Le Centre de Recherche en Études Parlementaires (CREP) invite les chercheurs bénévoles à rejoindre notre réseau pour contribuer à l’étude des systèmes parlementaires et de la démocratie en Afrique subsaharienne, tout en bénéficiant d’une affiliation institutionnelle internationale.

Par David Mukulu Mukwabatu

Résumé

La situation des baux à loyer non professionnel en République démocratique du Congo a toujours été une source de conflits entre différentes parties prenantes. La loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel devrait constituer une réponse à cette équation à la fois inquiétante et préoccupante de laisser-aller et de désordre dans le secteur de baux à loyer, de courtage et de transaction immobilière de vente et achat. Pourtant, huit ans après sa mise en place, la loi ne semble pas relever les défis pour lesquels elle a été conçue.

C’est dans ce contexte que cette étude évalue, selon qu’il s’agit de l’effectivité et de l’efficacité, la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel dans la capitale congolaise.

Mots clés : évaluation législative, contrat de bail, bail à loyer non professionnel

Summary

The situation of non-professional rental leases in the Democratic Republic of Congo has always been a source of conflict between different stakeholders. Law No. 15/025 of December 31, 2015 relating to non-professional rental leases should constitute a response to this worrying equation of carelessness and disorder in the sector of rental leases, brokerage and real estate sale and purchase transaction. However, eight years after its implementation, the law does not seem to meet the challenges for which it was designed.

It is in this context that this study evaluates, depending on whether it is effective and efficient, Law No. 15/025 of December 31, 2015 relating to non-professional rental leases in the Congolese capital.

Keywords: legislative assessment, lease contract, non-professional rental lease

Introduction

Il ne suffit pas d’édicter des lois ou de formuler des injonctions morales pour améliorer la vie des personnes : encore faut-il s’intéresser à l’écart qui peut exister entre les prescriptions et la réalité concrète. Cet écart est celui qui sépare la théorie à la pratique, y compris lorsque nous sommes déclarativement en accord avec les principes de la loi, en l’occurrence la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel en République Démocratique du Congo.

Cette dernière législation est née principalement pour mettre fin à l’empire des actes et comportements en marge de la loi et ainsi remédier à certaines insuffisances et donner au pouvoir public la possibilité d’accroître le contrôle de conformité et ainsi assurer l’équité entre parties à la transaction immobilière. Elle a pour objectif de préserver la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus qui affectent durement et durablement les rapports juridiques entre parties au contrat de bail en l’occurrence bailleurs et preneurs.

CAHIER DU PARLEMENT                                                                                                                                                           

En effet, la situation des baux à loyer a toujours été une source de conflits entre les bailleurs et les preneurs, ponctuée d’une part dans le chef des bailleurs par les taux exorbitants et exagérés de loyer, la garantie locative excessive et abusive, l’anarchie dans les délais de préavis et les troubles de jouissance des biens loués et d’autre part dans le chef des preneurs par la mauvaise foi et le refus de se conformer aux règles de bonne conduite en défiant même le bailleur et l’ordre public, allant jusqu’à détruire des fois les biens loués. Aussi, envisage-elle de de mettre fin à la situation à la fois préoccupante et inquiétante de laisser-aller et de désordre dans le secteur des baux à loyer, de courtage immobilier et de transaction immobilière de vente et achat. 1

Pourtant, à huit ans d’existence, cette loi ne semble pas s’harmoniser avec son champ d’application : le non-respect des dispositions prévues par la loi ne lui permette pas d’atteindre les objectifs pour lesquels elle a été élaborée. En cernant cet écart qui existe entre ce qui est prévu et ce qui se passe sur terrain, cette étude évalue la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel des points de vue de son effectivité et de son efficacité en République Démocratique du Congo, plus particulièrement dans la capitale de Kinshasa. D’une part, elle mesure le degré d’applicabilité de la loi en recelant les entraves et défis, et d’autre part, elle questionne l’atteinte des objectifs et but pour lesquels est conçue la loi.

En ce sens, l’étude navigue dans le champ disciplinaire de la Légistique, plus précisément dans la particularité de l’évaluation législative. Cette dernière peut être considérée comme une démarche scientifique, systématique, transparente basées sur des données qualitatives et/ou quantitatives2. Ce qui fait qu’évaluer cette loi suppose d’un côté, faire recours aux techniques de collecte des données, et de l’autre, faire usage d’une méthode d’analyse des données collectées. C’est dans ce contexte que les entretiens, la documentation3 et les observations spontanées du chercheur ont permis la récolte des données. Essentiellement centrés sur les bailleurs, les preneurs, les agences immobilières et quelques personnalités administratives, les entretiens ont porté sur un échantillon représentatif de quatre districts qui composent la ville de Kinshasa4, à savoir le Mont-Amba, le Tshangu, le Funa et le Lukunga. De type cafétéria5 et semi-ouvert, le questionnaire administré aux interviewés a répondu au principe de saturation6 avant de clore l’enquête de terrain.

Par ailleurs, la théorie qui fonde cette étude est celle de Delley7, se basant sur la fonction de contrôle de l’évaluation législative qui porte sur les effets observables d’une législation en vigueur.

  1. Ministère de l’Urbanisme et Habitat, Arrêté ministériel du 31 juillet 2021 modifiant et complétant l’arrêt du 11 décembre

2018 portant instauration d’un contrat de bail type en République Démocratique du Congo.

  • Germain Mbav Yav, « Vers le législateur évaluateur ? Nécessité de surveiller l’exécution et les effets des lois en

République Démocratique du Congo », Cahier de l’IDHEAP, 307/2019, Lausanne, Suisse.

  • La documentation a concerné les publications scientifiques telles que les ouvrages, les articles de revue, les mémoires de Master, les thèses de doctorat, et les textes de loi dont le principal reste la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel en République Démocratique du Congo.
  • Kinshasa est la capitale de la République Démocratique du Congo. Avec plus de 11 millions d’habitants, elle est repartie en 4 districts et 24 communes. C’est l’agglomération la plus peuplée du pays.
  • Les questions sont posées en proposant plusieurs réponses aux interviewés de sorte à ce qu’ils choisissent, soit une qui leur convienne, soit plusieurs réponses de manière progressive selon l’ordre des priorités.
  • Ce principe suppose arrêter l’enquête à force que les mêmes réponses deviennent redondantes.
  • Delley distingue trois fonctions de l’évaluation, à savoir la fonction de prévision qui consiste à prévoir les effets potentiels d’une législation en préparation, d’accompagnement ou le monitoring et de contrôle qui porte sur les effets observables d’une législation en vigueur. C’est cette dernière fonction qui aide cette étude à évaluer la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel. Delley, « Quelle contribution le législateur peut-il attendre de l’évaluation législative », LeGes 1990/2, pp.16 et 17, consulté le 14 aout 2023 sur le site www.bk.admin.ch

La méthode d’analyse optée est celle basée sur l’évaluation de l’effectivité et de l’efficacité8. Alors que la première consiste à comparer les conduites réelles des destinataires de la loi au modèle normatif qu’elle prévoit, la seconde permet de voir si les buts ou objectifs fixés par la loi ont été atteint. Il s’agit du degré de correspondance entre les objectifs poursuivis par la loi et les résultats attendus ou produits.

À cet effet, cette double méthode a permis, non seulement d’analyser l’effectivité de la loi relative aux baux à loyer non professionnel à Kinshasa, mais aussi de vérifier si les objectifs ou buts poursuivis par cette loi ont été atteints. À l’aide de la documentation, des études de terrain et du vécu quotidien de l’auteur, elle a aidé à confronter les dispositions prévues par la loi aux pratiques, à la manière dont elles sont appliquées dans la capitale congolaise. L’analyse a porté essentiellement sur la lecture article par article de la loi, des données collectées sur terrain et dans les documents, et des observations du chercheur. Ainsi, cette recherche est essentiellement abordée sous trois axes. Le premier donne à l’étude un encrage théorique en reconnaissant l’apport des précurseurs et classiques dans le champ disciplinaire de la légistique : elle met en lumière les différents débats qui ont enrichi et construit la légistique en définissant les différents concepts clés de l’étude, et précise le cadre règlementaire congolais de la thématique (I). Le deuxième axe consiste à la présentation et à l’analyse des données. Elle fait recours à la double méthode d’évaluation pour juger de l’effectivité et de l’atteinte des objectifs par la loi (II). Et le dernier axe émet les critiques quant aux modalités de conception et d’exécution des lois en République Démocratique du Congo, et propose aux autorités politico-administratives des suggestions en vue de l’amélioration de la loi n°15/025 relative aux baux à loyer non professionnel (III).

I.    Cadre théorique et règlementaire de l’étude

Cette partie sert à apporter une lumière scientifique à l’étude, en démontrant l’apport des classiques dans la construction et le développement de la légistique, en définissant les concepts clés de l’étude et en cernant l’aspect réglementaire national qui régit les relations entre le bailleur et le preneur en République Démocratique du Congo.

A.     Aspect discursif et définitionnel de l’étude

Apparue dans les années 1950, la notion de légistique, au départ controversée, a désormais pignon sur rue : en témoignent l’existence dans la plupart des pays, mais aussi de manuels9, d’ouvrages savants10, de thèses11. La légistique est donc apparemment reconnue comme une discipline à part entière, caractérisée par un savoir progressivement constitué et constamment enrichi, qu’il s’agit de diffuser et de transmettre. Cet essor remarquable est cependant assorti d’une série d’incertitudes et d’équivoques, relatives au périmètre, aux finalités et à la portée de la discipline.

Concernant le périmètre, la légistique ne s’intéresserait pour les uns qu’aux aspects formels de la législation, c’est-à-dire à la qualité des textes, à leur mise en forme, aux modes de rédaction et aux conditions de formulation des énoncés juridiques.

  • Doctrine essentiellement inspirée par Fréderic Varone.
  • Catherine Bergeal, Rédiger un texte normatif. Manuel de légistique, Berger-Levrault, 1ère éd. 1996, 7ème éd. 2012.
  • Parmi les premiers, Luzius Mader, L’évaluation législative. Pour une analyse empirique de la législation, Lau-sanne, Payot, 1985 ; André Viandier, Recherche de légistique comparée, Berlin, Springer-Verlag, 1988 ;Zbignew Bankowski, La science de la législation, PUF, 1989 ; Dominique Rémy, La légistique. L’art de faire les lois, Rom-millat, Coll. Pratique du droit, 1994.
  • Karine Gilberg, La légistique au concret. Les processus de rationalisation de la loi, Thèse Paris 2, 2007, 660 pp. (ronéo).

Faisant écho à une préoccupation très ancienne12, elle ne s’appliquerait qu’à la technique législative, à l’exclusion de toute interrogation sur la politique législative, c’est-à-dire le contenu des textes, les objectifs poursuivis par le législateur et les moyens mobilisés pour les atteindre. La légistique ne serait ainsi qu’une des branches d’une science plus large de la législation, qui ne se borne pas à se pencher sur les problèmes de formulation des lois13, mais s’attache à déterminer le besoin social de lois.

Pour les autres au contraire, les questions de forme ne pouvant être dissociées des enjeux de fond14, la légistique, qu’on appellera parfois méthodologie législative15, s’intéresserait tout autant au contenu des lois qu’à leurs modes de rédaction16. Elle comporterait dès lors deux volets : l’un formel, et l’autre matériel17. La place donnée à chacun de ces volets sera très inégale, les guides et les manuels de légistique privilégiant généralement les aspects formels, à l’exception de pays, tels la Suisse, où la méthode législative a connu d’importants développements.

Concernant les finalités de la discipline, les incertitudes sont tout aussi grandes. Alors que certains entendent faire de la légistique une authentique science de la législation, science- carrefour utilisant notamment dans son volet matériel les connaissances et les méthodes développées par d’autres sciences sociales (sociologie, science politique, science économique…

)18, d’autres n’y voient tout au plus qu’une science appliquée ou une méthodologie, voire plus clairement encore un simple art, art de faire du droit de qualité.

La légistique ne serait pas une science en chantier mais seulement la méthode du bon rédacteur, celui qui est soucieux des effets concrets du droit et sait les apprécier : la finalité pratique serait donc prédominante.

Corrélativement, le statut de la légistique sera profondément différent. Envisagée en tant que science, la légistique sera appelée à prendre place parmi les sciences sociales. Ce qui implique la formation d’une communauté de chercheurs se reconnaissant et s’identifiant par référence à des principes et à des méthodes de recherche communs. En tant qu’art, la légistique prendra au contraire appui sur les savoir-faire pratiques acquis dans le cadre d’une expérience professionnelle.

Concernant enfin la portée de la légistique, on peut n’y voir qu’un ensemble de principes destinés à guider la démarche du rédacteur dans les différentes étapes à suivre, de la conception du texte à son application. Formulés sous forme de conseils ou de recommandations en vue d’améliorer la qualité des textes19, elle n’aurait qu’une portée incitative, à l’exclusion de toute dimension contraignante.

  1. La légistique formelle ne serait en fin de compte que « la prolongation contemporaine de quelques vieux rêves perfectionnistes d’écrire la législation » (Véronique Champeil-Desplats, Méthodologies du droit et des sciences du droit, Dalloz, 2014, n° 420).
  2. Jean Carbonnier, Droit civil, 25ème éd., 1997, n° 25.
  3. Gérard Cornu (Linguistique juridique, 2ème éd., 2000) distinguait pour sa part la « nomologie », qui étudie le contenu des normes et la « nomographie », qui étudie leur écriture.
  4. Jean-Louis Bergel, Méthodologie juridique, PUF, Coll. Thémis, 2001, p. 276.
  5. Peter Noll (Gezetzgeburgslehre, Rohwort, Reinbeck b. Hambourg, 1973) aurait été le fondateur de la « méthode législative », qui s’intéresse à la formation de la législation (voir Charles-Albert Morand, « La méthode législative », Droit et Société, n° 10, 19898, p. 391).
  6. Charles-Albert Morand (dir.), Légistique formelle et légistique matérielle, Aix-en-Provence, PUAM, 1999. Voir aussi Véronique Champeil-Desplats, op.cit. N° 419.
  7. Charles-Albert Morand (préc.) qui appelait en 1988 à une inflexion en ce sens de la formation des juristes chargés de

la confection des lois.

