambwe Mwamba, ont mené quelques actions parlementaires que personne ne peut ignorer. En effet, dans son caractère politique, les actions parlementaires ont été posées sur le plan interne et externe en vue d’impacter le vécu quotidien de la population congolaise.
Acet effet, après l’investiture du gouvernement Ilunga Ilunkamba, la République Démocratique du Congo a été confrontée à la pandémie de COVID 19 comme d’ailleurs d’autres pays du monde l’ont subi.
Cet événement a bouleversé l’économie mondiale, en particulier celle de la RDC. Pour en faire face, les représentants du peuple ont mené les actions parlementaires qui dépassent même le caractère juridique du contrôle parlementaire dans la constitution de 18 février 2006, pour appuyer le programme du gouvernement qui semblait pataugé dans ce contexte difficile de pandémie ci-évoquée. Parmi les actions en caractère politique et sociale, nous citons :
- L’intervention immédiate des chambres parlementaires conformément à l’article 144 de la constitution après l’ordonnance n°20/014 du 24 mars 2020 portant proclamation de l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de COVID-1921 ;
- L’ouverture de la session extraordinaire convoquée conformément à l’article 116, lorsque l’Assemblée et le Sénat n’étaient pas en session ordinaire;
- Ilunga Ilunkamba, Programme du gouvernement, 2019, p.3.
- Ordonnance n°20/014 du 24 mars 2020 portant proclamation de l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de COVID-19.
- L’autorisation de la prorogation de l’état d’urgence et la suspension à tout moment par l’Assemblée nationale et le Sénat pendant une périodes successives de quinze jours » ;
- La participation du parlement congolais aux rencontres d’expertises internationales en vue d’améliorer son fonctionnement et soutenir le programme du gouvernement ;
- L’élaboration des lois relatives aux contextes du moment ;
- Contrôle parlementaire exercé au gouvernement Ilunkamba
Bien que prévu aux textes et lois du pays, le contrôle parlementaire dans cette période n’avait pas une forte intensité à cause de la coalition Front Commun pour le Congo (FCC) et Cap pour le changement (CACH) qui avait permis aux deux plates-formes politiques de former un gouvernement de coalition dont le Premier ministre et la majorité des ministres appartenaient à la majorité parlementaire. Néanmoins, nous avons prévu quelques cas saillants d’interpellations, questions écrites, orales et débats ont été signalés au cours de sessions ordinaires ou extraordinaires.
Sous la présidence de Jeanine Mabunda et Alexis Tambwe Mwamba
Elue le 24 avril 2019 présidente du bureau définitif de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, a promis de placer son mandat sur le domaine législatif, le contrôle parlementaire, la diplomatie parlementaire et le réexamen du social des députés nationaux. Elle l’a dit dans son discours d’investiture prononcé après son élection, je cite : « Notre travail sera axé sur le domaine législatif, sur le contrôle parlementaire, sur le réexamen du social des députés et sur la diplomatie parlementaire. Je voudrais aussi attirer votre attention sur les priorités de la présente session à savoir la mise en place des autres organes de l’Assemblée nationale et l’approbation du programme du gouvernement suivi de son investiture. Votre bureau va engager des consultations en vue de la mise en place des autres organes prévus par notre règlement intérieur notamment les commissions permanentes, les groupes parlementaires, le comité de sage ».22
Concrètement le contrôle parlementaire était réalisé en cette période pendant les sessions ordinaires dans la chambre basse (Assemblée Nationale) et haute (Sénat) du parlement congolais. Parmi les Ministres interpellés, nous citons le Ministre de la Santé, Eteni Longondo, entendu à la commission Socioculturelle de la chambre basse du Parlement le lundi 15 juin 2020 pour rencontrer les préoccupations des élus membres de ladite commission. Cette dernière l’a auditionné pendant plus de 5 heures du temps autour des différentes questions sanitaires, notamment la gestion de la pandémie de Coronavirus. De son côté, le Ministre a fait savoir aux parlementaires la dificulté à laquelle son ministère était buté dans la gestion de la pandémie liée notamment à la psychose et l’information qui s’étaient s’observés dans les chefs de la population. Suivant l’interpellation d’Azarias Ruberwa, Ministre d’Etat en charge de la décentralisation et des réformes institutionnelles.
