Par Anicet Senker Mazuni*
Résumé
Avec plus de sept-cents (700) partis politiques formellement enregistrés en République Démocratique du Congo, le multipartisme qui constitue une donne sine qua non à toute démocratie représentative, créé de l’anarchie sur l’arène politique. Les partis sans représentation nationale, ni idéologie claire, servent des mallettes aux grands partis, et rendent le jeu démocratique déloyal, non concurrentiel.
L’introduction du seuil de recevabilité par la loi électorale est censée apporter des solutions à ce problème dans la mesure où elle contraint les partis politiques à avoir un seuil de représentativité nationale de 60% pour que leurs candidatures aux élections législatives soient validées : un parti politique est donc jugé recevable au processus électoral s’il présente au moins 300 candidats aux seules élections législatives.
Dans l’impossibilité de répondre à ces exigences, les partis politiques vont contourner la loi et se livrer à des pratiques de sélections de candidats qui auront un impact significatif sur ce que sont censées devenir les assemblées délibérantes après le processus électoral. C’est dans ce contexte que cette étude questionne le profil des candidats aux élections législatives au regard de l’introduction du seuil de recevabilité. Elle analyse les motivations qui guident le choix des candidats à présenter par les partis politiques au processus électoral, et établit un lien entre ces futurs dirigeants et le mode de gestions qu’ils proposeront.
Mots clés : Seuil de recevabilité, profil de candidats, loi électorale, élections législatives.
Abstract
With more than seven hundred (700) political parties formally registered in the Democratic Republic of Congo, the multi-party system, which is a major Condition for any representative democracy, creates anarchy in the political arena. Parties without national representation or a clear ideology serve as briefcases for the big parties, and make the democratic game unfair, non-competitive.
The introduction of the admissibility threshold by the electoral law is supposed to provide solutions to this problem insofar as it obliges political parties to have a threshold of national representativeness of 60% for their candidacies in the legislative elections to be validated: a political party is therefore considered admissible in the electoral process if it presents at least 300 candidates in the legislative elections alone.
Unable to meet these requirements, political parties will circumvent the law and engage in candidate selection practices that will have a significant impact on what deliberative assemblies are supposed to become after the electoral process. It is in this context that this study questions the profile of candidates in the legislative elections with regard to the introduction of the admissibility threshold. It analyses the motivations that guide the choice of candidates to be presented by political parties in the electoral process, and establishes a link between these future leaders and the management style they will propose.
Keywords: Admissibility threshold, candidate profile, electoral law, legislative elections.
Introduction
Depuis l’entrée en vigueur de la Constitution du 18 février 2006, la République démocratique a quatre fois organisé les élections (2006, 2011, 2018 et 2023). Il s’observe des crises de légitimité après chaque cycle électoral le plus souvent dues aux irrégularités de ces processus. La loi électorale est à chaque fois revisitée, et les retouches apportées concernent plus généralement la transparence des opérations de vote, le mode de scrutin et la certification des résultats qui participent à l’amélioration du système électoral1.
À la lumière de l’une des innovations apportées à la loi électorale, loi n°22/029 du 29 juin 2022 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locale telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011, la loi n°15/001 du 12 février 2015 et la loi n°17/013 du 25 décembre 2017, dispose « l’introduction du seuil de recevabilité des listes au prorata de 60% de sièges en compétition ». Cette disposition contraint les partis politiques à atteindre le nombre minimum de 300 candidats pour la rétention de leur liste au processus électoral. L’esprit de cette loi est qu’il ne serait pas possible pour un parti politique de réunir au moins 300 candidats s’il n’a pas de représentation nationale.
Dans la difficulté de satisfaire aux exigences de la loi, les partis politiques se sont trouvé des moyens peu orthodoxes pour les contourner, et se détourner de l’objectif pour lequel ce seuil de recevabilité a été introduit. Puisqu’ils ne peuvent pas aussi facilement réunir au moins 300 candidats aux seules élections législatives, à cause notamment de leur non représentativité au niveau national, les partis politiques vont procéder à des sélections massives des candidats sans tenir compte de leur profil, moins encore de leur appartenance politique : l’essentiel étant la satisfaction aux exigences de la loi.
Considérant que l’élection est une forme de délégation partielle du pouvoir du peuple à un groupe d’individus qui le représente, la question sur le profil de candidat mérite d’être analysée. Alors que dans certaines démocraties assez avancées, la sélection des candidats aux élections législatives passe par les élections primaires, dites ‘la démocratie interne’ –les candidats sont choisis par les membres qui composent ce parti politique-, en République démocratique du Congo par contre, cette sélection se fait pour obéir aux exigences de la loi : la qualité et le profil des candidats n’étant nullement une préoccupation.
Bien que la loi électorale congolaise prévoie les critères pour être candidat, le processus de sélection de ce dernier reste obscur : certains parviennent même à le qualifier de « Jardin secret de la politique »2. L’introduction de seuil de représentativité est-elle venue amplifier le problème relatif au profil de candidat aux élections ou est-elle venue pour régler le problème de multipartisme politique en République Démocratique du Congo ?
C’est cette question qui fait objet de notre étude. Elle analyse la question de la sélection des candidats au regard de l’introduction de seuil de recevabilité pendant le processus électoral. Le contenu de cette étude est à retrouver dans deux (2) points : la compréhension des concepts clés de l’étude et une discussion théorique sur les auteurs ayant abordé la question relative au profil de candidats aux élections (I), les enjeux et motivations de la sélection des candidats par les partis politiques à présenter aux élections (II), pour enfin chuter sur des recommandations à aborder à la conclusion du travail.
1 Lire l’exposé des motifs de la loi n°22/029 du 29 juin 2022 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locale telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011, la loi n°15/001 du 12 février 2015 et la loi n°17/013 du 25 décembre 2017. 2 M. Gallacher, M. Marsh, Candidate selection in comparative perspective : The Secret Garden of politics, Londres, Sage, 1988.