  1. Guide de rédaction des textes législatifs et réglementaires, 2008.

Appliquant la démarche managériale au droit qui lui était à l’origine étranger20, elle prendrait la forme de préceptes que les rédacteurs seraient invités à appliquer afin que les règles de droit puissent produire leur plein effet.

Néanmoins, entre management et droit, les frontières sont poreuses : la managérisation des normes juridiques peut coïncider avec le mouvement inverse de juridicisation des préceptes managériaux. Et les principes de légistique, aussi bien matérielle que formelle, vont en effet être traduits dans le langage du droit, en acquérant par-là même une dimension nouvelle.

Or, la légistique ne cerne pas que la partie conception de la loi. Après avoir facilité l’élaboration et la mise en application de la loi, elle ouvre une possibilité de l’évaluer selon certaines règles méthodologiques. En ce sens, l’évaluation législative est une étude des effets étatiques et l’appréciation systématique, sur base des méthodes scientifiques, des résultats produits par l’action étatique. Elle est perçue comme une analyse et une appréciation méthodique des effets de la législation et de sa mise en œuvre. Elle s’inscrit dans un processus de rationalisation de la formation et de la mise en œuvre des lois. L’étude de ce processus est du ressort de la légistique matérielle21. Celle-ci est constituée de l’ensemble des connaissances et des méthodes qui contribuent à améliorer la qualité de la législation, à optimiser ses effets. « La définition du problème, la fixation des objectifs, le choix des instruments (alternatives scénarios), l’évaluation prospective, l’adoption de la législation, la mise en œuvre et l’évaluation rétrospective22 » constituent les différentes étapes de la légistique.

Par ailleurs, l’évaluation législative dans cette étude concerne la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnels en République démocratique du Congo. Cette loi définit les concepts clés de l’étude de manière suivante :

  • Une agence immobilière est une entreprise ou société utilisant les courtiers et les agents immobiliers et ayant pour rôle de faire la promotion immobilière en mettant en rapport le bailleur et le preneur afin de permettre à l’un de jouir ou disposer de l’immeuble que l’autre veut louer ou vendre ;
  • Un agent immobilier est toute personne physique prestant ses services au sein d’une agence immobilière ;
  • Un bail est un contrat par lequel l’une des parties, appelée « bailleur » s’oblige à faire jouir à l’autre partie appelée « preneur » d’un immeuble ou d’un local, pendant une période donnée moyennant un prix convenu appelé « loyer » que le preneur s’engage à payer à des échéances convenues de commun accord ;
  • Un bail résidentiel est un contrat qui porte sur une maison, une villa ou un appartement à usage d’habitation ainsi que ses dépendances ;
  • Un bail socioculturel est un contrat dans lequel une association sans but lucratif ou un établissement d’utilité publique est « preneur » ;
  • Un bailleur est toute personne, titulaire d’un droit de propriété ou d’un droit réel de jouissance, qui donne à bail son bien ou son droit ;
  • Un courtier immobilier est toute personne physique ou morale responsable d’une agence immobilière ;
  • Une garantie locative est une somme d’argent versée par le preneur auprès du bailleur pour prévenir son insolvabilité ou les dégradations du bien loué ;
  • Jacques Chevallier, « Management public et droit », Politiques et management public, n° 3, 2008, pp. 93-100.
  • Morand, 1999 :3
  • Jadot, François Ost, « Elaborer la loi aujourd’hui, mission impossible ? », Presses de l’Université Saint-Louis, Bruxelles.
  • Les intermédiaires immobiliers sont constitués d’un ensemble des agences immobilières, de la ligue des preneurs, de la ligue de propriétaires et des courtiers immobiliers ;
  • Un livret de bail est un document administratif contenant des renseignements sur le bailleur et le preneur ainsi qu’un modèle de contrat de bail.

B.      Cadre règlementaire

La Constitution du 18 février 2006 de la République Démocratique du Congo, en son article 122 point 8 consacre le contrat de bail par ce qu’elle appelle le commerce, le régime de la propriété des droits et des obligations civiles et commerciales. L’arrêté ministériel du 13 juillet 2021 modifiant et complétant l’arrêt du 11 décembre 2018 portant l’instauration d’un contrat de bail type en République Démocratique du Congo constitue un instrument juridique qui vient accompagner l’exécution de la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel.

Aussi, d’autres textes des lois formant l’arsenal juridique qui réglementent le contrat de bail en République Démocratique du Congo sont :

  • La loi n°73-021 du 20 juillet 1973, telle que modifiée et complétée par la loi n°80-008 du 8 juillet 1980 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés spécialement les articles 53, 55, 63 et 64 ;
  • L’ordonnance 88-023 du 7 mars 1988 portant création du département de l’urbanisme et de l’Habitat ; la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces ;
  • La loi organique n°08/016 du 17 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces ; l’ordonnance n°21/012 du 12 avril 2021 portant nomination des vice-premiers ministres, des ministres d’Etat, des ministres, des ministres délégués et des vice-ministres ;
  • L’ordonnance n°20/016 du 27 mars 2020 portant organisation et fonctionnement du

Gouvernement, modalités de collaboration entre Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les membres du Gouvernement ;

  • L’ordonnance n°20/017 du 27 mars 2020 fixant les attributions des ministres ; le décret-loi du 13 juillet 1965 tel que modifié et complété à ce jour portant dispositions exceptionnelles en matière des baux à loyer ;
  • La loi n°73/021 du 20 juillet 1973 tel que modifié et complété à ce jour portant régime

général des biens, régime foncier et immobilier et régime des suretés ;

  • L’arrêté ministériel n°015 CAB/MIN-UH/2017 du 10 aout 2017 portant organisation des fonctions des agences immobilières, des agents et courtiers immobiliers, des syndicats des bailleurs, des preneurs, du syndic des preneurs et des syndicats des intermédiaires immobiliers ;
  • L’arrêté ministériel n°016 CAB/MIN-UH/2017 du 10 aout 2017 portant organisation réglementation d’enregistrement et agrément des agences immobilières, promoteurs immobiliers, bureaux d’études d’architecture et d’urbanisme, courtiers et ONG de l’habitat en République ; sauf exception, forment l’arsenal juridique qui réglementent le contrat de bail en République Démocratique du Congo.

II.                  Evaluation de la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer

non professionnel à Kinshasa

La question de l’inadaptabilité de la loi à son champ d’application est la préoccupation centrale qui donne essence et sens scientifiques à cette étude. Avec comme objectif de préserver la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus qui affectent durement et durablement les rapports juridiques entre parties au contrat de bail en l’occurrence bailleurs et preneurs, l’enquête de terrain et la documentation ont permis de vérifier les effets produits par cette loi.

Selon une double méthodologie optée dans cette étude, l’évaluation législative en ce sens a consisté à mesurer, d’une part, l’application effective de la loi à Kinshasa depuis sa promulgation (2015), et d’autre part, l’efficacité de la loi (l’atteinte des objectifs et buts que la loi s’est assignée). Les données secondaires compilées aux données primaires ont permis au chercheur de mener une analyse aussi qualitative que quantitative sur la thématique.

A.     La méthode d’évaluation d’effectivité de la loi

La lecture intégrale de la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel et la confrontation aux données primaires issues des enquêtes de terrain ont permis de jauger de l’application effective de ladite loi. Le concept effectif ne doit pas être compris au sens strict, car aucune loi au monde ne peut s’appliquer dans sa totalité. L’évaluation sur base d’effectivité cerne l’application des articles phares qui cadrent directement et étroitement aux problèmes prioritaires censés être résolus par la loi.

L’analyse a conduit à des constatations ci-après :

  1. Le contrat de bail n’est souvent pas notarié par une autorité publique

Les parties prenantes préfèrent notarier le contrat de bail par un acte sous seing privé. Cette préférence est motivée par des rasions des formalités administratives assez lourdes et exigeantes, du coût budgétaire que les deux parties doivent allouer à l’État et assez souvent, de l’ignorance de cette disposition légale par les parties au contrat de bail. Aussi, le caractère non contraignant que dispose l’article 3 de la loi donne libre choix aux parties prenantes de se détourner de l’autorité publique.

Conscient du fait de la boycotte des dispositions légales dans la contraction de bail, les parties prenantes (bailleur, preneur et agence immobilière) se détournent de l’autorité publique qui est la gardienne première de l’application des lois, et pour se fier au notariat sous seing privé, c’est-à-dire un contrat de bail signé entre le bailleur, le preneur, l’agence immobilière et les témoins : ce qui n’est pas illégal.

Pour le preneur, la difficulté de trouver une maison de location ne lui donne pas assez de choix que celui de s’incliner face aux abus du bailleur et de l’agence immobilière. Ces deux dernières, faisant fi de l’autorité publique, puisque conscient de la violation des dispositions légales de contrat de bail, marginalisent le preneur et bénéficient le plus dans cette opération. Alors que l’agence immobilière incite le bailleur à augmenter le prix de loyer 23 afin que lui tire le plus gros bénéfice24, le bailleur lui majore le prix de la garantie locative, en plus d’être complice dans la majoration de la somme du loyer mensuel.

Ce qui explique la régularité dans le non enregistrement du contrat de bail auprès de service local compétent tel que le stipulent les articles 3 et 4 de la loi.

  • L’État n’étant pas fixé expressément le prix de loyer selon qu’il s’agit de la qualité de l’immeuble à louer et de

l’environnement social immédiat.

  • L’agence immobilière a droit une somme d’argent équivalent à un mois de loyer versé par le preneur. Si le loyer mensuel devrait s’élever à une somme de 200.000 francs congolais, cette dernière s’arrange avec le bailleur pour la majorer soit à 300.000 afin que sa quote-part soit aussi améliorée.
  • L’état des immeubles à louer

Dans son article 11, la loi oblige au bailleur de mettre à la disposition des preneurs des immeubles qui ne doivent guère être susceptibles de leur causer préjudice. Sur cette question, les avis restent très tranchés, relatifs même au positionnement géographique de l’immeuble mis en location : des régions abritant des classes aisées, des classes moyennes et des classes moins aisées.

La ville de Kinshasa est une grande agglomération subdivisée en quatre districts et vingt- quatre communes. Le mode de vie est scindé selon qu’il s’agit de la catégorisation des classes, laquelle catégorisation se remarque, pour la plus part des cas, à la disposition et à l’emplacement géographiques de la population kinoise. Le district de FUNA pouvant être considéré comme celui abritant des classes aisées pour la plupart, ceux de LUKUNGA et de MONT AMBA comme abritant les classes moyennes, et celui de TSHANGU abritant les classes moins aisées.

Dans les classes aisées et moyennes, le bailleur s’efforce à mettre à la disposition des preneurs des immeubles qui ne sont pas susceptibles de causer préjudice aux preneurs, notamment à cause du niveau assez pertinent de culture générale de cette population, y incluse de la loi, et des moyens qu’elle disponibilise pour louer des immeubles en bon état. Dans les classes moins aisées par contre, la question de bon état des lieux à louer ne semble pas trop intéressée le bailleur. À cause de leur faible pouvoir d’achat et de leur niveau de culture générale relativement faible, le bailleur semble jouer ses cartes, se passant de la loi, et ne regardant uniquement ses intérêts.

En-est-il encore que la disposition des immeubles en bon état par le bailleur aux preneurs devrait tenir compte du pouvoir d’achat et du niveau de culture générale de ces derniers ?

  • La question de la garantie locative

Aux termes de la loi, le loyer mensuel ne peut faire objet d’aucun prélèvement dans la garantie locative (art 11, 8) qui ne peut être remboursée qu’à la fin du contrat de bail (art 20). Aussi, la même loi prévoit une garantie locative qui ne peut excéder trois mois pour le bail résidentiel et six mois pour le bail socioculturel (art18). Elle ne doit uniquement être payée en monnaie ayant cours légal, c’est-à-dire le franc congolais (article 21). Le bailleur est tenu à n’exiger aucun payement anticipatif (article 22).

Le constat reste plus amer dans les violations répétées de ces articles phares de la loi. Pour des difficultés de payement de loyer par le preneur, ou pour des raisons de vouloir déménager du lieu, c’est-à-dire mise en terme du contrat de bail, le bailleur et le preneur s’arrangent à puiser dans la garantie locative jusqu’à son épuisement pour marquer la fin du contrat de bail. Pour des raisons de changement de lieu de location, le preneur se bute à la difficulté de se voir restituer sa garantie locative, car le bailleur commence la consommation de cette dernière l’instant suivant sa perception. Cette situation met souvent les deux parties en conflit jusqu’à faire intervenir l’autorité publique qui, du reste, sans réparer le préjudice subi25 par le preneur, demande au bailleur de restituer la garantie locative contractée au début du bail. Ce qui amène généralement le bailleur à contracter un autre bail26 pour enfin restituer la garantie locative perçue pour le contrat de bail en cours.

La quasi-absence de l’autorité publique, la passivité des preneurs et des agences immobilières dans la dénonciation des violations de l’article 18 de la loi met le bailleur en pole position d’abuser et de marcher sur ladite loi en fixant de manière arbitraire le prix de la garantie

  • La loi ne prévoit aucune sanction relative au bailleur qui utilise la somme allouée à la garantie locative.
  • Alors que l’article 20 de la loi interdit au bailleur de contracter un autre bail alors que le premier est encore en cours.

locative. Les résultats des enquêtes de terrain en annexe montrent que la garantie locative pour le bail résidentiel navigue dans une échelle de 6 à 9 mois de loyer alors que la loi en prévoit trois, et que celle pour le bail socioculturel nage dans une échelle de 9 à 11 mois de loyer alors que la loi en prévoit 6.