À cet effet, il lui était reproché de l’installation oficielle de Gad Mukiza comme bourgmestre de la commune rurale de Minembwe dans le Sud Kivu, déclenchant une polémique autour du statut de cette entité et de la légalité même de cette installation. Nous pouvons ajouter encore la question orale avec débat du sénateur Jean Bakomito Gambu au Premier Ministre Ilunga Ilunkamba sur la gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie du COVID-19 ainsi que les conséquences socioéconomiques qui en découlent.
parlementaires, Consulté le 13/10/2023. 00h00.
À titre illustratif, voici quelques interpellations et questions orales et débats de manière :
Tableau N°1
N° | Session | Auteur | Objet | Destinataire |
1 | Session ordinaire juin 2020 | Hon. Juvénal Munubo et autres élus | La mauvaise gestion de la pandémie coronavirus | Ministre de la Santé Eteni Longondo |
2 | Session ordinaire 19 octobre 2020 | Hon. Muhindo Nzangi | l’installation officielle de Gad Mukiza comme bourgmestre de la commune rurale de Minembwe dans le Sud Kivu | Ministre d’Etat en charge de la décentralisation et des réformes institutionnelles, Azarias Ruberwa |
3 | Session ordinaire Mai 2020 | Sénateur Jean Bakomito Gambu | La gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie du COVID-19 ainsi que les conséquences socioéconomiques qui en découlent. | Premier Ministre Iunga Ilunkamba |
Source : secrétariat général de l’Assemblée nationale, direction séances plénières 2023.
B. Gouvernement SAMA LUKONDE I
Le vote de décembre 2020 de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo a entrainé non seulement la destitution de sa présidente, Jeanine Mabunda, alliée de l’ancien président Joseph Kabila, mais aussi a suscité une lueur d’espoir dans le CACH qui voilait avoir stratégiquement la possession de toutes les institutions de la République et gouverner le pays en toute liberté. C’est dans un contexte politique morose que cet événement est intervenir pour écarter et effacer la mainmise de son prédécesseur sur les institutions de la République. L’éviction de la présidente de la « chambre basse » du parlement fait suite à des mois de consultation entre les membres de la coalition du Président Félix Tshisekedi, les députés de l’opposition et ceux, réceptifs, du Front commun pour le Congo (FCC). Ce qui a indiqué qu’une voie vers la réforme suite au remplacement, en février 2021, du Premier ministre Sylvestre Ilunga, par Sama Lokonde Kyenge, membre de l’Union sacrée.23
- Actions parlementaires exercées au gouvernement Sama I
Sous la présidence de Mboso N’kodia Mpwanga
Dès son accession à la présidence de l’Assemblée Nationale, Mboso N’kodia Mpwanga avait promis aux élus du peuple d’avoir redoré l’image de l’Assemblée Nationale digne de son nom, mettant en application les textes et règlement qui régissent le parlement.
En cette période, le parlement congolais avait mené plusieurs actions parlementaires en vue de susciter toujours le gouvernement à matérialiser son programme de société, en posant les actions incitatives pour l’intérêt de la nation congolaise, notamment : l’autorisation de prorogation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et Nord Kivu en RDC et tant d’autres actions humanitaires posées par les présidents des deux chambres du Parlement afin de soutenir la politique de la nation.
- Paul Nantulya, La stabilité en République démocratique du Congo après les élections, éd, Éclairage, Centre d’études stratégiques de l’Afrique, 2018, p.1.
- Contrôle parlementaire exercé au gouvernement Sama Lokonde I
Il est évident que le parlement contrôle le gouvernement conformément à la constitution du 18 février 2006 et au règlement intérieur. Ainsi, nous allons présenter, tant soit peu, essentiellement les contrôles parlementaires réalisés sous la présidence de Christophe Mboso, président de l’Assemblée Nationale.
Sous la présidence de Christophe Mboso N’kodia Mpwanga
Au cours de la session ordinaire de septembre 2022, l’Assemblée Nationale a effectivement effectué le contrôle parlementaire. D’ailleurs, le président de l’Assemblée nationale avait rappelé aux députés nationaux, la mission qui leur est confiée lors de son discours d’ouverture de la session parlementaire de septembre 2022 en leur disant, je cite : « Au cours de chacune de nos sessions parlementaires, nos compatriotes attendent de leurs élus, l’exercice du contrôle parlementaire de la gestion des affaires publiques, avec responsabilité et dévouement, afin de veiller à l’amélioration de leur vécu quotidien. » Ces propos témoignaient, quand même, la volonté de l’Assemblée nationale d’encourager les députés à mieux jouer leur rôle de contrôle parlementaire. En effet, ce discours motivateur est l’une des raisons qui nous motive à chercher à savoir l’impact de contrôle parlementaire dans la vie de congolais.