- Aspect théorique et normatif de l’étude
Cette partie sert à donner de la lumière tant théorique que réglementaire à l’étude en décortiquant des concepts clés de l’étude, en faisant recours aux théories qui fondent et en esquissant l’aspect normatif en République démocratique du Congo de ladite thématique.
- Fondement théorique et aspect conceptuel de l’étude
L’étude se fonde sur la théorie de recrutement de Lackhar3 qui stipule que le recrutement a pour finalité de doter les entreprises des employés dont elles ont besoin et disposer ainsi des ressources humaines nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés. Cette théorie s’ancre dans cette étude en démontrant que le processus de recrutement par une formation politique ne peut se baser sur la compétence et la capacité d’un candidat à apporter aux institutions et non aux appétences politiques.
Un candidat qui doit être présenté, quelle que soit son obédience politique, doit d’abord répondre au profil d’un homme d’État. L’État, comme une entreprise, exige aussi des critères de recrutement pour le personnel voulant y travailler. Ces critères facilitent l’intégration de ce personnel à ses exigences et ses priorités. C’est ainsi que l’objet d’une quelconque candidature à l’État doit à priori répondre aux attentes de ce dernier. D’où, au-delà du désir ou d’ambition politique, le choix d’une candidature doit se déterminer sur le besoin de l’État. C’est pourquoi, Martory et Crozet affirment que « le processus de recrutement est un élément essentiel de la politique des ressources humaines de l’entreprise ; il peut en effet influencer dans des directions totalement contraires à l’état du potentiel humain d’une unité »4.
Le recrutement, tout comme la sélection, est incontournable dans le cycle de vie d’une organisation comme l’Etat. Il engage l’organisation dans une démarche vers le succès ; comme qui dirait : il faut une bonne personne au bon endroit, un bon candidat pour espérer une gestion responsable de l’État.
En effet, la sélection des candidats est communément définie comme étant l’ensemble des mécanismes intra-partisans non standardisés et non règlementés par les formations politiques qui choisissent les candidats5. Désigner un candidat ne répond pas à une règlementation stricte et universelle. Chaque formation politique, en conformité avec les critères d’éligibilité émis par les textes législatifs, s’adonne aux modalités de sélection des candidats aux élections. Cette liberté partisane octroie plus de responsabilité aux partis politiques de choisir ses candidats. L’absence largement répandue des règles entourant la désignation des candidats6 revêt tellement d’importance qu’elle fait partie des caractéristiques centrales de la définition de cette fonction partisane. La Belgique fait partie des nombreux pays dans lesquels il n’existe pas de règle légale quant à la méthode de sélection des candidats7. Cette même situation se vit en République démocratique du Congo.
Choisir un candidat est une action démocratique qui se nécessite dans l’organisation des élections.
- Lackhar, processus de recrutement, Ed. Genève, 2008, P.24
- Martory et Crozet, gestion des ressources humaines, Ed. Fernand, Paris, 1984, P. 36
- Reuven Y. Hazan, Gideon Rachat, Democracy within Parties : Candidates Selection Methodes and Their Political Consequences, Oxford, Oxford University press, 2010, p. 4
- Il n’a que dans quelques rares pays que la sélection des candidats est régie par la loi, comme l’Allemagne (obligation pour le parti de faire intervenir ses membres dans le processus) ou l’Argentine et la Finlande (obligation pour le parti d’organiser des primaires)
- F. Bouhon, droit électoral et principe d’égalité. L’élection des Assemblées législatives nationales en droits allemands, belge et britannique, Bruxelles, Bruyalant, 2014 ; F. Bouhon, J. Dodeigne, A. Vanderleene, la confection des listes des candidats : règles juridiques et pratiques politiques, in F. Bouhon, M. Reuchalps (dir.), lessystèmes électoraux de la Belgique, 2ème édition, Bruxelles, Bruylant, 2018, P. 193-214
C’est la chaine de délégation, la colonne vertébrale du système de démocratie représentative. La sélection est aussi l’une des actions les plus importantes, mobilisant des acteurs ayant des objectifs divers et parfois contradictoires, ce qui nécessite de trouver le compromis entre, d’une part, le contrôle exercé par le centre, et, de l’autre part l’autonomie associée à la démocratie locale8.
Une juste métaphore serait celle de l’offre et de la demande9. L’on dirait que l’offre se lance
aux formations politiques, il s’agit des partis politiques, des regroupements politiques.
Ces derniers déterminent et définissent les candidatures. Ils fixent de criterium qu’ils jugent appropriés dans la sélection des candidats au regard des objectifs qu’ils visent. Face à ce pouvoir stratégique, les partis ou les plates forment politiques dégagent une typologie des citoyens à porter à la liste des élections législatives. Il y a ceux qui sont de bons candidats, lesquels à tout prix doivent briguer la législature et ceux qui sont des candidats des formalités, les figures des proues. La demande de sa part, elle est saisie par les individus désireux de prendre part aux élections. Ils posent leurs candidatures en conformité des règles d’éligibilité. Cherchant à faire valoir leurs candidatures, ils se valorisent sur les ressources politiques. Il s’agit des ressources financières, sociales (réseaux politiques), expériences au sein du parti, flexibilité dans la carrière, niveau d’éducation, etc10.