Aussi, il faudra signaler la difficulté de trouver le logement dans une durée raisonnable à Kinshasa à cause notamment de la forte concentration des habitants, soit plus de 17 millions d’habitants concentrés dans un espace de 60 000ha, soit 600 km2, avec une densité de 1 730 hab./km2. Une partie importante de la ville s’étend sur une superficie essentiellement rurale et couverte d’une savane herbeuse parsemée d’arbustes. La commune rurale de Maluku, située dans la partie orientale de la ville-province (District de TSHANGU) occupe à elle seule 79% du territoire, avec seulement une faible densité de 23hab/Km2, et une population de 179 648 habitants. La grande partie de la population est donc concentrée dans la baie de Ngaliema à l’Ouest jusqu’au plateau du Kwango à l’Est du Pool Malebo.

Cette inégalité géographique explique la concentration de la plus grande partie de la population dans une zone géographique aussi minime ne représentant même pas la moitié de la superficie de la ville. Là on fait face à l’insuffisance des maisons pouvant abriter de manière adéquate plus de 16 millions de la population, et à des constructions anarchiques, susceptibles de causer préjudice aux preneurs. Rajouté à ce phénomène l’absence de l’État dans le domaine immobilier qui laisse au privé libre cour de forcer son jeu et de laisser l’intérêt général dont l’Etat en est le garant en pâtir : la plupart des immeubles mis en location à Kinshasa appartiennent au privé27.

C’est dans ce contexte que le bailleur fixe le payement du loyer mensuel et de la garantie locative de manière arbitraire et selon ses humeurs, exige de fois le payement anticipatif et oblige le preneur à payer dans une monnaie étrangère au franc congolais, généralement en dollar. En annexe, le résultat d’enquête relative au payement de la garantie locative et du loyer mensuel en dollars est sans appel, et a fait l’unanimité : le payement en monnaie étrangère de la garantie locative et du loyer mensuel se fait donc régulièrement en monnaie étrangère, plus particulièrement en dollars.

Tableau 1 : Résultat de l’évaluation sur l’effectivité de la loi à Kinshasa

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  • À signaler que certains immeubles de l’État ont subi le processus de désaffection des biens publics par certains hommes d’États. La plupart de ces derniers ont osé faire des immeubles de l’État leur propriété privée en les mettant en location, ou en faisant d’eux simplement leur domicile.

B.      Méthode d’évaluation d’efficacité de la loi

La méthode d’évaluation basée sur l’efficacité de la loi questionne l’état des lieux des objectifs et but fixés par cette dernière. Née dans le but de préserver la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus qui affectent durement et durablement les rapports juridiques entre parties au contrat de bail, notamment entre bailleurs et preneurs, la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel entend réaliser ce but en résolvant les problèmes des conflits entre bailleurs et preneurs, en mettant fin au laisser-aller et désordre dans le secteur des baux à loyer, de courtage immobilier et de transaction immobilière de vente et achat, et en intensifiant l’intervention de l’autorité publique entre les parties à la transaction immobilière.

Dans ce contexte, évaluer la loi renvoie à confronter ce but et objectifs aux réalités de terrain, notamment par la récolte des avis des concernés, c’est-à-dire des bailleurs, des preneurs, des autorités publiques compétentes et toute personne ayant des connaissances relatives à la pratique des baux à loyer non professionnel dans la ville de Kinshasa.

De cette étude de terrain s’en suivent des constatations suivantes :

  1. Conflits entre bailleurs et preneurs résolus ?

La résolution des conflits entre bailleurs et preneurs est l’objectif primordial pour lequel a vu le jour cette loi. Le législateur estime que résoudre les conflits qui opposent ces deux parties serait un atout nécessaire dans la préservation de la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus, notamment :

D’une part, les taux exagérés des loyers, la garantie locative excessive et abusive et l’anarchie dans le délai de préavis et les troubles de jouissance des biens loués (bailleurs) ; et d’autre part, la mauvaise foi et le refus de se conformer aux règles de bonne conduite en défiant le bailleur et l’ordre public, et la destruction des biens loués (preneurs).

Pour ce qui est du bailleur

En premier lieu, la loi estime que la résolution des conflits entre bailleur et preneur passe par la résolution des problèmes de taux exagérés des loyers, de garantie locative excessive et abusive et l’anarchie dans le délai de préavis et les troubles de jouissance des biens loués. C’est pourquoi, elle consacre des dispositions suivantes :

  • La garantie locative ne peut excéder une somme équivalant à trois mois de loyer pour le bail résidentiel et à six mois pour le bail socioculturel (Art 18) ;
    • Le payement mensuel du loyer et de la garantie locative ne peut se faire qu’en monnaie ayant cour légal : dans le cas d’espèce, en franc congolais (Art 21) ;
    • Le bailleur ne peut percevoir la garantie locative d’un tiers tant que le contrat en cours n’est pas arrivé à terme (Art 20) ;
    • Un bailleur qui perçoit une garantie locative supérieure à trois mois pour le bail résidentiel ou à six mois pour le bail socioculturel est puni d’un à trois mois d’une servitude pénale principale et d’une amende allant de trois à six mois de loyer (Art 39) ;
    • Tout contrat de bail à durée indéterminée ne peut être résilié qu’après un préavis de

trois mois pour le bail résidentiel et de six mois pour le bail socioculturel (Art 30) ;

  • Si, à l’expiration du préavis, le preneur n’a pas trouvé de logement, les délais ci- dessus sont prorogés de un mois pour le bail résidentiel ou de quatre mois pour le bail socioculturel (Art 30) ;
    • Le bailleur qui ne respecte pas le délai de préavis est puni d’un à trois mois de servitude pénale principale et d’une amende allant de trois à six mois de loyer (Art 39).

La première surprise est que la loi n’a pas prévu une somme pour le payement de loyer. Dans son article 21, elle stipule clairement que le loyer est librement fixé par les parties. Ce qui est un paradoxe puisque la loi se fixe de résoudre les problèmes de taux exagérés de loyer : l’on se pose la question comment compte-t-elle procéder ? Or, résoudre le problème de taux exagérés de loyer suppose la présence de l’État dans la fixation et la délimitation de la somme à payer pour le loyer. Pour se faire, la loi devrait attribuer la responsabilité de fixer le taux de loyer à l’échelle locale compétente. Cette dernière devrait à cet effet tenir compte du pouvoir d’achat de la population locale sous sa juridiction et de l’environnement social et immédiat dans lequel se trouve l’immeuble mis en location.

Contrairement aux problèmes de fixation abusive et excessive des loyers, la garantie locative a la particularité d’être fixée, mieux codifiée et contraignante. À l’inverse, sa spécialité est aussi qu’elle ne reste qu’utopique, mythique, irréaliste et théorique. L’enquête de terrain montre que la garantie locative à Kinshasa excède pour la plupart des cas les trois ou six mois prévus par la loi, selon qu’il s’agit du contrat de bail résidentiel ou socioculturel28. Pire, elle se paye généralement en dollar29, et que la population kinoise reste complice au regard de ces violations de la loi par le bailleur30.

Par ailleurs, le respect de la loi quant aux dispositions relatives au délai de préavis est de rigueur à Kinshasa. Que ce soit le preneur ou le bailleur, les deux parties s’engagent à respecter le délais de préavis prévu par la loi, en cas de mise en terme de contrat de bail : le bailleur s’engage à attendre l’écoulement du délai prévu avant de contracter un autre bail, alors que le preneur se désengage de la location de l’immeuble à la fin du préavis.

Pour ce qui est du preneur

En second lieu, la loi estime que la résolution des conflits entre bailleur et preneur passe par la résolution des problèmes liés à la mauvaise foi du preneur et au refus de se conformer aux règles de bonne conduite en défiant le bailleur et l’ordre public, et à la destruction des biens loués. Alors que la responsabilité du preneur relative à l’usage du bien loué est réglée par les articles 387 à 392 du 30 juillet 1888 portant Code civil livre III tel que modifié à ce jour, ses obligations sont régies en l’article 13 la loi relative aux baux à loyer non professionnel.

Ces obligations sont :

  • Payer le loyer selon les modalités convenues ;
  • User de la chose louée en bon père de famille ;
  • Répondre des pertes ou dégâts causés à la chose louée pendant la durée du contrat et qui

lui sont imputables ;

  • Entretenir l’immeuble et les équipements mentionnés au contrat et procéder aux réparations locatives sauf celles ayant pour cause la vétusté, l’usure, les malfaçons, les vices de construction et le cas fortuit ;
  • Informer le bailleur de toutes destructions ayant pour origine l’une des causes énumérées au point quatre ci-dessus ou nécessitant des grosses réparations ;
  • Avec un taux de 49.1% dans une échelle de 3 à 6 mois de garantie locative pour le bail résidentiel, et de 37.7% dans une échelle de 6 à 9 mois de la garantie locative pour le bail socio-culturel, la pratique démontre l’irrespect de la loi dans son aspect lié à la garantie locative.
  • Avec un taux de 94,3% d’avis qui précisent que le payement de la garantie locative et du loyer mensuel ne se fait pas en franc congolais.
  • L’étude démontre que 69,8% de la population kinoise savent qu’un bailleur perçoit une garantie locative supérieure à trois mois pour le bail résidentiel ou à six mois pour le bail socioculturel est puni d’un à trois de servitude pénale principale et une amende allant de trois à six mois de loyer tel que prévu dans l’article 39 de la loi relative aux baux à loyer non professionnels.
  • Ne pas entreprendre des grosses réparations sans l’autorisation du bailleur. Le devis est approuvé par les deux parties ;
  • Le coût des travaux sera récupéré intégralement par le locataire par des déductions mensuelles sur le loyer ;
  • Tant que les frais engagés par le preneur ne sont pas entièrement récupérés, le bailleur ne peut résilier le contrat de bail, ni réajuster le montant du loyer ;
  • En cas de plus-value, les deux parties concluent un avenant ;
  • Ne pas modifier ni transformer le bien loué sans l’accord préalable exprès du bailleur.

L’ampleur de la loi sur le preneur est assez remarquable du fait de la difficulté de trouver des immeubles en location à Kinshasa : une situation qui place le bailleur même au-dessus de la loi, fléchissant ainsi le preneur, non pas aux prescrits de la loi, mais à ses caprices individuels. Cependant, il n’en reste pas moins que le preneur soit cet autre côté de la pièce qui perpétue le conflit entre ces deux parties et viole par conséquent les dispositions légales.

Le preneur prend souvent plaisir à défier le bailleur et l’État. L’enquête de terrain démontre que certains preneurs ne préviennent pas le bailleur lorsqu’il est question d’engager les grosses dépenses sur l’immeuble loué, et réclament, par la suite, que le bailleur consente de prendre en charge ces dépenses31. Cette infime partie des preneurs à Kinshasa créent par la suite un climat de désordre jusqu’à l’intervention de l’ordre public. De fois, certains preneurs ne connaissent même pas les responsabilités relatives à l’usage de l’immeuble loué telles que prévues par la loi32.

Aussi, certains preneurs33 refusent délibérément de répondre de leurs actes après avoir causé des pertes ou dégâts sur l’immeuble loué pendant la durée du contrat. L’instabilité sociale dépend alors du bailleur. Certains d’entre-eux s’abstiennent d’en faire un problème, alors que d’autres l’amènent devant les juridictions compétentes pour demander réparation des préjudices causés.

  • Persiste-t-il encore du laisser-aller et désordre dans le secteur des baux à loyer, de courtage immobilier et de transaction immobilière de vente et achat ?

Au-delà du fait que la loi vise la restauration et la préservation de la paix sociale compromise en résolvant les relations conflictuelles entre bailleur et preneur, elle préconise aussi la cessation du laisser-aller et du désordre dans le secteur des baux à loyer, de courtage immobilier et de transaction immobilière de vente et achat dans le processus d’établissement d’un contrat de bail. Pour ce faire, elle y prévoit des sanctions pénales et civiles ci-après :

  • Tout bailleur qui perçoit une garantie locative supérieure à trois mois pour le bail résidentiel ou à six mois pour le bail socioculturel, est puni d’un à trois mois de servitude pénale principale et d’une amende allant de trois à six mois de loyer ou d’une de ces peines seulement (Art 39) ;
  • Le bailleur qui ne respecte pas le délai de préavis, prévu à l’article 30 de la présente loi, est puni de un à trois mois de servitude pénale principale et d’une amende allant de trois à six mois de loyer ou d’une de ces peines seulement (Art 40) ;

Le défaut d’enregistrement du bail ou de son avenant dans le délai prévu à l’article 3 de la présente loi, entraîne le paiement, outre les frais d’enregistrement, d’une pénalité équivalant à un mois de loyer, à raison de la moitié par chaque partie (Art 41) ;

  • 47% de la population kinoise pense que le bailleur ne prend pas en charge les grosses réparations à effectuer sur

l’immeuble mis en location.

  • L’enquête montre que 50 contre 45,5% des preneurs kinois connaissent leurs responsabilités dans l’usage de l’immeuble loué au terme de l’article 13 de la loi.
  • 72,7% contre seulement 22,7% des preneurs de Kinshasa répond des pertes ou dégâts causés à la chose louée pendant

la durée de contrat de bail.

  • Toute agence immobilière qui n’a pas fait enregistrer un contrat de bail dont elle a facilité la conclusion, paie, outre les frais d’enregistrement, une pénalité équivalant à un mois de loyer (Art 42);
  • Les parties à un bail conclu en violation des articles 3, 5, 18, 22, 27 ou 32 de la présente loi sont punies d’une servitude pénale principale de un à trois mois et d’une amende équivalant à un mois de loyer ou d’une de ces peines seulement. Les peines prévues à l’alinéa précédent s’appliquent également à tout agent qui aura procédé à l’enregistrement d’un tel contrat (Art 43) ;
  • Quiconque occupe un immeuble d’autrui sans l’accord préalable du propriétaire ou en

dehors d’un contrat de bail, est puni de un an à deux ans de servitude pénale principale et d’une amende de 250.000 francs congolais ou d’une de ces peines seulement (Art 44) ;

  • Les agents dûment habilités du ministère ayant les baux à loyer dans ses attributions, revêtus de la qualité d’officier de police judiciaire, sont chargés de rechercher et de constater les infractions à la présente loi (Art 45).