Mathématiquement, sur 500 députés qui composent l’Assemblée Nationale, 12 élus seulement ont déposé un moyen de contrôle ou d’informations au bureau de l’Assemblée nationale durant l’année 2022. Parmi ceux-ci, nous citons : une seule femme, Christelle Vuanga, élue de la Funa, à Kinshasa. Les neuf autres moyens ont été déposés par les députés de l’Union Sacrée de la Nation (USN), majoritaires à l’Assemblée nationale. Il convient toutefois de nuancer que cinq de ces initiatives de la coalition au pouvoir proviennent des élus membres des groupes parlementaires pro-Moïse Katumbi. En clair, ces 12 députés ont déposé 13 moyens de contrôle et d’information, dont 12 adressés aux membres du gouvernement central contre un à l’attention du mandataire public. On y compte 11 moyens d’informations, dont huit questions orales avec débat et trois questions écrites dont une transformée plus tard en interpellation d’une part et, d’autre part, deux moyens de contrôle, à l’occurrence une autre interpellation et une motion de défiance. Ce qui présente un rendement faible. En effet, déjà lors de cette session parlementaire, Daniel Aselo était visé par le contrôle parlementaire. Le vice- Premier ministre de l’Intérieur, Affaires coutumières et Décentralisation, a en effet, fait l’objet de deux questions orales avec débat, d’une question écrite et d’une interpellation. Ensuite, l’interpellation de Chérubin Okende, ministre des Transport et Voies de communication et vote contre sa déchéance. Cependant, celle-ci n’avait pas abouti. En plus, il y avait Christophe Lutundula, vice-Premier ministre des Affaires étrangères, à qui deux questions orales avec débat ont été adressées, l’une autour de la problématique de l’embargo de l’achat d’armes et de procédures de notification et l’autre sur le rapport diplomatique entre la République Démocratique du Congo et la Chine.
En termes des travaux des députés en commission, les résultats ne sont pas non plus remarquables. Nous énumérons seulement sept auditions en commission qui ont été tenues : Gilbert Kabanda, ministre de la Défense, auditionné devant la commission Défense et sécurité
; Christian Mwando, ministre du Plan, et Jacques Lutaladio, directeur général de l’Institut national pour l’étude et la recherche agronomique (Inera), entendus par la commission de l’environnement ; Nicolas Kazadi, ministre des finances, devant la commission économique, financière et contrôle budgétaire (Écofin) ; Rose Mutombo, ministre de la Justice, et Tony Mwaba, ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, auprès de la commission droits humains et Augustin Kibasa, ministre des Postes Télécommunications,
Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (PTNIC) à la commission Aménagement du territoire, infrastructures et nouvelles technologies de l’information et de la communication.
À titre d’échantillon, voici la manière dont quelques interpellations, questions orales et débats se présentent :
Tableau N°2
N° | Session et date | Auteur | Objet | Destinataire |
1 | Session ordinaire, septembre 2022 | Hon. Crispin MBINDULE | Reproché de la mauvaise gestion liée à la mauvaise conduite, l’importation des poissons chinchards, hausse des prix et le non-respect de tarif. | Ministre de l’Economie Jean Marie KALUMBA |
2 | Session ordinaire 2022 | Groupe d’Honorables | Reproché d’être incompétent, l’amateurisme, le manque de vision dans son secteur ou soit l’intrusion dans la gestion des entreprises publiques sous sa tutelle. | Ministre des Postes Télécommunications, Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (PTNIC), Augustin KIBASA |
3 | Session ordinaire 2022 | Hon. Guy MAFUTA KABONGO | Reproché d’abord de la problématique de l’embargo de l’achat d’armes et de procédures de notification ensuite, les rapports diplomatiques entre RDC et la Chine. | Vice-Premier Ministre en charge des affaires étrangères, Christophe LUTUNDULA |
4 | Session ordinaire 2022 | Plus de 60 députés | Reproché de la mauvaise gestion qui a été visé par une question orale et, surtout, par une motion de défiance. | Ministre des Transport et Voies de communication, Chérubin OKENDE |
Source : Source : Secrétariat général de l’Assemblée nationale, Direction séances plénières 2023.