Par ailleurs, la sélection des candidats ne détermine non seulement le choix proposé aux électeurs mais aussi la composition des chambres des communes et donc du gouvernement, en Grande Bretagne. Du point de vue des adhérents, l’influence exercée sur ce processus de sélection est souvent considérée comme une justification majeure de l’adhésion. Ce processus est donc à la fois une arène permettant l’expression des conflits de pouvoir interne et le moyen par lequel les partis contrôlent le recrutement et le comportement des élus11. En Grande-Bretagne, comme dans la plupart des pays européens, la sélection des candidats est considérée comme prérogative des élections locales mais cette prérogative reste étroitement liée par les centres, les militants étant régulièrement accusés de sélectionner des candidats peu représentatifs de l’électorat. Cette sélection est l’une (voire la) fonction fondamentale des partis politiques dans les démocraties représentatives12. Pour le parti conservateur, en grande partie les modes de sélection des candidats parlementaires, leurs failles et les réformes introduites en 199813 se fondaient pour améliorer le dispositif.
Peter Mair14 évoquait par exemple, en 1994, un fonctionnement qu’il appelle « stractarchique » du parti conservateur, c’est-à-dire permettant aux différentes composantes de fonctionner comme des strates disposant chacune des compétences et des prérogatives propres.
- Pour une évaluation de l’impact des réformes récentes adoptées par les trois partis majoritaires en matière de sélection des candidats, voir par exemple Rhys Williams & Akash Paun, Party people : How do-and how should-brihs political parties select their parliamentary candidates ? Londres : Institute for Goverment 2011 et Peter Riddell, candidate selection. The Report of the commission on candidate selection, Londres : Electoral Reform Society, 2003.
- P. Norris (éd.), Passage to power, legislative recrutement in Advanced Democratiesn Cambridge, Cambridge University Press, 1997).
- Cette réflexion en terme de ressources stratégiques nécessaires à la conduite d’une carrière politique o également été
développée et appliquée au cas Belge par A. Eraly, le pouvoir enchainé, être ministre en Belgique, Bruxelles, Labor, 2002.
- Reuven Y. Hazan, Gideon Rachat, op.cit., pp 6-12
- Giovani Sartori, parties and party système, New York : Harper&Row, 1976.
- William Hague, A fresh future for the conservative party, Londres : conservative central office, 1997.
- Peter MAIR, party organisations : from civil society to the state, in Richard S. KATZ & Peter MAIR (eds.) How Parties organize : change and adaption in Party organisations in western Democracies, Londres : sage, 1994, PP 1-22).
Plus explicitement, Kenneth Carty15 évoque le modèle du « parti-franchise » permettant de clarifier la relation entre le siège et les sections locales en composant ces dernières à des franchises du parti, dont le rôle est bien de diffuser et vendre la « marque » conservatrice mais qui disposent d’une grande autonomie, voir fonctionnement de manière semi-autarcique comme en témoignent notamment leurs modes de sélections des candidats.
S’il est difficile de cerner le mode opératoire évoqué par ces théoriciens au regard des formations politiques, le choix des candidats tel qu’explicité est un exercice que chaque société aborde lors du processus électoral. Celui-ci est une activité qui permet aux parties prenantes aux élections de présenter une liste ; cette liste présentée doit être confectionnée aux attentes de chaque parti pour la conquête du pouvoir.
Cependant, cette thématique souscrit une pluralité des concepts à définir. Il s’agit : le rôle représentatif, le profil du candidat, les élections ; le seuil de recevabilité.
Le rôle représentatif est une notion de sciences politiques. Cette notion cherche à étudier les modèles liés aux comportements ou aux attitudes des membres du parlement. Elle est abordée dans cette étude dans l’idée d’élucider le comportement des éventuels candidats dans l’idéal d’une démocratie représentative. Ce rôle est capital pour définir le type des candidats pour ce qui les attend une fois aux institutions politiques. Il parait donc plausible d’examiner la relation entre les institutions et les acteurs et/ou les éventuels acteurs.
Jean-Claude Wahlke16 définit le rôle représentatif comme un ensemble de normes du comportement plus attaché au système et à sa structure qui a la nature de l’individu. D’après les politologues March et Olsen, « analyser les rôles permet d’améliorer l’explication et la prédiction du comportement législatif »17. On pourrait dégager le caractère des valeurs qui doit lier un représentant, par surcroît un candidat, à son électorat par rapport à sa mission de représentativité. Le rôle législatif, lui, est apparu dans les années 1950 afin de saisir la relation entre les citoyens et leurs représentants. Cet aperçu conjugue un acte de rapprochement entre les deux parties. Tout d’abord, le représentant doit s’attacher ou être attaché à un besoin émanant de sa structure, sa base, société. Si la structure sociale est compliquée, les représentants peuvent avoir des difficultés à comprendre les attentes sociales des citoyens.
Déjà dans un contexte où il y a rupture entre la volonté du politique et la volonté citoyenne, la finalité de l’exercice politique est effritée. A cet effet, la théorie structuro-fonctionnaliste affirme que la culture des partis politiques peut affecter la perception du rôle représentatif. En 2009, Thomas ZITTEL, professeur de politique comparée en Allemagne, développe davantage l’approche des structuro-fonctionnalistes18. Selon lui, les partis agissent comme agents de socialisation qui influencent directement l’orientation du rôle représentant. En ce sens, le parti a une grande responsabilité dans le comportement d’un représentant.
D’abord, un candidat est un tout citoyen qui respecte les conditions de candidature édictée par les principes tels que la nationalité, l’âge, l’éligibilité, et tant d’autres dispositifs pris par la loi électorale. Reconnaître le profil d’un candidat est une chose bien compliquée à définir.
- Kenneth Carty, « Parties as Franchise Systems : The Stratarchical organisationnal Imperative, Party Politics », Vol 10, n°1, 2004, PP. 5-24.
- J.C Wahlke, H. Eulau, w. Bucharan and L. C. Ferguson, The Legislative system. Explorations in Legislative Behavior, New York, Wiley, 1962.
- J.G. March et J.P Olsen, Rediscovering Institutions, New York, Free Press, 1989
- Thomas Zittel, Legislators and Their Representational Roles strategic. Choices or Habits of The Heart ?, Blomgren, M. Rozenberg, (2012), parliementary. Roles in modem Legislatures, Routledge, 2009, P. 1-9.