Une loi sans être assortie des peines n’en est pas une34. L’être humain est un construit social insatiable qui pousse ses actes jusqu’à ce qu’il trouve des limites. La particularité de cette loi est qu’elle prévoit des lois qui ne s’appliquent quasiment pas. Le problème reste double : d’abord, la loi elle-même adoubée de ses sanctions n’est pas largement connue du public. Ensuite, le peu de gens qui ont connaissance de la loi s’abstiennent à faire parvenir aux autorités compétentes des cas de violations répétées de la loi. Alors que certains estiment que l’inapplicabilité de la loi en République Démocratique du Congo devient monnaie courante (illustration faite à la loi prévoyant la sanction faite au bailleur qui aurait fait payer au preneur une garantie locative au-delà de ce que prévoit la loi), d’autres par contre restent d’avis que les personnes à pouvoir d’achat élevé sont les plus favorisées devant les juridictions que d’autres catégories moins aisées de la société.

Bien que règlementée par la loi dans certaines mesures, le règlement des différends à l’amiable reste beaucoup plus fréquent que devant l’autorité publique dans le domaine de contrat des baux à loyer non professionnel à Kinshasa. Généralement les deux parties se soustraient aux sanctions de la loi, surtout dans la mesure où les deux se sentent coupables. L’État étant mis hors du cadre réglementaire des différends relatifs aux baux à loyer non professionnel, lui qui est censé avoir le monopole de la violence légitime, les parties au contrat de bail se livrent à pérenniser les désordres et laisser-aller dans le secteur des baux à loyer non professionnel à Kinshasa. Des conflits entre agents immobiliers et bailleurs, et entre bailleurs et preneurs semblent loin d’être résolus en ce sens par cette loi.

  • L’État intervient-il régulièrement dans les transactions immobilières entre les parties ?

L’État est non seulement la seule institution à détenir le monopole de la violence légitime, mais aussi l’acteur premier dans la préservation et la promotion de la sécurité et la paix sociale de ses sujets. C’est sa mission régalienne telle que le soulèvent certains classiques. Il édicte des lois pour tous et sans discrimination, et veille sur son exécution. La loi est un projet étatique qui a besoin d’une mobilisation adaptée pour concrétiser les objectifs qu’elle s’est fixée. Comme projet, une loi est élaborée, conçue et exécutée en vue de résoudre un problème donné dans la société.

  • Lors d’une émission à la B-One FM, nous avons été invités à discuter autour d’un article paru sous le titre la redevabilité de l’élu. Estimant que les prémisses de la fraude électorale commencent par la manipulation de la loi électorale, nous avions constaté que cette dernière prévoit généralement des dispositions légales sans être assorties des sanctions pénales et civiles.

Dans le cas d’espèce, la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer professionnel est née dans le but de préserver la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus qui affectent directement et durablement les rapports juridiques entre les parties au contrat de bail.

En ce sens, pour marquer la présence de l’autorité publique dans ce processus de contrat de bail, la loi prévoit des dispositions suivantes :

  • Le livret de bail modèle unique est règlementé par arrêté du ministre ayant les baux à loyer dans ses attributions. Chaque partie reçoit un exemplaire original du contrat enregistré ou du livret de bail enregistré, le troisième reste au service local compétent (Art 4) ;
  • Un arrêté interministériel pris par les ministres ayant respectivement les baux à loyer et les finances dans leurs attributions, fixe le montant des frais administratifs relatifs au livret de bail et à l’enregistrement (Art 6) ;
  • Le défaut d’enregistrement du bail ou de son avenant dans le délai prévu à l’article 3 de la présente loi, entraîne le paiement, outre les frais d’enregistrement, d’une pénalité équivalant à un mois de loyer, à raison de la moitié par chaque partie (Art 41) ;
  • Toute agence immobilière qui n’a pas fait enregistrer un contrat de bail dont elle a facilité la conclusion, paie, outre les frais d’enregistrement, une pénalité équivalant à un mois de loyer (Art 42);
  • Les agents dûment habilités du ministre ayant les baux à loyer dans ses attributions, revêtus de la qualité d’officier de police judiciaire, sont chargés de rechercher et de constater les infractions à la présente loi (Art 45);
  • Les parties à un contrat verbal, antérieur à la présente loi, qui omettent de le convertir en contrat écrit dans les six mois qui suivent la publication au Journal officiel de la présente loi, payent, outre les frais d’enregistrement, une pénalité équivalant à un mois de loyer à raison de la moitié par chaque partie. Dans ce cas, le loyer est fixé par le service compétent en matière des baux à loyer en tenant compte des usages (Art 47).

L’étude de terrain menée démontre plutôt la passivité de l’État dans la concrétisation de cette loi. Le notariat sous seing privé étant préféré au notariat par l’autorité publique, les parties au contrat s’abstiennent d’enregistrer le contrat de bail auprès de l’autorité publique qui, de toute évidence, reste contemplative face à cette violation de la loi. Pour la plupart des cas, que ce soient le bailleur, le preneur et les agences immobilières, les parties au contrat ignorent qu’un contrat de bail doit être enregistré auprès du service local compétent, et que le refus d’enregistrement est sanctionné par une peine civile qui incombe au bailleur et à l’agence immobilière35.

Les mêmes causes conduisant aux mêmes effets, le livret de bail à modèle unique tel que règlementé ne semble concerné ni les parties contractuelles, moins encore lui-même l’État. N’ayant pas suffisamment des ressources à mobiliser pour faire suivre la loi, l’autorité publique se contente généralement de régler les contentieux qui interviennent entre les parties, alors qu’elle est généralement hors de l’établissement de contrat de bail. Le bailleur et le preneur se procurent en effet un livret de bail auprès des vendeurs ambulants qui, sans avis contraire, remplace l’État en cette matière.

  • Avec un score de 81,1% contre 18,9% des enquêtés estiment qu’aucun exemplaire du contrat de bail n’est enregistré au service local compétent. Aussi, 54,7% contre 45,3% des enquêtés constituant l’une des parties au contrat de bail à Kinshasa connaissent que le défaut d’enregistrement du bail ou de son avenant dans le délai prévu à l’article 3 de la loi entraine le paiement, outre les frais d’enregistrement, d’une pénalité équivalant à un mois de loyer, en raison de la moitié par chaque partie.

Ils contractent le contrat sous seing privé, le plus souvent sans se faire enregistrer auprès du service local compétent (taux en pourcentage de nombre d’enregistrement d’un contrat de bail à Kinshasa).

Aussi, il faudra soulever le désintéressement de l’État dans la question relative aux baux à loyer non professionnel. Cette négligence peut se remarquer par la promulgation d’un arrêté ministériel du Ministère de l’Urbanisme et Habitat trois ans après (2018 d’abord, puis modifié en 2021) la promulgation de la loi relative aux baux à loyer non professionnel en République Démocratique du Congo. Or, le caractère imprécis et général d’une loi ne saurait rendre son application effective, un arrêté ministériel étant considéré comme une ressource légale mobilisée pour préciser, déterminer et concrétiser la loi.

Tableau 2 : Résultat de l’évaluation sur l’efficacité de la loi à Kinshasa

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  1. Critique et suggestion

Comme toute œuvre forgée par la main humaine, la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel n’est pas parfaite, d’autant plus qu’aucune loi ne l’est. L’inadéquation avec son champ d’application a d’ailleurs fait l’objet de cette étude.

En effet, d’une part, critiquer cette loi renvoie à questionner les modalités de conception (puis que celles d’exécution ont été étudiées), et d’autre part, suggérer suppose proposer des pistes des solutions relativement aux problèmes soulevés dans l’étude, afin de rendre adéquate la loi à son champ d’application, et garantir la production des effets attendus, des objectifs voulus par la loi.

A.     Critiques

Pour ce qui est de la conception de la loi, nous avons étayé trois constats majeurs, à savoir :

  • Une procédure législative où les outils de la légistique matérielle semblent étrangers 36;
  • Une formation en légistique basée sur les aspects formels où les thèmes de la légistique matérielle semblent étrangers37 ;
  • Une mise en écart de la population cible dans la conception et l’exécution de la loi.
  • Germain Mbav Yav et Judicael Tawite Musavuli, Manuel pratique de légistique. Contributions à l’amélioration de la qualité des édits en République Démocratique du Congo, avec l’appui de Westminster Foundation for Democracy et le Réseau congolais des personnels des Parlements, p 17-18, Kinshasa, Mars, 2016
  • Germain Mbav Yav et Judicael Tawite Musavuli, Idem, p 17-18

Comme pour la plupart des lois en République Démocratique du Congo, la loi relative aux baux à loyer non professionnel a été, non seulement conçue, mais aussi s’exécute en mettant de côté les parties cibles, la population pour laquelle la loi compte éliminer les relations conflictuelles dans l’établissement de contrat de bail.

Bien que Cheik Ndiaye estime que la notion de Gouvernance est porteuse de la fragilisation de l’État en ce sens qu’en associant d’autres acteurs à la gouvernance, l’Etat s’est privé d’une ressource importante de la légitimité, à savoir le monopole de la définition et de l’orientation des politiques de développement ; la participation citoyenne dans la conception et l’exécution des politiques publiques reste un élément sine qua non à la bonne gouvernance. Elle garantit, non seulement, la gestion transparente de la chose publique, mais aussi l’ultime but pour lequel la bonne gouvernance est née reste de toute évidence la seule satisfaction de l’intérêt général38.

Intégrer le peuple à la conception de la loi, c’est résoudre le problème à moitié ; c’est lui donner le désir et l’envie de veiller à la bonne marche de la loi (s’expliquant au fait qu’il désire préserver à tout prix les résultats de son travail) ; c’est connaitre les problèmes que la loi veut résoudre et en élaborer des modalités de résolution adaptées ; c’est promouvoir la démocratie parlementaire. C’est ce que Marcel Waline explique en ces mots : par son rôle qui est celui de fournir un succédané des votes populaires, le Parlement s’impose comme institution phare avec pour fonction de refléter fidèlement que possible l’opinion populaire (…), représentation qui doit être fidèle qualitativement et quantitativement39. Toute opinion émise par une frange importante du peuple doit trouver son expression au Parlement et que le nombre de représentants de chacune de ces nuances de l’opinion doit être sensiblement proportionnel à l’importance numérique des catégories des citoyens qui se réclament de cette nuance.

B.      Suggestions

De la conception à l’exécution de la loi relative aux baux à loyer non professionnel, nous avons relevé des failles qui mettent en mal son application. En partant des observations propres du chercheur40, de la documentation et surtout de l’enquête de terrain, nous avons cerné tous les contours de la loi en la confrontant aux effets qu’elle produit sur son champ d’application, dans la capitale congolaise particulièrement. Des problèmes constatés, nous proposons au monde scientifique, aux autorités politico-administratives congolaises et aux parties prenantes au contrat de bail à loyer non professionnel des suggestions suivantes :

  1. Aux scientifiques congolais

Les techniques d’élaboration d’une loi est un champ disciplinaire très rigoureux, soumis à des méthodologies scientifiques que chaque expert en la matière doit tenir en compte. Il est incohérent de s’improviser expert en légistique sans n’avoir suivi aucune formation là-dessus, moins encore avoir exercé un métier relatif à l’élaboration qualitative des lois.

  • David Mukulu, Représentativité et participation politiques au Congo-Kinshasa. De la démystification à une action

citoyenne possible, Etudes africaines, série politique, L’Harmattan, Paris, Juin 2023.

  • Marcel Waline, « Le Parlement, le pouvoir exécutif et les partis politiques en fonction de la Démocratie », Revue Internationale de droit comparé, Vol 7, N°2, Avril-Juin 1995, pp. 391-399.
  • Nous tenons à signaler que nous aussi faisons partie de la cible de cette étude. Avec une expérience de vie de plus de 25 ans à Kinshasa, nous avons suffisamment observé les problèmes liés à la pratique de la loi relative aux baux à loyer à Kinshasa. Seule notre observation ne saurait suffire pour mener cette étude, l’enquête de terrain et la documentation ont scientifisé la recherche.

Plusieurs recherches41 démontrent qu’un cadre légal déficitaire est majoritairement susceptible d’engendrer les conflits, plutôt que de résoudre les problèmes pour lesquels la loi a été conçue et promulguée. La compréhension du problème à résoudre pose les prémisses d’une loi qualitative, et la présence des experts en la matière, que ce soit de la société civile ou de l’expertise privée nationale ou étrangère, est un élément constitutif dans l’élaboration d’une loi qualitative. La nécessité de se former en légistique s’impose ainsi comme prérequis incontournable en République Démocratique du Congo.

  • À l’État congolais

Comme nous l’avons souligné ci-haut, la démocratie parlementaire exige qu’il y ait participation citoyenne dans la gestion quotidienne des assemblées délibérantes. Acteur principal dans la conception des lois, le Parlement est censé faire appel aux experts en légistique, les associer aux fonctionnaires parlementaires du Bureau d’étude (lesquels sont censés maitriser les notions de légistique) et intégrer une frange représentative de la population cible aux travaux des commissions parlementaires dans la conception des lois. L’appel aux experts doit être dépourvu de toute connotation clientéliste, tribale ou ethnique, étant exclusivement teintée d’un groupe d’expert choisi sur base de compétitive et de méritocratie.

Quant à l’exécution de la loi, l’État doit intensifier sa présence en s’imposant comme acteur majeur et principal dans la préservation de la paix sociale compromise par des relations conflictuelles entre bailleur et preneur. Bien que la conception d’une loi détermine à moitié son mode d’exécution, cela ne saurait suffire pour la rendre efficace et effective.