C. Objectifs et analyse des contrôles parlementaires réalisés en RDC
Le contrôle parlementaire est l’une des missions dévolues au Parlement à l’instar de la fonction législative. Il est le vecteur de bonne gouvernance et un outil de lutte contre l’impunité. D’une manière pratique, ce contrôle concourt à élever l’efficacité et l’efficience dans la gestion des affaires publiques ainsi qu’à limiter le gaspillage des ressources publiques. Pour être efficace et atteindre cet objectif, sa mission exige une information permanente, riche, diversifiée et proche de l’actualité dans un environnement politique rationnel et du respect de droit. Ainsi, les contrôles parlementaires réalisés en RDC comme nous venons de les présenter précédemment, consistes à renforcer le fonctionnement de l’appareil étatique pour l’amélioration de conditions de vie de la population congolaise.
- Sur le plan juridique
Au regard des textes et règlements régularisant la pratique du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo depuis 1960 à nos jours, nous pouvons affirmer son existence effective à travers les constitutions de trois premières Républiques et lois y afférentes selon le contexte des régimes politiques connus au pays. En effet, malgré son influence politique et une dose de caractère personnel d’une manière à une autre, le contrôle parlementaire a été quand même défini dans les formes des organisations politiques au Congo.
Sous le Gouvernement Ilunkamba et Sama Lokonde en République Démocratique du Congo, les résultats auxquels ont abouti les contrôles parlementaires sur le plan juridique est positif puisque la constitution de la République et le règlement Intérieur de l’Assemblée nationale et celui du Sénat ont prévu son effectivité telle que nous l’avons démontré précédemment. Mais, il se pose juste la question de liberté des élus porteurs de moyens du contrôle et le respect des normes et procédures dans son applicabilité. En plus, les mesures des sanctions prévues pour infliger aux mauvais gestionnaires des biens et services de l’Etat après avoir confirmé les griefs qui leur sont reprochées au cours des séances plénières, semblent être moins efficaces surtout lors du contexte de la coalition FCC-CACH. Néanmoins, sous la formule d’Union sacrée, nous avons pu constater la « destitution du Ministre de l’Economie Nationale, Jean Marie Kalumba Yuma, lors d’une séance plénière à l’Assemblée nationale dont 277 députés ont voté pour sa déchéance, 79 ont voté contre et 12 se sont abstenus sur 368 députés présents, indiquait le Rapporteur de l’Assemblée nationale ».24 Cette sanction est la première dans l’histoire des contrôles parlementaires de la République Démocratique du Congo. Pour chuter à ce niveau, le nombre du contrôle parlementaire est moins élevé dans cette législature 2018- 2023 qui touche à sa fin.
- Sur le plan politique
Le contrôle est devenu l’enjeu des acteurs politiques congolais. En effet, au cours de ces deux périodes du gouvernement Ilunkamba et Sama I, nous avons constaté ce que nous pouvons appeler : « nouvelle méthodologie opératoire » pour la confiscation de l’intérêt général et règlement de compte. Ce mode opératoire est l’œuvre d’une catégorie des dirigeants politiques en relation étroite avec les représentants du peuple dans le contexte du combat politique. Lors de la session précédente, celle de 2022, il semblerait que 26 moyens de contrôle parlementaire avaient été déposés au bureau de l’Assemblée Nationale, mais cinq seulement avaient été examinés par la chambre basse du Parlement. Cela nous pousse à dire, si la session en cours n’a pas encore enregistré autant de moyens de contrôle parlementaire, il n’en reste pas moins que les initiatives déposées ne sont pas non plus toujours examinées en plénière : seulement une motion de défiance a abouti. Pour les autres, sur huit questions orales avec débat et deux interpellations, aucune suite à ce jour. Cet état de choses révèle d’une part la marge de manœuvre stratégique et l’influence qu’un groupe d’animateurs peut avoir pour bloquer les initiatives de contrôle parlementaire afin d’épargner certains gestionnaires membres de leurs camps ou famille politique de la motion de défiance et régler le compte aux gestionnaires ciblés. Or, cette attitude d’interaction de force musclée en lieu et place d’interaction des idées rationnelles ne favorise pas la bonne gouvernance au pays.
- RDC: éviction du ministre de l’Economie Jean-Marie Kalumba. https://www.radiookapi.net/2022/03/31/emissions/ dialogue-entre-congolais/rdc-eviction-du-ministre-de-leconomie-jean-marie, consulté le 10 octobre 2023.