Cette question n’est pas aisée et fait face à la culture politique. « En politique, le vote ne constitue pas seulement un test pour la représentativité des forces politiques mais il combine plusieurs dimensions, notamment traduire un sentiment d’appartenir à un groupe (une classe sociale…). Traduire le sentiment, à travers le rituel du bureau de vote, de partager des valeurs collectives nationales ou consensuelles, participer à une institution démocratique (dimension collective), exprimer des motifs subjectifs (dimension individuelle). « C’est l’ensemble de ces dimensions qui renvoie aux fonctions sociales du vote. Ainsi, si voter est un acte civique, …, le choix d’un candidat est déterminant. Il doit être basé sur des critères objectifs et impersonnels »19.
Dans ce cas, un bon candidat doit être : altruiste, c’est-à-dire revêtir d’une mission collective qui dépasse sa petite personne. Serviteur, il doit être au service du peuple et doit porter l’espoir de son électorat (population). Il doit être capable de détenir, défendre son projet de société, celui de son parti et/ou regroupement politique, et doit répondre aux besoins de son électorat avec des actions réalistes, ambitieuses et viables. Avoir la bonne qualité personnelle, morale, spirituelle et rationnelle. Avoir une compétence. Le savoir-faire, l’instruction et l’expérience doivent conduire la responsabilité du candidat.
- Fondement légal de l’étude
La sélection des candidats est définie d’une manière dépendante selon les partis politiques. Ce qui veut dire que chaque parti ou organisation politique exerce ses prérogatives en ce qui concerne la sélection des candidats. L’absence largement des règles entourant le processus de désignation et de sélection laisse croire à un vide. Cela étant, en dépit de ce vide pour le processus de sélection, les textes législatifs prévoient un arsenal juridique en ce qui concerne l’organisation des élections d’une manière générale et les critères d’éligibilité des candidats d’une manière particulière.
Déjà, la Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006, modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo, dans son article 5 stipule que la souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. La loi fixe les conditions d’organisation des élections et du référendum. Le suffrage est universel, égal et secret. Il est direct ou indirect. Sans préjudice des dispositions des articles 72, 102 et 106 de la présente constitution, son éligibles, dans les conditions déterminées par la loi, tous les congolais de deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques.
La constitution consacre les critères d’éligibilité dans son article 102 qui stipule que nul ne peut être candidat aux élections législatives s’il ne remplit les conditions ci-après : 1. Être congolais, 2. être âgé de 25 ans au moins, 3. Jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques, 4. ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la loi électorale. La loi n° 22/029 du 29 juin 2022 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telles que modifiée par la loi n°11/033 du 25 juin 2011, la loi n°15/001 du 12 février 2015 et la loi n°17/013 du 24 décembre 2017 en donne plus de prescription.
- Lire l’exposé de Monsieur Aimé Jules MURHULA MANEGABE sur les critères de choix d’un bon candidat, un bon électeur et contrat social entre les deux lors du séminaire de formation sur les stratégies pour gagner les élections législatives, provinciales, urbaines municipales de 2023 et l’introduction aux tâches parlementaires des candidats députés, sénateurs, leurs suppléants et assistants organisé par le Centre de Recherche en Etudes Parlementaires, CREP, de l’Institut Supérieur d’Etudes parlementaires, du 20 au 23 juillet 2022).
Ces conditions sont prévues par les dispositions de la loi n° 22/029 du 29 juin 2022 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telles que modifiée par la loi n°11/033 du 25 juin 2011, la loi n°15/001 du 12 février 2015 et la loi n°17/013 du 24 décembre 2017.
Ainsi, aux termes de l’article 9 de la loi électorale, nul n’est éligible s’il ne remplit les conditions suivantes : 1. Être de nationalité congolaise ; 2. Avoir l’âge requis à la date de clôture du dépôt de candidature ; 3. Jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques ; 4. Ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la présente loi ; 5. Avoir la qualité d’électeur ou se faire identifier et enrôler lors du dépôt de sa candidature ; 6. Avoir un niveau d’études requis ou justifier d’une expérience professionnelle avérée dans l’un des domaines suivants : politique, administratif, économique ou socio-culturel.
Conformément à l’article 62 nouveau de la loi électorale, tout candidat aux élections législatives fait une déclaration de candidature légalisée comportant : ses nom (s) et prénom (s), date et lieu de naissance, profession et domicile ; un extrait d’acte de naissance ; quatre photos format identité et le logo choisi pour l’impression des bulletins de vote et affiches électorales ; un curriculum vitae certifié sur l’honneur ; un spécimen de signature ; un casier judiciaire volet n° 2 ; un certificat de nationalité ; une déclaration de moralité fiscale ; le nom du parti ou groupement politique auquel il appartient ; l’indication de la circonscription électorale à laquelle il appartient et un récépissé de versement au Trésor public d’un cautionnement d’un million cinq cent mille congolais non remboursable.