Par ailleurs, la mobilisation des ressources allouées à la pratique de cette loi en est une phase cruciale. Il ne suffit pas d’écrire une bonne loi : il faut veiller à son exécution, à sa bonne marche. À cet effet, l’État doit intervenir en ce sens :

  • à déterminer le montant pour le payement de loyer mensuel afin de résoudre le problème de fixation abusive et exorbitante des prix. Cette fixation des prix de loyer doit tenir compte du pouvoir d’achat de la population kinoise, de la qualité des immeubles mis en location et de son environnement immédiat ;
  • à sanctionner pénalement et civilement le bailleur qui s’accorde à demander une garantie locative en dehors de la limite fixée par la loi, en vue de résoudre le problème de fixation excessive de la garantie locative à Kinshasa. Pour ce faire, l’État doit placer la police judiciaire compétente, bien rémunérée, travaillant en étroite collaboration avec le syndicat des preneurs ;
  • à sanctionner pénalement et civilement le bailleur qui exige le payement du loyer mensuel et de la garantie locative en dollar ou en toute autre devise étrangère au franc congolais, monnaie ayant cours légale en République Démocratique du Congo. Pour ce faire, l’État doit placer la police judiciaire compétente, bien rémunérée et très motivée à préserver la loi, travaillant en étroite collaboration avec le syndicat des preneurs ;
  • David Mukulu, « Redevabilité de l’élu. Loyauté entre autorité morale et desiderata de la base », Revue Africaine des études juridiques, KAS-Congo, Janvier 2022.
  • à construire des logements à faire louer au public pour des raisons de concurrence avec le privé. L’intervention de l’État dans le secteur privé poussera ce dernier à revoir ses attitudes, du fait qu’il y aura abondances d’offres. Le centre-ville de Kinshasa étant entassé des constructions anarchiques, l’État devra diversifier sa construction. Aménager le territoire dans la commune de Maluku, en commençant par la création des activités économiques et industrielles, éducatives, des services publics, avant de construire des logements. En ce sens, l’État pourra imposer un barème de prix de loyer mensuel à tous les bailleurs du point de vue légal, et forcer aux privés de revoir à la baisse leurs prix au regard de la surabondance de l’offre sur le marché (du point de vue sociologique). C’est dans ce contexte que le matérialisme historique de Karl Marx trouve son sens : c’est l’infrastructure (économie) qui détermine la superstructure (politique).
    • Aux parties prenantes

Aux termes de la loi, le bailleur, le preneur et les agences immobilières, les courtiers et agents immobiliers constituent les parties prenantes. À elles, nous suggérons ceci :

  • participer à la conception de la loi relative aux baux à loyer non professionnels. La loi étant particulièrement élaborée dans le but de résoudre les problèmes conflictuels entre parties prenantes et préserver la paix sociale, il demeure anormal que la cible, c’est-à-dire les personnes visées dans la résolution du problème, soit écartée du processus de conception, pour intervenir pendant le processus d’exécution de la loi. Cette participation des parties prenantes peut être représentative, au sens où les syndicats de preneur, de bailleur et des agences immobilières peuvent élire des personnes (étant doté des connaissances en légistique, d’éthique de vie et d’une moralité redoutables) prêtes à participer à la conception de la loi, et se charger tout aussi, au côté de l’État, de la vulgariser ;
  • pour donner au contrat bail une force juridique, les parties prenantes doivent opter pour le notariat par l’autorité publique de ce contrat et l’enregistrer en déposant un exemplaire du contrat au service local compétent. Faire intervenir l’État dès le départ aide à l’amener, si pas le contraindre, à s’impliquer dans la concrétisation de la loi. Il faudra garder à l’esprit que la bonne marche de la loi n’est pas le seul apanage de l’État. Le modèle de gouvernement participatif est constitutionnel : ce qui fait que le bilan relatif à la bonne ou à la mauvaise application de la loi soit une responsabilité partagée ;
  • le preneur devra éviter d’engager des dépenses sur l’immeuble loué, qu’importe la nature, sans l’autorisation et l’engagement du bailleur. Si le preneur pense faire des réajustements sur l’immeuble, le devis établi doit être discuté et validé de commun accord avec le bailleur, en vue d’éviter toute sorte de conflit susceptible de naitre entre les deux parties.

Conclusion

Les relations conflictuelles entre parties prenantes au contrat de bail à loyer non professionnel, les désordres et le laisser-aller, et la quasi-inexistence de l’État dans le secteur, ont poussé à plus d’un de réfléchir sur les moyens de remédier à cette situation préoccupante. C’est dans ce contexte que la loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel verra le jour. Elle est élaborée et mise en exécution dans le but de préserver la paix sociale compromise au regard des conflits et divers abus qui affectent durement et durablement les rapports juridiques entre parties au contrat de bail en l’occurrence bailleurs et preneurs.

S’inscrivant dans une logique à déterminer les effets que la loi a produits huit ans après, cette étude a consisté à analyser l’applicabilité de la loi à Kinshasa selon qu’il s’agit de son effectivité et de son efficacité. Alors que les observations de l’auteur, la lecture documentaire et les enquêtes de terrain ont aidé à récolter les données relatives à la thématique, la double méthodologie d’évaluation d’effectivité et d’efficacité de la loi a permis, d’une part, mesurer le taux d’applicabilité de la loi, et d’autre part, à voir les objectifs et but fixés par la loi ont été atteints.

À l’issu de l’analyse, nous avons abouti aux résultats selon lesquels l’inadaptabilité de la loi à son champ d’application reste la cause principale des problèmes d’applicabilité de la loi à Kinshasa. Evaluée à 83% dans une échelle de 10 à 30 relativement à la méthode de l’évaluation d’effectivité, la loi souffre d’application à Kinshasa. Ce qui rend d’ailleurs la réalisation des objectifs et but assignés par la loi impossible, irréalisables. Aussi, évaluée à 90.0% dans une échelle de 10 à 30 relativement à la méthode de l’évaluation d’efficacité de la loi, cette dernière ne réalise toujours pas les objectifs et but qu’elle s’est assignée. Les difficultés qu’elle rencontre dans sa mise en pratique impacte étroitement et négativement sur le but fixé par la loi.

Ainsi, cette étude ne balaye pas toutes les questions relatives aux baux à loyer non professionnel. Des débats ouvrant d’autres questions relevant de la même thématique peuvent être également. Nous pensons ici à l’évaluation législative selon la méthode d’eficience42 que nous n’avons nullement mentionnée dans cette étude, moins encore utilisé. Aussi, des recherches peuvent porter sur la carence des lois en matière de contrat de bail à loyer non professionnel, le régime disciplinaire que nous avons trouvé assez doux et moins coercitif, etc.

Par Yves Mikombe Ngongo*

Résumé

Le présent article analyse la finalité des propositions de loi. Il part du constat selon lequel la majorité d’entre-elles répondent plutôt aux besoins des parlementaires qu’à ceux du peuple. C’est ce que traduit fidèlement l’expression « face cachée du décor ».

Dans ce contexte, cette étude étale un certain nombre de possibilités pouvant permettre

l’efficacité et la cohérence des propositions de loi aptes à répondre aux besoins du peuple.

Mots-clés : Proposition de loi, Parlement

Abstract

This article analyzes the purpose of legislative proposals. It starts from the observation that the majority of them respond more to the people. This is what faithfully translates the expression ‘hidden side of the scenery’.

In this context, this study sets out a certain number of possibilities that could enable the

effectiveness and coherence of proposed laws after meeting the needs of the people.

Keywords : Proposed laws, Parliament

Introduction

La démocratie représentative est une forme de gestion qui exige la représentation du peuple par un nombre réduit des citoyens définis selon les lois du pays. Cette forme permet aux citoyens choisis d’agir, de décider au nom du peuple souverain. Dans ce cas, les décisions prises doivent répondre aux désidératas du souverain primaire et ou mieux de la société entière.

Par ailleurs, une attitude torpillante se démarque dans le chef des citoyens promis au rang des représentants. Ils se distinguent parfois dans les pratiques malsaines et se sont détournés de nobles missions leur sont confiées. Ils observent un comportement et une action visant à satisfaire leurs besoins que les desiderata des citoyens. À ce titre, la démocratie représentative qui s’incarne dans le parlement et les Assemblées délibérantes fait face à des limites mettant en doute et en mal son fonctionnement.

Rousseau voyait déjà en ce régime une trahison de la volonté générale : « À chaque instant qu’un peuple se donne des représentants, il n’est plus libre ; il n’est plus1 ». Il hostile à l’idée même de représentation politique, quelque forme qu’elle prenne : La volonté ne se représente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu.

Il est évident de dire que ce vice observé jadis s’observe aussi dans la représentation au parlement congolais. Bien que l’article 5 la Constitution congolaise dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de referendum ou d’élection et indirectement par ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. […] » ; Il en est le contraire dans la mise en œuvre.

  1. Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Amsterdam, 1762, p.5.

Au regard de cet article susmentionné, la gestion de l’État, de quel degré soit-il, doit répondre aux desiderata de la société. Le parlementaire qui agit à travers proposition de loi et le gouvernement pour le projet de loi, doivent négocier leur politique sur base des problèmes qui touchent la société et que leurs décisions doivent porter des solutions viables et fiables pour toute la nation.

En effet, la question autour de la finalité de l’action publique tant au niveau des propositions

de loi qu’au niveau des projets de loi n’est pas nouvelle.

Elle implique l’aspect scientifique, dans la dimension rationnelle, et l’aspect politique dans l’exercice du pouvoir. Certains chercheurs2 en Sciences sociales suggèrent que les reformes du service public en Afrique devraient s’inspirer des reformes et des logiques de redevabilité autochtones, fondées sur des traditions politiques plus au moins ancestrales – ordalies, pouvoirs mystiques, dimension politique des liens de parenté, etc..

Sans mettre en désuétude certaines études ayant abordé précédemment cette question, cet article rêve de démontrer la recherche de l’intérêt partisan qui caractérise le parlement congolais et le gouvernement dans la gestion de la chose publique. Ils s pour se les assurer la protection financière, sécuritaire, judiciaire et politique. Et nous élucidons l’importance du pouvoir qui est à mesure de transformer une société. En ce qui les concerne, les parlementaires détiennent cette possibilité par le pouvoir de contrôle et du vote des lois qui leur est reconnu qui se manifeste entre autres dans le suivi de l’exécution du programme gouvernement pour satisfaire les désidératas du peuple.

En effet, l’étude part du constat selon lequel, la plupart des propositions et des projets de loi ne prennent pas en compte les besoins de la société et n’ont pas d’impact sur ces besoins; dans leur perception et conception, ils nagent dans la confusion du pour quoi et du pour qui ils sont initiés (proposition et projet de loi). Or, l’initiative de la loi, est inséparable des besoins du souverain primaire. Ce problème dans l’exercice du pouvoir en République démocratique du Congo met en mal le fonctionnement des institutions et torpille la démocratie en la mettant en cause comme régime modèle d’une bonne gouvernance.

L’étude s’inscrit dans une approche prospective, car, elle permet de mettre à nu le danger que court la société congolaise partant des initiatives de loi. Elle s’appuie sur les techniques comme l’interview et la documentation.

Pour mener à bien cette réflexion, le présent article s’articule autour de trois points. Le premier point porte sur la conceptualisation de l’étude. Le deuxième sur la perception de l’intérêt général par les élus du peuple à travers leurs initiatives et le troisième sur quelques solutions préconisées. Le premier aborde plus le travail parlementaire. Le deuxième s’attèle sur ce qui motive les élus à initier des lois. Quant au troisième, il dégage quelques éléments pouvant permettre un travail parlementaire conforme à la volonté des Citoyens.

I.        Conceptualisation de l’étude

Pour Manning et Stapenhurst3, les assemblées législatives remplissent trois fonctions importantes. D’abord, elles élaborent et adoptent les lois. C’est la fonction de législation. Ensuite, elles représentent les citoyens en présentant les problèmes de la société au parlement. C’est la fonction de représentation. Enfin, elles surveillent et contrôlent l’action du gouvernement.

  • Tokiniaina Rananjason Ralaza, Réformes et innovations comptables dans le secteur public local malgache. Etude des conditions de développement et d’adoption d’un système d’information simplifiée, Thèse de doctorat, l’IAE de Potiers, 2008, 402 Pages.
  • Manning et Stapenhurst Cité par Louis M. Imbeeau Rick., Le contrôle parlementaire des finances publiques dans les

pays de la francophonie, éd, PUL, Québec, 2019, p17.

En effet, dans le cadre des missions classiques d’un parlementaire, il existe des tâches liées respectivement à la représentation, à la production législative et au contrôle parlementaire. Pour mieux cerner lesdites tâches, nous envisageons éclairer certains concepts clés de notre travail. Il s’agit de la représentation parlementaire, l’exercice du pouvoir législatif et le contrôle parlementaire.

A.     Représentation parlementaire

Dans le droit continental, la mission de représentation d’un parlementaire est de défendre les intérêts et les droits des citoyens qu’il représente au sein du parlement et des assemblées délibérantes. En ce sens, le parlement élu démocratiquement agit en tant que porte-parole du peuple. Sa mission principale est de participer aux débats législatifs et de voter les projets de loi afin de créer et de modifier les lois qui gouvernent le pays. Le parlementaire collabore également avec les autres membres du parlement pour formuler des politiques publiques dans l’intérêt général.

En plus de son rôle législatif, le parlementaire est souvent sollicité par ses concitoyens pour les représenter et faire entendre leurs préoccupations. Il peut organiser des réunions, des consultations ou des débats publics pour recueillir les idées et les opinions de ses électeurs. En tant que représentant du peuple, il trace les limites l’action de chaque pouvoir public4. Le parlementaire doit donc être à l’écoute des besoins de sa circonscription et travailler activement à les défendre. Finalement, la mission de représentation d’un parlementaire en droit constitutionnel consiste donc à jouer un rôle central dans la démocratie en représentant les citoyens, en participant activement aux débats législatifs et en travaillant à améliorer la vie de ses électeurs.