- Sur le plan social
D’aucuns ignorent que le contrôle parlementaire a comme finalité d’améliorer le vécu quotidien. Si dans les pays développés cet exercice constitutionnel a abouti aux résultats efficaces et probants, en République Démocratique du Congo, cela est encore loin d’être effective. En effet, les deux moments du Gouvernement Ilunkamba et Sama Lokonde I nous pousse à conclure, après observation, que le contrôle parlementaire n’a pas fonctionné convenablement au regard des résultats produits qui n’ont eu aucun impact sur le plan social. En principe, tous les contrôles réalisés devraient redonnés le nouveau souffle de vie aux institutions, tel est le cas des résultats produits par l’Inspection Générale de Finance (IGF) dans ses attributions visant à renforcer l’efficacité de l’appareil étatique. Malheureusement, les conditions de vie de la population demeurent, de plus en plus, préoccupantes et critiques à cause des intérêts égoïstes de gouvernants au détriment du souverain primaire. D’ailleurs, ces faits sont remarquables par le train de vie ou l’opulence dans laquelle vivent les gestionnaires et élus du peuple, qui ne se soucient pas de la situation du peuple qui, du reste, est catastrophique.
Par conséquent, on observe la multiplicité des phénomènes sociaux sur toute l’étendue de la République, à travers, d’un côté, les actes de barbarie tels que le banditisme et la criminalité, la violence, le vol, l’insécurité urbaine (communément appelée Kuluna), etc. pour manifester l’insatisfaction et frustration du peuple qui réclame changement et droits et de l’autre côté, les facteurs conjoncturels tels que la mobilité et la mortalité de la population abandonnée à son triste sort. Ainsi, l’on peut donc comprendre, sur le plan social, la place de l’aboutissement du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo.
Conclusion
En définitif, cette étude consistait à détecter et évaluer l’effectivité du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo, sous un regard épistémologique sur le Gouvernement Ilunga Ilunkamba et Sama Lokonde I. De ce fait, les rapports évidents entre le Gouvernement et le parlement constituent la pierre angulaire de cette évaluation.
Après l’analyse profonde du fondement juridique, sociologique et historique du contrôle parlementaire en République démocratique du Congo, il s’avère que son impact sur le plan social n’est pas palpable. Bien que la Constitution de 18 Février 2006 ait doté des mécanismes clairs et nets du le contrôle parlementaire, avec ses points forts et faiblesses, elle a du mal à impacter sur la gestion de l’État.
Au sujet de contrôle et ce qui n’est pas faux, Vital Bubu Tandema25 fait un constat palpitant en ce qui concerne le Président de la République : « Le programme du gouvernement reste le sien. Le choix du premier ministre et même des ministres relèvent de ses propres calculs. Le contrôle parlementaire ne se conçoit alors que comme une manipulation présidentielle pour tester son entourage et distraire l’opinion, car, in fine, c’est son mot d’ordre qui triomphe. Tout se joue en fonction de sa volonté. Tantôt l’exercice est accepté pour débarrasser d’un collaborateur encombrant ».
Tout compte fait, l’analyse nous a fait savoir que ce résultat est lié au comportement de l’élite politique avec participation indirecte de l’élite intellectuelle et la population en général. Pour y remédier, la requalification mentale est évidente. Dans le contexte de cette analyse, l’approche stratégique nous a été utile pour détecter le comportement des acteurs et évaluer l’impact du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo.
À cet effet, nous recommandons donc à :
- L’élite intellectuelle
L’élite intellectuelle a une grande responsabilité dans le pays du fait qu’elle a un rôle d’éclairer la société en dénonçant le mal. Hélas ! elle ne s’intéresse pas à la politique qu’elle considère cynique au regard de la connotation péjorative que revêt ce métier au Congo au risque justement d’être salie ou de connaître la mort, la politique étant jugée d’un terrain glissant. Cependant, la situation de la population reste précaire. Sa partition dans la politique du pays s’avère indispensable.
- La population
En termes de responsabilité, la population est impliquée ou a une part de responsabilité dans la destruction du pays dans la mesure où, elle élit elle-même ses représentants sans tenir compte du profil, de l’éthique et du projet de société du candidat. En plus, le fait pour elle de confirmer la réélection d’un député suppose qu’elle accepte ses conditions de vie, ce qui constitue en quelque sorte une haute trahison de la nation. La prise de conscience par celle-ci est déjà solution aux problèmes du pays, du moins, dans cet angle de la gouvernance parlementaire.
- Vital Budu Tandema, « Majorité parlementaire et contrôle du gouvernement dans le système politique congolais Contribution à la relecture du principe de séparation des pouvoirs », in Analyses Sociales, LASK, Kinshasa, 2022, p.39.