Tout Congolais de l’un ou de l’autre sexe peut présenter sa candidature sous réserve des dispositions spécifiques d’inéligibilité pour chaque élection prévue à l’article 10 de la loi électorale qui dispose : Sans préjudice des textes particuliers, sont inéligibles :
- Les personnes privées de leurs droits civils et politiques par décision judiciaire irrévocable ;
- Les personnes condamnées par une décision irrévocable du chef de viol, d’exploitation illégale des ressources naturelles, de corruption, de détournement des deniers publics, faux et usage de faux, banqueroute et faillite pour la période de leur condamnation, sous réserve de la peine privatise des droits civils et politiques, d’assassinant, des tortures, de banqueroute et les faillis ;
- Les personnes frappées d’une incapacité mentale médicalement prouvée au cours de cinq dernières années précédant les élections ;
- Les fonctionnaires et agents de l’administration publique ne justifiant pas, à la date
limite du dépôt des candidatures, de leur demande de mise en disponibilité,
- Les mandataires actifs dans les établissements publics ou sociétés du portefeuille ne justifiant pas, à la date limite du dépôt des candidatures, du dépôt de leur lettre de démission ;
- Les magistrats qui n’auront pas donné la preuve, à la date limite du dépôt des candidatures, du dépôt de leur lettre de mise en disponibilité ;
- Les membres des forces armées et de la Police Nationale Congolaise qui n’auront pas donné la preuve, à la date limite du dépôt des candidatures, de leur démission acceptée ou de leur mise à la retraite ;
- Les membres du Conseil économique et social, du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, de la Commission nationale des droits de l’homme, du Conseil national de suivi de l’accord et du processus électoral, de la Cour des comptes qui n’auront pas donné la preuve, à la date limite du dépôt des candidatures, de leur démission ou de leur mise à la retraite.
- Les membres de la Commission électorale nationale indépendante à tous les niveaux, y compris le personnel
Selon les termes de l’article 77 de la loi de la loi électorale : Outre les incompatibilités aux fonctions de Président de la République, de Député et de Sénateur prévues aux articles 96 et 108 de la Constitution selon le cas, sont incompatibles avec les fonctions électives provinciales, urbaines, communales et locales les fonctions ou mandats suivants :
- Membre du Gouvernement ;
- Magistrat ;
- Membre du Conseil économique et social, d’une Institution d’appui à la démocratie
- Membre du Cabinet du Président de la République, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, du Premier ministre, des membres du Gouvernement et de toute autre autorité politique ou administrative de l’État ;
- Membre des Forces armées, de la Police nationale Congolaise ;
- Agent de carrière des services publics de l’État ;
- Cadre politico-administratif de la territoriale, à l’exception de chef de chefferie et de
chef de groupement ;
- Mandataire public actif :
- Président du Conseil d’administration ;
- Administrateur délégué général ;
- Administrateur délégué générale adjoint ;
- Administrateur délégué ;
- Tout autre mandat électif.
- Profil et sélection des candidats par les partis politiques aux élections législatives
La conquête du pouvoir, la formation de la conscience nationale et l’éducation civique sont les fondements de la mission d’un parti politique. Ça veut dire que le parti politique joue un rôle très capital dans la démocratisation d’un pays. Dans les démarches de sa lutte à la conquête du pouvoir, il maitrise la situation tant au niveau de ces adeptes (militants) qu’à celui de son idéologie (son programme de société). Alors, la démocratie se fonde sur le choix des représentants. Ce choix est déterminé par la présence de plusieurs candidats venus des diverses formations politiques. Partant de ce principe, le parti politique est donc la structure qui offre les citoyens dans le processus démocratique : il pose des principes, des idéaux afin de doter aux institutions étatiques la catégorie de bons dirigeant par la sélection de ceux-ci au niveau de la présentation des candidats.
La sélection des candidats est à cet effet le processus par lequel un parti politique ou une formation politique décide le type d’homme à présenter sur les listes pendant le processus électoral. Hormis les conditions prévues par la Constitution et la loi électorale, chaque formation politique est dotée du plein pouvoir à choisir d’une manière ou d’une autre son candidat. Faudra-t-il encore rappeler que le parti doit jouer un rôle de garde-fou dans la segmentation des futurs hommes d’États et des détenteurs des institutions ?
- Processus de sélection des candidats : mode opératoire
Le choix d’un candidat en tenant compte de son parcours et capacité politiques, et de son intégrité morale (profil) détermine le type de gestionnaire futur de la chose publique. Un candidat bien choisi est une image d’un bon homme d’État et d’un bon dirigeant.
De manière générale, il n’existe nullement une formule, une procédure ou un principe sur la sélection d’un candidat pour les élections. Mais dans la pratique, certaines formations ont émis des critères pour segmenter la liste des candidats : ils ne peuvent aller à l’encontre des principes démocratiques.
Deux techniques de processus de sélection auxquels font recours deux parties francophones pris aléatoirement :
- Le parti socialiste
A l’instar de plusieurs partis, le parti socialiste20 n’a pas formalisé le processus de sélection de ses candidats. Le parti lance l’appel à candidature au niveau de chaque fédération correspondant aux circonscriptions électorales, dans chacune de fédération. Il y a entre les fédérations l’organisation à deux temps de l’appel sollicitant les candidats destinés à figurer dans la tête de liste avant d’autres candidats. L’un des critères est la durée d’un membre. Tout membre qui veut se porter candidat doit avoir au moins deux ans, bien que cette disposition ne soit pas statutaire. Le candidat doit aussi être en ordre administrativement envers le parti (déclarations des mandats et aspects financiers). Cet aspect de l’appel à candidature est aussi accompagné dans l’établissement de la liste par une méthode d’approche des candidats par des sélecteurs.
Trois étapes pour la confection des listes. Il y a un d’un côté le comité de liste (ou comité des sages) constitué au niveau de la circonscription électorale régionale. Il est responsable de la sélection des candidats. Ce dernier, avant de remettre la décision sur la liste des candidats, passe à la consultation des candidats ainsi qu’aux personnalités importantes du parti. D’un autre côté, le bureau national du parti. Il possède un droit de regard sur les listes et doit consulter chaque liste avant son entrée. De l’autre côté encore, une assemblée fédérale (ou le congrès fédéral), qui est chargé d’approuver les listes.
Le comité de liste est un sélectera exclusif. Il comprend 15 individus. Le président de la fédération est le plus souvent le principal décideur du processus de sélection des candidats. Sa désignation se fait par vote direct des membres du parti au niveau fédéral. A l’exception du président, ce comité est composé du secrétaire et des anciens élus de la circonscription et voir les élus actuels. Le comité de la liste est organisé de manière décentralisée.