La mission parlementaire de production législative fait référence au rôle du parlement et de ses membres dans la création et la modification des lois. En tant qu’assistant conversationnel d’Intelligence Artificielle, je serais ravi de vous expliquer cette mission plus en détail. Elle peut prendre différentes formes. Les parlementaires peuvent initier des projets de loi en proposant de nouvelles idées, des réformes ou des modifications des lois existantes. Ils peuvent également contribuer à l’amélioration des projets de loi en apportant des amendements ou des suggestions lors des débats parlementaires. Une fois un projet de loi adopté par le parlement, il peut être promulgué en tant que loi par le Président de la République. Cela permet la mise en œuvre des politiques publiques, la protection des droits des citoyens et la réglementation des activités sociales, culturelles, économiques et politiques.

La mission parlementaire de production législative est essentielle pour une démocratie fonctionnelle. Elle permet aux parlementaires de jouer un rôle actif dans la formulation des lois, en représentant les intérêts de leurs électeurs et en répondant aux besoins de la société dans son ensemble. Aussi, elle consiste à proposer, débattre, amender et voter sur des projets de loi afin de créer de nouvelles règles et de modifier les lois existantes, permettant ainsi de façonner le cadre juridique de la société.

B.      Exercice du pouvoir législatif

Si l’on reprend la célèbre trilogie de Locke et Montesquieu5, il y a dans l’Etat trois pouvoirs6

: le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, correspondant aux trois missions à savoir : légiférer, juger et gouverner.

  • Aubin Minaku et François Bokonda, Lexique des Assemblées politiques délibérantes, Academia-L ’harmattan, Paris, 2013, p. 48.
  • Jean Waline., Droit administratif, 27ème éd. Dalloz, Paris, 2018, p. 48.
  • Ivan Vangu Ngimbi, Eclairage sociologique sur quelques notions canoniques de la science politique, éd. L’harmattan, Paris, 2017, p.34.

Le pouvoir législatif consiste à légiférer, donc, elle vise à poser des règles générales et impersonnelles qui régissent dans la communauté nationale l’ensemble des activités privées ou publiques.

En République démocratique du Congo, le pouvoir législatif est attribué, au niveau national, au parlement composé de deux chambres, à savoir l’Assemblée nationale et le Sénat, confère article 100 Constitution. Au niveau provincial, de l’assemblée provinciale, confère article 197 Constitution. De tout ce qui précède, il apparait clairement que, « le parlement est l’intermédiaire institutionnel entre le peuple et le gouvernement, c’est une institution dont l’histoire est liée au niveau des libertés consenties aux gouvernés par les gouvernants7.

La production législative est une responsabilité clé des parlementaires. Elle consiste à proposer, discuter, débattre et voter des projets de loi qui vont définir les règles et les normes de la société. Les parlementaires sont ainsi les principaux acteurs dans le processus de législation.

Ainsi, dans cet exercice législatif, le parlement initie concurremment avec le gouvernement, les lois et les amendements. En République démocratique du Congo, les dispositions de l’article 130 stipulent que « l’initiative des lois appartient concurremment au gouvernement, à chaque député et à chaque sénateur. Les projets de loi adoptés par le gouvernement en Conseil des ministres sont déposés sur le bureau de l’une des chambres. Toutefois, s’agissant de la loi de finances, le projet est impérativement déposé dans les délais prévus à l’article 126 sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Les propositions de loi sont, avant délibération et adoption, notifiées pour information au Gouvernement qui adresse, dans les quinze jours suivant leur transmission, ses observations éventuelles au Bureau de l’une ou l’autre Chambre. Passé ce délai, ces propositions de loi sont mises en délibération ».

A.     Contrôle parlementaire

Quelques auteurs classiques s’accordent que le contrôle parlementaire est la colonne vertébrale d’une démocratie représentative. C’est dans ce sens que l’article 138 de la constitution de la République Démocratique du Congo stipule ce qui suit : sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, les moyens d’information et de contrôle de l’Assemblée nationale ou du Sénat, sur le Gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et services publics sont :

  • La question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote ;
  • La question d’actualité ;
  • L’interpellation ;
  • La commission d’enquête ;
  • L’audition par les commissions.

Montesquieu et Tocqueville ont tous deux souligné l’importance cruciale du contrôle parlementaire dans le bon fonctionnement d’une démocratie. Le contrôle parlementaire permet aux parlementaires de surveiller les actions du gouvernement, de garantir la transparence et de garantir que les intérêts de la population sont pris en compte dans le processus décisionnel.

Le contrôle parlementaire a évolué au fil du temps pour devenir un élément essentiel de la démocratie moderne. Il permet de maintenir l’équilibre des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif, et offre une voix aux citoyens à travers leurs représentants élus. Il peut prendre différentes formes, telles que l’interrogatoire des ministres, l’examen des politiques gouvernementales ou l’évaluation des dépenses publiques.

  • Célestin Kabuya Lumuna Sando, Sociologie politique, éd. CEDIS, Kinshasa, 2011, p.457.

La diversité des instruments de contrôle permet aux parlementaires d’exercer leur rôle de

surveillance de manière efficace et rigoureuse.

I.                    Analyse du positionnement dans la conception et l’élaboration des lois

Pour mieux appréhender cette partie, l’accent sera fixé sur deux points. Il y a l’action liée à la justification des lois prises par l’élu, l’intérêt de l’élu et du peuple dans la conception et l’élaboration des lois.

A.     L’action liée à la justification des lois

Dans une démocratie représentative, le pouvoir législatif est exercé par le parlement. Il est une institution qui décide de l’orientation politique d’un pays partant de son fondement représentatif. En dépit de son pouvoir de représentation, il est appelé aussi à contrôler le gouvernement et orienter son action publique. Concurremment avec le gouvernement, le Parlement initie des lois qui définissent l’ancrage politique d’un pays. À ce titre, bien qu’en concurrence, seul au parlement revient le pouvoir de légitimer la loi car, il représente non seulement le pouvoir du peuple, mais aussi sa volonté.

Cependant, concevoir la loi correspond au cycle de vie d’une initiative. Ce cycle s’identifie par un point d’entente entre l’ensemble des collaborateurs, le peuple et le représentant, le besoin du peuple et la politique du représentant. La phase de conception des lois est l’occasion pour tous de s’accorder sur les idées, processus et résultats attendus. En effet, la conception vise à donner une vue d’ensemble de l’initiative, sans s’attarder sur les petits détails. Il est aussi préférable de s’appuyer sur les organisations de la société civile, aux confessions religieuses, etc. Ces dernières permettent d’emblée aux parties prenantes de mieux visualiser vos intentions et ambitions. Cette conception se justifie dans l’optique d’harmoniser les idées, les processus et les résultats attendus au sein d’une société. Concevoir une loi appelle à la Constitution de plusieurs éléments. Elle doit prendre en compte les exigences de la société dans laquelle elle s’exprime.

En outre, Il y a lieu de souligner, à la suite de Jean-Jacques Rousseau cité par Montousse8, que le contrat social impose une égalité morale et légitime entre les hommes qui deviennent donc égaux par convention de droit.

Le peuple dans son ensemble forme une communauté dans laquelle il vit dans un espace, et soumis à des lois. Tout en étant souverain, il autorise au gouvernement à travers ses représentants de faire exécuter les lois qui s’imposent à tous. Il est évident que l’élu du peuple et le membre du gouvernement tous deux ont un rôle majeur à jouer dans la prise des initiatives des lois pour répondre aux désidérata de la population d’une part, et d’autre part, le député national à travers son rôle de contrôle parlementaire devrait avoir à l’œil tout programme qu’exécute le gouvernement s’il tient compte des intérêts de la population.

Montesquieu9 estime pour sa part que les lois « doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites ». Faut-il rappeler ici les propos du Secrétaire Général honoraire des Nations Unies, Koffi Annan10, attestant que « la démocratie représentative s’universalise tellement aujourd’hui, qu’elle supprime toute autre alternative, puisqu’elle se consolide comme le seul sens possible de la réalité politique » et devient, comme le souligne Alexis Tocqueville11, l’aboutissement nécessaire de l’évolution politique des sociétés modernes.

  • Marc Montousse., Sciences premières, sciences et économiques, éd. IME, Paris, 2005, p.143.
  • Charles Montesquieu., L’esprit des lois, Liv. I, Chap. III, chez JANET (P.), Paris, Delagrave, 1887, p. 106.
  • Koffi, Anan., Transition et renouveau, United Nations Publications, New-York, 1997, p.5.
  • Alexandre, Tocqueville., De la démocratie en Amérique I, Macintosh, Amazon, 2001.

A contrario, les animateurs des institutions et les représentants du peuple qui n’accordent pas l’attention aux problèmes que vit la population créent une cassure entre les deux axes qui conduisent à l’effondrement d’un système politique. Ainsi, pour Claude Lefort,12 le parlement apparait moins ici comme le lieu de pouvoir que comme une scène publique sur laquelle le corps politique est à la fois mise en forme et mis en sens. Avoir ses représentants présents, c’est symboliquement être présent soi-même par conséquent être reconnu publiquement comme membre à part entière de la communauté politique.

Dans ce même ordre d’idées, l’élu doit être proche de la population en vue de mieux cerner ses désidératas pour les ramener au niveau du parlement pour débat et au final proposer une loi qui sera promulgué afin d’être appliquée dans l’ensemble du territoire pour répondre ainsi aux différentes préoccupations de la population et la loi sera ainsi donc l’expression de la volonté générale.

De ce fait, les propositions de loi ou projets de loi et le contrôle parlementaire sont des outils à la disposition de l’élu en vue d’initier des lois et de suivre l’exécution du programme du gouvernement pour le compte de la population. L’application des lois à caractère général et le contrôle du gouvernement sans complaisance et interférence renforce la bonne gouvernance où les fonds alloués à chaque secteur pourront atteindre le destinataire final qui est le peuple afin de réduire la pauvreté, épargner le gaspillage et le détournement des fonds. Le parlement doit donc veiller à ce que l’intérêt du peuple soit garanti dans chacune des initiatives de loi et dans l’action du gouvernement.

B.      L’intérêt de l’élu et du peuple

La politique est un champ d’intérêt. Il y a d’un côté, l’intérêt de gouvernant et de l’autre, l’intérêt du peuple. L’organisation politique est définie, d’une part, par les demandes du peuple, c’est in put. A ce titre, le peuple exprime ses besoins et ses attentes au regard du gouvernant. De l’autre part, les réponses des gouvernants, c’est le out put. Ces deux éléments se conjuguent dans une nation pour la finalité de la satisfaction de l’intérêt communautaire.

Toutefois, au regard de cette organisation politique, la gestion de l’État se perçoit, de ce fait, par l’intérêt du gouvernant, élu, et du citoyen, peuple. Car, dans une démocratie représentative, le peuple délègue sa portion du pouvoir à d’autres citoyens, appelé représentant ayant pour mission d’orienter de définir la gestion d’un État au nom de tous.

Cette réalité met en concert le fonctionnement d’un système politique démocratique. L’intérêt du peuple se définit alors dans le choix d’un dirigeant. Le choix d’un dirigeant va alors dans la logique de porter ses besoins, ses attentes et/ou mieux ses desiderata. En ce sens, l’intérêt du peuple est facteur d’un bon dirigeant, car, celui qui porte ses besoins et qui répond religieusement à ses attentes.

Alors que l’intérêt du peuple est de porter un bon choix, l’élu lui a un intérêt de répondre valablement aux attentes de la population.

En dépit de ce caractère qui définit même le sens de la gestion d’un État démocratique, il s’observe cependant, une désillusion du peuple au regard des travaux, des décisions et des actes pris par leurs représentants. Cette désillusion se manifeste par le fait que l’intérêt objectif pour lequel le peuple établi le représentant soit déraillé et dérouté. La majorité pour ne pas dire tous, se lance donc dans les décisions allant dans le sens de ses intérêts sans pourtant se référer aux besoins du peuple.

  1. Claude Lefort., La politique comme mise en scène et mise en sens, « la question de la démocratie », Essais sur le

politique. XIXè – XXè siècle, paris, Seuil, 1986, p.20

Dans les démocraties actuelles, il s’observe une convergence entre les intérêts de la majorité au pouvoir et de l’opposition. En ce qui concerne, l’intérêt des dirigeants, les décisions venues de deux camps politiques, opposition et majorité paraissent majoritairement unanimes. Le peuple, souverain primaire, se voit écarter du bénéfice provenant des décisions politiques. Les représentants, politiciens, se mettent souvent d’accord lorsqu’il s’agit de revisiter leurs droits et avantages. Le plus souvent, bien que l’opposition peut quitter les assises qui empiètent les besoins ou désidérata du peuple, le principe de la majorité en sort victorieux. Dans cette même logique d’intérêts égoïstes, certains députés font du chantage à l’endroit de certains membres du gouvernement ou du premier ministre par des motions de défiance ou de censure lorsque leurs demandes n’ont pas trouvé satisfaction auprès de ces derniers.

À titre illustratif, nous pouvons scruter deux lois diamétralement opposées quant à leur finalité, à savoir la loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de la République de la République Démocratique du Congo élus, ainsi que les anciens membres des corps constitués13. Cette loi accorde, aux anciens présidents élus, une pension spéciale mensuelle ainsi qu’une allocation annuelle, lesquelles, doivent permettre aux anciens chefs d’Etat congolais de continuer à toucher au moins 50 % de leurs revenus. Elle prévoit aussi une assurance soins de santé, des gardes du corps et titres de voyage. Les anciens présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ont droit, selon la loi, à une indemnité mensuelle, une indemnité de logement, une garde policière de six éléments, des passeports diplomatiques et titres des voyages. Lorsqu’on fait une projection, sur les futurs Présidents de la République et les Chefs des corps constitués, elle constituera une charge aux finances publiques, alors que le pays fait face à divers défis.

II.                  Des pistes de solutions

Face au particularisme égoïste des parlementaires à faire plier les propositions de loi vers la seule satisfaction de leur volonté, cette étude propose deux possibilités dont la création des lobbyings parlementaires pour améliorer les lois, et le renforcement du contrôle parlementaire.

A.     Les lobbyings parlementaires pour améliorer les lois au parlement

Il peut y arriver qu’en leur majeure partie, les lois qui sont votées dans le pays ne tiennent pas compte des attentes de la population. A ce jour, les choses ayant évolué, cette population peut elle-même jouer sa partition par la contribution de lois qui tiennent compte de ses intérêts. La population peut aussi s’organiser à faire des lobbyings au parlement. Les lobbyistes apportent des recommandations proches du terrain, permettent l’application des politiques et des nouvelles législations afin d’aboutir à des décisions publiques, (lois, décrets, édits, programme…), mieux applicables, car, davantage conformes aux réalités, contraintes, opportunités14.

Le lobbying, bien qu’il soit l’expérience vécue généralement ailleurs, permet le rapprochement des acteurs publics et privés. Il anime une concertation permanente. Il assure une association tout au long des procédures de la décision politique : dès le début de la réflexion, pendant l’élaboration, lors des débats sur la formulation, après la décision pour sa mise en œuvre. C’est une noble illustration de la démocratie vivante15. L’initiative de loi de Noël Tshiani portée par l’Honorable Nsingi Pululu par exemple est un lobbying parlementaire. Il en est de même de l’initiative de G-13 sur la loi électorale en vigueur de feu l’honorable Henry- Thomas Lokondo.

  1. Loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de la République démocratique du Congo élus, ainsi que les anciens membres de corps constitués
  2. Ferdinand Kapanga., Comment faire le lobbying parlementaire, éd, Ciedos, Kinshasa, 2012, p.13.
  3. Ferdinand Kapanga, Idem, 2012. .

La FEC (Fédération des Entreprises du Congo) peut jouer le même rôle dans le choix de lois en matière économique et fiscale. Il en est le cas du budget participatif. Et les pétitions sont toujours envisageables.

B. Contrôle citoyen

La vigilance de l’opinion publique est indispensable pour lutter contre les déraillements des initiatives de loi. La solution du problème de l’égoïsme, l’égocentrisme doit passer par la participation, le contrôle des citoyens lors de la prise des décisions. Cela est une expression de la démocratie. La diffusion des connaissances et la prise des consciences concernant l’élaboration et le vote d’une loi doivent intéressées le peuple.

Si possible, le parlement doit informer et former son personnel et les citoyens sur les méthodes, les techniques, l’élaboration d’une loi dans l’optique de voir les citoyens contribuer activement à l’amélioration de l’action publique. Ces informations peuvent être diffusées par l’intermédiaire des conférences de presse, des programmes d’éducation des citoyens et de cours d’instruction civique dans les établissements scolaires et universitaires.

Les partis politiques doivent être formés et former leurs militants, car, ils doivent diffuser et faire connaître leurs programmes. Les partis peuvent contribuer à équilibrer la protection de l’intégrité du travail parlementaire en veillant à ce que les représentants assortis de leurs obédiences politiques s’engagent à répondre aux besoins des idéologies qui incarnent l’intérêt général.

Les médias doivent être informés et formés, pour bien diffuser les informations relatives aux travaux parlementaires. Ils doivent jouer un rôle d’interférence entre le public et le bureau du parlement lors de l’élaboration et vote d’une proposition des lois. Ils doivent aussi remplir plusieurs fonctions susceptibles d’influencer le travail parlementaire et l’action publique.

L’éducation citoyenne peut grandement contribuer à la responsabilité politique. Les programmes en la matière diffusent des informations nuancées et objectives sur ce que le parlement doit traiter et les réactions y afférentes des citoyens.

L’instauration d’une culture de participation directe est une composante essentielle de la promotion et de la protection démocratiques. C’est pourquoi, dans de nombreuses démocraties, l’éducation civique débute dès l’école primaire. Elle prépare ainsi les élèves à comprendre le rôle qu’ils pourront jouer dans la démocratie lorsqu’ils seront en mesure de voter. Sans éducation appropriée, il peut s’avérer difficile d’éliminer les abus des politiques. Il y l’achat de conscience, la manipulation politique, le clientélisme, le népotisme, le tribalisme, la kleptocratie surtout dans les pays où le taux de chômage est élevé, les revenus faibles et où il existe des problèmes de sécurité.

Un bon programme d’éducation est nécessaire car, il informerait les citoyens de leurs droits, des modalités d’exercice de ces droits et du fonctionnement du système. Il devrait également expliquer les effets de la corruption et de la nécessité de l’intégrité dans l’administration publique.

Conclusion

La constitution de la République Démocratique du Congo dans son article 5 dispose, ainsi qu’on l’a rappelé ci-haut : « La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par de voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants ». L’action publique qui répond aux attentes de la population est l’œuvre d’un réel démocratique. Atteindre des finalités claires et nettes, performantes et cohérentes à travers les propositions de loi semble être un souci dans la jeune démocratie en République démocratique du Congo.

Par ailleurs, dans le fonctionnement du pouvoir en République démocratique du Congo, les finalités politiques misent plus à répondre aux besoins des politiciens, des représentants qu’aux besoins du peuple. Il va dans le sens de dire que la majorité des propositions de loi votées par le parlement congolais sont théoriques et sans impact réel. Il s’observe que le parlement vote des lois qui engagent plus leur profit sans tenir compte des besoins du peuple souverain. À ce titre, quelques solutions préconisées sont à prendre avec considération non seulement pour permettre une proposition de loi efficace mais aussi empêcher que celle-ci soit à la portée d’un représentant du peuple.

Par Danilo Kibatondo Mayamba*

Résumé

On ne saurait confirmer l’existence de la transparence dans la gestion du gouvernement sans l’obligation de rendre compte de l’effectivité de ses actions publiques. Or, cette exigence constitutionnelle nécessite l’attitude rationnelle et la lucidité de la part des gouvernants et des élus du peuple pour produire réellement le résultat escompté. A cet effet, les résultats des élections de 2018 qui ont offert au pays sa toute première alternance démocratique au sommet de l’Etat et la nouvelle configuration du parlement avant d’être reconfiguré au cours de cette même législature en décembre 2020, nous ont permis d’observer, dans un œil épistémologique, l’ampleur du contrôle parlementaire sous le gouvernement Ilunga Ilunkamba et Sama Lokende I, qui constitue l’objet de cette étude.

Ce qui est tout à fait normal ! Puisque, la constitution de 18 février 2006 dans son article 100, telle que modifiée en ce jour, stipule : le pouvoir législatif assure le contrôle de l’action du gouvernement par les mécanismes parlementaires, dans l’objectif de renforcer l’efficacité dans la gestion des biens publics et éviter des conséquences éventuelles sinon, prévoir des scénarii possibles. Mais, malheureusement, la mégestion s’accroit et les conditions de vie de la population demeurent déplorables. C’est ainsi que nous voulons démontrer ici sans aucune prétention négative que, ce paradoxe est lié au comportement irresponsable d’acteurs politiques qui constituent un réseau et laboratoire politique visant les intérêts égoïstes pour déstabiliser l’appareil étatique. D’où, la restructuration mentale, la requalification du système politique et la reprogrammation fonctionnelle des institutions de la République s’avèrent impérieuses.

Mots clés : Contrôle parlementaire, Parlement, Gouvernement

Summary

We connot confirm the existence of transparency in the management of government without,the obligation to report on the effectiveness of its public actions. However, this constitutional requirement requires a national attitude and lucidty on the part of those who govern and those elected by the people to actually produce the expected result. To this end, the results of the 2018 elections which offered the country its very first democratic alternation at the top of the state and the new configuration of the parliament before being reconfigured during this sanne legislature in december 2020, allowed us to observe in one eye epistemological the extent of parliamentary control under the Ilunga Ilunkamba and Sama Lokonde I government, which constitutes the subject of this study. This is completly normal ! Since the constitution of February 18, 2006 in its article 100, as amended on this day, stipulates : the legislative power ensures the control of government action through parliamentary mechanisms, with the objective of strengthening efficiency in management public goods and avoid possible consequences otherwise, plan possible scenarii. But unfortunately, mismanagement is increasing and the living conditions of the population remain deplorable. This is how we want to demonstrate here without any negative pretentions that this paradox is linked to the responsible behavior of political actors who constitute a network and political laboratory targeting selfish interests to destabilize the-state apparatus.

Hence, the mental restructuring the requalification, of the political system and the functional

repogramming of the institutions of the Republic proves imperative.

Keywords : Parliamentary control, Parliament, Government.

Introduction

La surabondance des travaux sur le contrôle parlementaire dans le monde en général et en Afrique en particulier, plus précisément en République Démocratique du Congo, ne nous laisse pas persuader combien ce thème examiné dont chacun aborde dans les différents angles, s’avère important pour la gestion transparente et la bonne gouvernance d’un pays. Cela s’aperçoit par quelques cas illustratifs pertinents, tels que : Louis M. et Rich Stapenhurst, sur le contrôle parlementaire des finances publiques dans la Francophonie 2019, où cherchent à décrire et comprendre les institutions de contrôle budgétaire que l’on trouve dans les parlements des pays de Francophone.

De même pour Éric Thiers qui, dans son ouvrage sur le contrôle parlementaire et ses limites juridiques : un pouvoir presque sans entraves 2010, conclut après avoir analysé que les activités du contrôle peuvent se déployer au parlement dans un espace de liberté. Pour aller plus loin, Francis Akindès et Victor Topanou, dans leur étude sur le contrôle parlementaire de l’action gouvernementale en République du Bénin : Une lecture sociologique focalisée sur la République du Bénin, dont les résultats de leur étude de cas, révèlent que le contrôle se fait sur une démocratie rétablie dans une Afrique francophone encore marquée, au plan politique, par un passé colonial récent et toujours en proie à la définition de ses propres normes de démocratisation. Enfin, Paulin Punga dans son article intitulé : pallier les limites du contrôle parlementaire en RDC par l’évaluation des politiques publiques 2022 où il reconnait que le contrôle parlementaire tel qu’il est pratiqué en République Démocratique du Congo connait des limites ou des lacunes qu’il importe de combler par la technique de l’évaluation des politiques publiques. Il ne s’agirait pas de le supprimer, mais de le parfaire, de le rendre efficient par les méthodes de l’évaluation des politiques publiques1.

Par ailleurs, tout exercice du contrôle parlementaire dans une société ne symbolise non seulement pas la transparence de gestion publique mais aussi, justifie la défaillance de l’appareil étatique lorsqu’il est caractérisé par l’irrationalité. Par contre, un contrôle parlementaire exercé consciencieusement et rationnellement, renforce l’efficacité de l’État et favorise la bonne gouvernance. Il serait donc un non-sens que les mandataires du peuple puissent s’ériger en obstacles à la promotion du contrôle parlementaire.2 En effet, le contrôle parlementaire,

« représente un volet important de la gestion moderne de tout Etat, en ce qu’il constitue l’un des dispositifs institutionnels permettant de garantir la gouvernance et la mise en œuvre de la redevabilité »3. Depuis l’avènement de la démocratie, le contrôle parlementaire s’avère non seulement un outil indispensable dans le rapport entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif des Etats modernes, mais aussi et surtout signe de liberté.

Dans le contexte de la République Démocratique du Congo, le contrôle parlementaire s’aperçoit et s’applique dans plusieurs actions des gouvernements connus pour l’objectif de rendre effectif la transparence et la bonne gouvernance des biens et services de la population congolaise.

  1. Paulin Punga., pallier les limites du contrôle parlementaire en RDC par l’évaluation des politiques publiques, éd IDGPA, 2022, p. 26.
  2. Il a été démontré malheureusement que dans plusieurs études que les gouvernants congolais n’ont jamais accepté de se soumettre au contrôle parlementaire. Lire dans ce sens Imbambo-La-Nganya, Le contrôle parlementaire sur l’activité gouvernementale en République Démocratique du Congo depuis le 30 juin 1960 jusqu’à nos jours, Thèse de doctorat, Faculté de droit, Université de Kinshasa.
  3. Kumasamba Olom, J.B., Pratique du contrôle parlementaire des finances publique à l’Assemblée nationale de la RDC

1960-2016. Regard d’un praticien, Médiaspaul, Kinshasa, 2027, p.14.

Malheureusement, il s’avère que cette pratique censée susciter la performance des institutions et améliorer les conditions de vie du souverain primaire, accuse les abus et présente un visage défavorable. Cet état de choses peut être justifié par le fait que le comportement et attitude des acteurs politiques influent sur la conception rationnelle de la gestion étatique. Or, si l’élite politique elle-même est en incapacité de respecter le paradigme gouvernemental et défendre l’immense potentialité de ressources naturelles qui regorgent le pays, à combien plus forte raison que la population sera en mesure de les protéger et en tirer profit commun, puisque le principe de la redevabilité serait bafoué par les représentants du peuple et gouvernants qui privilégient leurs intérêts égoïstes.

Paradoxalement, l’ampleur du contrôle parlementaire observé pendant la période du gouvernement Ilunga Ilunkamba et Sama Lokonde I, qui est sous examen dans cette étude, révèle l’insatisfaction de la population congolaise et les conditions de vie demeurent inchangées. Par conséquent, cet exercice parlementaire est devenu d’une part, l’affaire d’arrangement entre contrôleurs et contrôlés et d’autre part, l’enjeu et stratégie des acteurs pour les intérêts divergents, malgré quelques cas concrets d’interpellations, de question orale et débat ou sans débat observés dans le gouvernement précités. Voilà le moment fort qui nous permet de détecter ou démontrer non seulement l’efficacité et inefficacité de contrôle parlementaire pendant cette période historique, mais aussi et surtout, d’évaluer son résultat dans le but d’améliorer les conditions de vie sociale de la population congolaise.