Ce bureau national est aussi un sélectera exclusif. Il intervient principalement pour les places les plus éligibles. Il est composé de 30 à 40 personnes. Il y a les représentants de fédération, (dont le nombre varie selon le nombre de membres dans la fédération) et de plusieurs membres de la direction du parti. Il est centralisé et supervise tous les processus de sélection, par le biais du directeur des campagnes.
Pour le troisième sélectera, l’Assemblée fédérale, les membres du parti sont impliqués que de manière indirecte dans la sélection des candidats. Elle est organisée au niveau de chaque fédération. Chaque section locale envoie quelques représentants, lesquels respectent le principe de parité.
- Audrey Vandelere, In Courrier hebdomadaire du CRISP, 2018/33 (n°2389), Pages 5 à 40.
- Le Mouvement Réformateur
Le processus de sélection des candidats est très peu formalisé. Mais le processus reste clair et respecte les principes démocratiques. Sa procédure parait institutionnalisée. La confection de la liste est faite par le conseil du parti.
À cet effet, un appel à candidature est lancé. Les candidats postulent au parti au niveau national 5 mois avant le jour du scrutin. Le dépôt des candidatures exige le remplissage des pièces des dossiers. Il a une lettre de motivation et un curriculum vitae. L’appel étant lancé, les candidats retenus doivent devenir membres du parti au cas où ils ne le sont pas. Cette adhésion spontanée se fait par la signature d’un code de bonne conduite.
Bien que cette procédure paraisse simple et nonchalante dans ce processus de sélection, ce qui veut dire qu’un candidat peut se porter en un clin d’œil dans ce parti, la signature d’un code de bonne conduite vient en outre casser la fragilité dans l’adhésion. Ce code de bonne conduite est une barrière qui dégage l’impérativité d’un candidat à mieux saisir les enjeux du parti qui le portent aux élections. Il soumet le candidat à accepter l’idéologie du parti et en faire allégeance.
Le processus de sélection admet 3 étapes : la première étape, la commission électorale décide des têtes de liste, sur la base d’une proposition des fédérations du parti pour les listes qui les concernent (les fédérations sont organisées au niveau provincial) ; la deuxième étape, chaque tête de liste sélectionne ses colistiers, en collaboration, d’une part avec le président du parti qui -contrôle l’ensemble des processus de sélection et arbitre si nécessaire-, et d’autre part, avec le président de sa fédération provinciale. La troisième étape, les listes sont prouvées par la commission électorale. Les décisions principales concernant la sélection des candidats sont prises au niveau central par d’un côté la commission électorale et le président. La commission électorale est un organe spécialement constitué en vue des élections. Ce sélectera se situe au niveau central. Mais sa composition reflète une possibilité d’influence au niveau décentralisé. Elle est constituée du président du parti, des chefs de files (les vice-présidents du parti), ainsi que les présidents des fédérations provinciales.
En dépit de cette commission, les candidats en tête des listes sont aussi les sélecteurs les plus influents. Ce contrepoids donne plus d’exclusivité du sélectera. Cette organisation se justifie du fait que le Mouvement Réformateur se base sur les principes de la démocratie représentative plutôt que participative. Ce qui s’explique par le fait que le président du parti ainsi que les autres membres de l’équipe dirigeante du parti sont élus par les membres pour une fonction qui comprend entre autres la tâche de sélectionner les candidats. Cette responsabilité leur offre légitimement le pouvoir de prendre les décisions pour la survie du parti.
Si ces deux illustrations sont évoquées, il est probable de dire que le processus de sélection est une étape essentielle dans l’édification d’un État responsable dans l’espoir d’avoir des hommes, des gouvernants compétents et capables. La sélection d’un candidat permet de doter aux institutions un profil cohérent et adéquat aux exigences de la gestion de la Res Publica. Le profit d’un bon candidat est un élément inéluctable dans la construction d’un État responsable.
- Sélection des candidats : au dépend de sa qualité ou des exigences de la loi ?
La sélection des candidats doit-elle obéir à ses qualités ou aux exigences de la loi électorale ? Aussi, n’est-il pas possible que le candidat ne soit choisi par les partis en respectant l’esprit de la loi et en tenant compte des capacités de gestion et d’éthique du candidat ?
Cette section s’attèle à répondre à ces questions en apportant une lumière aussi scientifique
que légale à la question de la sélection de candidats.
- Le parti politique et le processus électoral
L’élection comprise comme processus de désignation légitime des dirigeants politiques accorde la responsabilité aux formations politiques de présenter les différents acteurs pour compétir aux postes électifs. À ce titre, toute formation politique, de l’opposition ou de la majorité, qui concourt aux élections pour la gestion de la cité, est appelée à prévoir un plan réel pour le recrutement des candidats qu’elle doit présenter.
Fort de ne constater que la plupart des formations politiques ont des tendances politiques liées aux fins égoïstes que celles de l’intérêt général. La plupart ne viennent pas répondre aux exigences idéologiques mais plus sont subordonnées aux seules volontés des autorités morales. La volonté politique exprimée est plus celle de la personnalité que de l’idéologie du parti.
À cet effet, le phénomène de cartellisation pour un système prétorien dans la politique congolaise met en péril l’existence des partis politiques en République Démocratique du Congo. Sans stigmatiser le formel sur ce qui est d’un parti politique, le constat est que le contexte congolais reste dégoutant.
Déjà vers 1990, Ngbanda disait que le Congo est confronté à un sérieux problème de déficit de leadership sans la résolution duquel tout développement intégral serait illusoire. Il soulignait que « le Zaïre est malade de son élite »21.
Sans nul doute, les partis vivent un effritement. Aucun parti politique a le monopole sur la population ou les membres effectifs. Il se trouve dans ce terrain que la population s’est lancée au vagabondage et à la prostitution politique. Le parti politique qui doit être encadreur et géniteur d’un programme politique assidu, n’exprime plus confiance. Le peuple y adhère pour des fins dilatoires et non par conviction. Il est justifié par le fait de voir un citoyen, membre de 5 ou plus de partis politiques. Comme le disait Didi Mitovelli en parlant de la classe congolaise : « à la République des caméléons, qui peut prétendre connaître exactement les couleurs de chacun »22.
Par ailleurs, les modes d’organisation des partis politiques en République Démocratique du Congo s’ancrent dans un contexte de culture politique prétorienne où l’idéal de la démocratie, qui caractérise l’existence même des partis politiques, est pris en otage par le système jupitérien, c’est-à-dire, tout tourne au tour de l’initiateur du parti. Ce qui admet que les appartenances ethniques, religieuses, régionales et la personnification politique détermine l’existence des partis politiques en République Démocratique du Congo. L’idéologie politique est mise au pied par les caractères tribalistes, népotistes, ainsi de suite. D’où les adhésions et les combats politiques ne sont plus faits sur base de l’idéologie politique pour conserver la cohésion et l’intérêt général, mais sont faits par le sentiment, l’appartenance tribale et pour la poursuite des intérêts égoïstes, la recherche du positionnement particulier aux institutions.
Les partis, acteurs principaux des élections au regard de leurs missions, sont indispensables dans la consolidation, la stabilisation et la présentation des candidats aux postes électifs de l’État. Ils jouent en ce sens un rôle d’intermédiaire entre les institutions et les acteurs, les gouvernants et les gouvernés. Ils sont le tremplin dans la course au pouvoir. Ils donnent du contenu dans la compétition et dans la gestion des institutions étatiques.
- Ngbanda H., La transition au Zaïre, Noraf. 1995
- Didi Mitovelli, « La République des caméléons », In les Tempêtes des tropiques, 23-24 mars 1993, cité par Kabungulu N., La transition démocratique au Zaïre, avril juillet 1994, CIEDOS, Kinshasa, P. 265
Par ailleurs, le mal fait irruption dès lors qu’il existe, dans l’arène politique, bien plus de partis alimentaires, conjoncturistes et mallettes que des partis capables de doter aux institutions de l’État des personnes aptes à mieux assurer la gestion de ce dernier. Ces partis politiques n’existent que de noms, et n’ont parfois pas de siège social, moins encore de représentation au niveau national.
- Modus operandi de sélection des candidats aux élections aux élections législatives Parler du modus operandi de recrutement des candidats aux élections en République
Démocratique du Congo, c’est relever les différentes stratégies utilisées par les partis politiques pour présenter les candidats au processus électoral. Au lieu de répondre à l’esprit de la loi électorale qui est celle de promouvoir un multipartisme sain, les partis politiques préfèrent la contourner en faisant une sélection massive et aléatoire des candidats à présenter aux élections : le but étant d’atteindre le seuil de recevabilité tel que fixé par la loi.
Pour rappel, le principe de seuil de recevabilité prôné par la loi stipulé que la liste d’un parti ne peut être reçue que si elle atteint un quota de 60%. En des termes plus simples, chaque parti politique doit présenter au minimum une liste des 300 candidats aux élections législatives. Face à cette situation, chaque parti politique s’est doté une charge démocratique à récolter les candidatures de ceux qui doivent être portés comme candidats.
Bien que certains estiment que l’esprit de cette loi est de résoudre le problème de multiplicité des partis politiques, d’autres par contre ne partagent pas le même avis. Ces derniers sont fermement convaincus qu’il s’agit de la volonté du législateur, acquis à la cause de la majorité présidentielle, d’écarter certains partis politiques à compétir pour des postes électifs.
Que ce soit dans le premier ou dans le second cas, le constat reste amer: les failles laissées par cette loi a permis aux acteurs politiques malins d’en faire usage et de surmonter cette équation. Au lieu de résoudre le problème de multiplicité de partis politiques en écartant ceux qui n’auront atteint le seuil de recevabilité, la loi va amplifier un autre problème : celui du profil du candidat à présenter au processus électoral.
Plusieurs formations politiques (partis et regroupements politiques) ont démontré une défaillance dans la sélection des candidats à présenter aux échéances électorales. Elles ont été butées à des difficultés de la confection des listes à pourvoir. La sélection des candidats ne doit pas faire objet d’une poursuite des intérêts personnels ou des individualités. Elle doit répondre aux exigences, au quitus de l’intérêt général. Un parti qui confectionne sa liste et la présente par la suite au processus électoral doit tenir compte de la qualité et du profil des candidats.
Encore faudrait-il insister sur la manière dont procèdent les partis politiques pour confectionner les listes de candidats et de présenter ces derniers au processus électoral ? Disons que quelques éléments guident le choix relatif à la confection de ces listes, entre autres, le tribalisme.
En effet, l’implantation des partis politiques ainsi que la configuration électorale jouent plus sur le plan sociologique qu’idéologique. Bien que ce caractère national qui se clame dans l’imaginaire démocratique, chaque parti politique mise plus sur les origines du leader. Et les élections aussi sont souvent perçues dans cette logique sociologique. Généralement, le patriotisme et le nationalisme, deux caractéristiques marquant l’ordre démocratique dans une société à diversité ethnique, sont surclassés par cette volonté de s’identifier à une tribu qu’à une nation. Peine est de constater que les 2/3 des frais de fonctionnement des partis politiques nagent dans les tribus du leader initiateur ou de l’autorité la plus influente.
Le tribalisme, comme aspect fondamental dans le combat politique, est une arme à laquelle on fait régulièrement recours dans la confection des listes des candidats : la sélection se fait sur base des appartenances ethniques, tribalistes comme déjà l’adhésion dans les partis
politiques. Cette pratique trouve tout son sens dans la notion du repli identitaire évoqué par certains auteurs23.
Ce tribalisme se conjugue avec le clientélisme qui est aussi un caractère phare en ce qui concerne la confection des listes des candidatures. Le tribalisme est un instrument, une stratégie à laquelle font dorénavant recours les formations politiques dans la sélection des candidats. Le citoyen candidat ne s’engage non pas pour défendre d’idéologie du parti qui le porte, mais plutôt à faire allégeance aux besoins des autorités du parti. Encore, faudrait- il rappeler que certains candidats signent des accords pour prévaloir l’intérêt de l’autorité morale ou initiateur du parti après avoir été porté directement ou indirectement à un poste électif.
- Lire à cet effet David Mukulu, « Redevabilité de l’élu. Loyauté entre l’autorité morale et les desiderata de la base », In
Etudes Juridiques Africaines, Fondation Konrad Adenauer, KAS-Congo, Janvier 2022.
Conclusion
Point n’est besoin de rappeler que le processus électoral exige une convergence de plusieurs éléments, entre autres la sélection des candidats, la confection des listes et le dépôt des candidatures. Cela s’inscrit dans le cadre de conquête de sièges à pourvoir. Eu égard à cela, le processus de recrutement des candidats est l’un des piliers fondamentaux dans la construction d’une société démocratique.
En effet, cette étude est partie du constat selon lequel l’introduction du seuil de recevabilité au processus électoral a au contraire amplifié le problème de profil de candidats, en lieu et place de résoudre celui de la multiplicité de partis politiques en République Démocratique du Congo. Ce seuil, fixé à 60% (soit au moins 300 candidatures par partis aux élections législatives), a mené bien d’acteurs politiques à sélectionner et à présenter les candidats sans tenir compte de leurs qualités professionnelles et éthiques.
À ce rythme, les candidats avec une éthique très reprochable sans connaissance approximative de la gestion de la chose publique se retrouvent dans les postes élitistes du pays, et se mettent à gouverner. Or, gouverner suppose avoir des compétences nécessaires afin de mener les actions de l’État vers le seul intérêt collectif : une gestion efficace axée sur les résultats. Sans vouloir mal prédire sur la configuration actuelle de l’État, la gestion risque d’être plus calamiteuse qu’avant.
Face à ce problème, nous avons pensé à un ensemble de recommandations pouvant y remédier. En premier lieu, il faudra réfléchir sur la révision de la loi électorale dans ses dispositions relatives au seuil de recevabilité des candidatures. La loi électorale, qui laisse un champ libre aux différents partis de présenter les candidats au processus électoral, doit prévoir des garde- fous contre toute sélection aléatoire des candidats.
En deuxième lieu, la loi électorale exige comme document des candidatures : la carte d’électeur, le diplôme certifié copie conforme, l’attestation de naissance, l’attestation de service rendu (pour les fonctionnaires. Ce document a été beaucoup plus utilisé par ceux qui n’ont pas fait les études universitaires), 4 photos passeports, et le payement de la caution de la candidature. Le renforcement de la disposition quant au document devient indispensable. Il permettra la traçabilité et la coercition dans la constitution des documents. Au regard de ces éléments constitutifs du dossier de la candidature, l’acquisition semble facile sans mesure restrictive forte prouvant l’authenticité de ces derniers. Bien que des mesures soient prises sur leur démarche d’acquisition, il y a des partis ou des hommes qui se sont engagés à des pratiques des fabrications voire des falsifications des éléments pour compléter le dossier. Aussi, faudra- t-il restreindre ou limiter le nombre des candidats selon la taille de chaque circonscription en référence de siège y afférent. Cette disposition permettra à la Commission électorale nationale indépendante de contrôler le nombre des candidatures.
En troisième lieu, les partis politiques devraient présenter leur liste des candidats deux mois avant la réception officielle des candidatures. Ce délai permettra aux agents de la Commission électorale nationale indépendante, CENI, de se saisir sur la question d’authenticité des éléments. Ce délai pourrait permettre aux agents de la CENI de se déployer aussi tôt que possible dans les différentes institutions octroyant les éléments requis pour présenter les candidats. Cet exercice se fera sur base des pré-listes déposées par les partis politiques. Une stratégie sera mise en œuvre pour permettre à la CENI de passer à la vérification des différents candidats. Cette mesure aide la CENI à éviter la confusion qui s’est orchestrée au long de ce processus du recrutement. Cette confusion est observée par le fait de voir un candidat porter par deux partis différents.
En dernier lieu, il est nécessaire que le législateur inscrive la pratique de déclaration des avoirs par chaque candidat avant le dépôt des candidatures. Au long de deux mois du délai accordé pour un travail en filigrane entre les partis, la CENI et d’autres acteurs des élections, le déploiement peut être engagé pour se fixer de la conformité entre les avoirs déclarés et les personnes physiques. Cette mesure pourrait faire éviter à la République des dirigeants avares et kleptocrates.
Ces mesures ne sauraient, malgré tout, être efficaces si le peuple congolais ne s’aperçoit pas de la nécessité de construire une véritable démocratie fondée d’en bas24. Aussi longtemps que le clivage politique serait caractérisé par le narcissisme, la culture paroissiale, le paternalisme, la culture de sujétion, le tribalisme et que l’élection serait touchée par ce même problème, l’espoir d’un État prospère aux attentes resterait un slogan. La force de l’État ne peut se construire qu’en respectant le respect les institutions établies et les besoins de celles-ci que les besoins personnels.
- Esambo Kangashe J.L., « Elections, système imposé de l’extérieur ou voie de développement ? » In Congo Afrique, n°456, juin-juillet-août 2011, pp. 427-428.