Eu égard à ce qui précède, nous voulons savoir : Quels sont les résultats auxquels ont abouti les contrôles parlementaires sous les régimes des Gouvernements Ilunga Ilunkamba et Sama Lukonde ? Dans la mesure où ceux-ci ont été efficaces, qu’est-ce qui expliquerait ou justifierait que les libertés fondamentales et les conditions sociales de la population ne soient toujours pas améliorées ?

Pour appréhender l’impact de contrôle parlementaire aux attentes de la population congolaise, notre réflexion s’appuie sur l’approche stratégique de Crozier M. et Freiberg E. qui consiste à analyser les organisations. Dans le contexte de notre réflexion, les gouvernants et les élus du peuple sont des « acteurs principaux » dans un vaste champ du rapport entre le gouvernement et le parlement. Dans ce même vaste champ, on découvre que tous ces acteurs politiques sont à la recherche de leurs intérêts égoïstes ou personnels face aux enjeux et jeu du pouvoir au détriment de l’intérêt général. C’est pourquoi, le contrôle parlementaire demeure inefficace en République Démocratique du Congo. A côté de cette méthode, nous avons joint les techniques : d’observation directe, interview libre et technique documentaire qui nous ont facilitées la collecte de données.

Concrètement, notre démarche dans la récolte de données a débuté suite à notre lettre du 6 octobre 2023 relative à la demande d’accès aux archives de l’Assemblée nationale adressée au Secrétaire Général de ladite l’Assemblée, qui nous a répondu favorablement par sa lettre d’autorisation d’accès n°030/AN/SG/JNK/BDC/MAJA/2023.4 Cette autorisation nous a permis de consulter les documents tels que : Règlement Intérieur de l’Assemblée, suivi du procès-verbal n°074 du 26-04-20215 ( Examen et approbation du programme du gouvernement suivis de son investiture), procès-verbal n°131 du 30-3-20226 ( Audition de la question orale avec débat de l’honorable Kayembe Ilunga Jean Pierre adressée à Monsieur le Vice-Premier ministre, Ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières et examen et vote de la motion de défiance contre le Ministre de l’Economie nationale,

  • Secrétariat général de l’Assemblée nationale, Autorisation d’accès n°030/AN/SG/JNK/BDC/MAJA/2023.
  • Procès-verbal n°074 du 26-04-2021.
  • Procès-verbal : n°131 du 30-3-2022.

Monsieur Kalumba Yuma Jean Marie), procès-verbal n°163 du 19-10-20227 ( Examen et motion de défiance contre le Ministre des Transports, Voies de communication et Désenclavement, Monsieur Okende Senga Chérubin) et enfin, procès-verbal n°194 du 05-04-20238(Interpellation du Directeur de la Société Nationale d’Electricité (SNEL SA) par l’honorable Bukasa Ngoy Prosper. A cette occasion, nous avons interviewé quelques personnalités politiques et administratives qui nous ont fourni les données nécessaires pour rédiger cet article, singulièrement : Cholette Tshomba Rapporteur du bureau de l’Assemblée nationale, François Nzekuye, député national de l’opposition, Monsieur Gilbert Adamaro, Directeur de la direction de séances plénières à l’Assemblé nationale et autres personnages importantes de l’arène politique congolaise.

Outre l’introduction et la conclusion, cette étude se répartit en quatre points : le premier aborde les éléments de vocabulaire, le deuxième met l’accent sur le fondement du contrôle en RDC, le troisième s’articule autour d’une brève historique du contrôle parlementaire en RDC et enfin, le quatrième fait l’évaluation de l’action parlementaire en RDC sous le régime de Félix Tshisekedi.

I. Aspects conceptuels de l’étude et fondement théorique du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo

Parcourant la documentation existante, « Manning et Stapenhurst notent que les Assemblées législatives remplissent trois fonctions importantes. D’abord, elles élaborent les politiques et adoptent les lois. C’est la fonction de législation. Ensuite, elles représentent les citoyens et favorisent l’expression de la société civile et des groupements d’entreprise dans le processus collectif de prise de décision en collaboration avec le gouvernement. C’est la fonction de représentation. Enfin, elles surveillent et contrôle l’action du gouvernement en ce qui concerne la mise en œuvre des politiques avec, notamment, la capacité d’exiger une reddition de comptes. Pour faire bref, c’est la fonction de contrôle9 qui constitue la vaine de cette dissertation.

Parlons des éléments de vocabulaire. Nous faisons allusions essentiellement aux manuscrits existants sur le contrôle parlementaire et décrire, laconiquement, les concepts y relatifs. De plus, un accent particulier sur la fonction et mécanismes du contrôle parlementaire. Ces éléments, servent le repère théorique de cet article.

A. Clarification des concepts

Dans l’essence de cet article, la compréhension de quelques concepts clés est évidente avant d’entrer dans le vif du sujet. En effet, par le lexique des assemblées politiques délibérantes, Aubin Minaku et François Bokona, nous renseignent que « le contrôle parlementaire est l’une de deux fonctions parlementaires pour assurer la bonne application de la Constitution, des lois et des règlements, et une bonne gouvernance »10. En pratique, le contrôle parlementaire c’est

« l’analyse, le suivi et le contrôle de l’action du Gouvernement et des organismes publics, y compris la mise en œuvre des politiques et de la législation ». Cette définition se concentre sur l’objectif et la nature des activités de contrôle, plutôt que sur leurs modalités. Elle couvre les travaux des commissions parlementaires et des séances plénières, ainsi que les auditions tenues pendant la phase parlementaire des projets de loi et du cycle budgétaire. Parlons du gouvernement. Il est définit comme branche de l’Etat qui a pour fonction de mettre en

  • Procès-verbal n°163 du 19-10-2022.
  • Procès-verbal n°194 du 05-04-2023.
  • Manning et Stapenhurt, cité : par Louis M. Imbeau Rick Stapenhurst., Contrôle parlementaire des finances publiques

dans la Francophonie, éd, Pul presses de l’Université Laval, 2019, p.5.

  1. Aubin Minaku et François Bokona., Le lexique des assemblées politiques délibérantes, éd. Académia-L’Harmattan, 2013, p.46.

œuvre les lois adoptées par les pouvoir législatif. Sans le pouvoir exécutif, les lois ne seraient que des vœux.

L’exécutif dispose également des pouvoirs discrétionnaires importants : décisions précises directement par le gouvernement sans le consentement spécifique du parlement. Ces pouvoirs de l’exécutif sont évidemment nécessaires dans une situation de crise ou d’urgence qui oblige une action rapide11. De quoi parle-t-on quand on évoque la République ? La réponse devrait être simple. Pourtant, elle ne l’est pas, du moins pas dans notre pays. Il existe certes une définition classique, celle de Jean-Jack Rousseau, éclairante, mais elle est large : « J’appelle donc République tout Etat régi par des lois : car, alors seulement l’intérêt public gouverne et la chose publique est chose de tous.12 En français, sur le plan du signifiant, le Parlement apparait comme le lieu où l’on parle et où l’on met. Une tribune des promesses où les paroles sont libres mais où elles s’envolent. On ne voudra pour preuve le peu d’intérêt que suscite (hors de cercles de chercheurs), le journal officiel des débats parlementaires qui est pourtant la seule

« preuve »de la démocratie.13

  1. Sortes du contrôle parlementaire

Au sens large, le contrôle parlementaire s’étend sur plusieurs aspects singulièrement :

  • Le contrôle interne ou autocontrôle : qui consiste à autocontrôler, conformément à l’article 100 de la constitution relatif à l’autonomie administrative et financière que les assemblées disposent. Bref, il s’agit du contrôle interne du budget propre de l’Assemblée parlementaire, appelé : dotation, par le parlementaire ;
  • Le contrôle spécifique de l’exécution du budget : qui présente la sensibilité dans la gestion des affaires de l’Etat à travers la gestion des ressources publiques suscitant beaucoup d’intérêts en même temps qu’elle peut conduire à plusieurs faits répréhensibles. C’est pour cette raison ce contrôle mérité une attention particulière ;
  • Le contrôle externe ou strict : qui s’applique au gouvernement, les entreprises publiques,

les établissements et les services publics. Pour l’exercer, le parlementaire recourt aux moyens ou outils conformément à l’article 138 de la constitution. De manière brève, il s’agit de : question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote ; question d’actualité ; interpellation ; commission d’enquête ; audition par les commissions. Il est important de préciser que dans cet article, c’est le troisième et dernier type du contrôle parlementaire est étudié14.

  • Les moyens du contrôle parlementaire

Les moyens du contrôle de l’Assemblée nationale sur le gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et les services publics en RDC se présentent de manière suivante :

  • L’interpellation : qui est une demande d’explication adressée au gouvernement ou à ses membres, aux gestionnaires des entreprises publiques, des établissements et des services les invitent à ses justifier, selon les cas, sur l’exercice de leur autorité ou sur la gestion d’une entreprise publique, d’un établissement ou d’un service public. Elle peut être initiée à tout moment de la session ordinaire15 ;
  1. Isabelle Lacroix., Perspective monde, outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945, éd, Québec

canada, 2023, p. 1.

  1. Jean Picq., La république, la force d’une idée, éd, sciences politiques, les presses, 2021, p 9.
  2. Odon Vallet., Le mot parlement, éd : mots, n°19, juin 1989. Batailles de mots autour de 1900, 1989, pp.97-98.
  3. David Byaza Sanda, L. le rôle des commissions dans le contrôle parlementaire, Libreville, 2011, p.1.
  4. Article 191 et 192 du règlement Intérieur de l’assemblée nationale, Journal officiel de la RDC, Kinshasa, numéro

spécial, 25 octobre 2019.

  • La commission d’enquête : a pour objet de recueillir les éléments d’informations les plus complets sur des faits déterminés dont l’Assemblée nationale n’est pas ou est insuffisamment échouée et de soumettre ses conclusions à l’Assemblée plénière. Elle peut aussi être chargée d’examiner la gestion administrative, financière et technique du gouvernement, d’une entreprise publique, d’un établissement ou d’un service public16.

B. Fondement du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo

L’histoire parlementaire de la République Démocratique du Congo, commence après l’accession du pays l’indépendance le 30 juin 1960. Tous les textes qui ont eu à régir le pays depuis 1960 avaient prévu différents mécanismes de contrôle parlementaire. Le contrôle parlementaire en République démocratique du Congo connait un revers historique. Plusieurs évolutions se sont observées au cours des différentes législatures.

Déjà, la République démocratique du Congo a connu un changement des régimes ayant influencé les systèmes de gestion du pays. Dès son indépendance à nos jours, chaque législature a connu une réalité sur le contrôle parlementaire et s’en a adapté selon la réalité politique. Quelques illustrations sont mises en évidence pour permettre l’appréhension sur l’évolution de contrôle parlementaire en République démocratique du Congo.

Sous la première législature, du 1960 à 1965, loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo aux termes de son article 15 de la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, le pouvoir législatif s’exerçait collectivement au niveau central par le chef de l’Etat, la chambre des représentants et le sénat. À l’article 16 chacune de ces branches possédait un droit d’initiative. À en croire, le contrôle parlementaire proprment dit par voie d’interpellations, d’enquêtes et de questions n’existait presque pas. Il se caractérisait plus par la désignation de l’exécutif qu’à celui de la mise en jeu de la responsabilité ministérielle à travers diverses motions.

Sous la deuxième législature, du 1965 à 1970, la constitution du 1er août 1964 à son article 144, une évolution de mécanisme du contrôle parlementaire se fait observer. Cette responsabilité était accordée au président de la république. Par une ordonnance-loi N°66 /92 bis du 7 mars 1966, en son article 1, le président de la République s’est attribué le pouvoir législatif. Et En son article 2, celui-ci les transmettait au Parlement à titre d’information.

En effet, sous la deuxième République, le contrôle parlementaire n’avait toujours pas de contour formel. Quelques pratiques se sont identifiées sans impact réel. Sous la deuxième législature de 1975 à 1977, la constitution n°74/20 du15 aout 1974 a purement et simplement ignoré le contrôle parlementaire en fait et en droit. Cumulant tous les pouvoirs, le chef de l’Etat ne pouvait diriger sans contrôle (pouvoir législatif) contre lui-même (pouvoir exécutif).

Sous la troisième législature de 1977 à 1982, la constitution 78-010 du 191fevrier 1978 a renait le contrôle parlementaire et devient plus lisible ; effectivement exercé par les commissaires du peuple (députés) de l’époque. En vertu de son article 84, le conseil législatif disposait du pouvoir de contrôle sur le conseil exécutif, le conseil judiciaire et les services publics de l’Etat.

Sous la quatrième législature de 1982 à 1990, il s’est observé la conservation de la constitution de la législature précédente. Sous la cinquième législature de 1987 à 1990, le rôle du parlement, étant toujours réduit, était toujours marqué par le contexte monolithique.

  1. Constitution du 18 février 2006, article 200, 2016.
  1. Fondement juridique

Il s’agit de répondre à la question de la légalité de droit. Au préalable, le contrôle parlementaire doit être « saisi par le droit » : « le droit constitutionnel, fruit d’un effort multiséculaire des gouvernés qui tend à endiguer la politique, puis à enfermer, pour l’essentiel, les gouvernants dans un statut juridique »17. L’étreinte juridique se révèle être à cet effet, la marque et l’antidote du contrôle parlementaire : l’Etat de droit. En effet, la constitution de la République Démocratique du Congo en vigueur institue un parlement bicaméral composé de l’Assemblée Nationale (chambre de représentants du peuple) et du Sénat (chambre des représentants des provinces). En son article 100 alinéa 2, elle dispose : « le Parlement vote les lois. Il contrôle le gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et services publics. En plus, cette disposition constitutionnelle, la consécration du contrôle parlementaire est déterminée par les articles 90 alinéas 4 et 5 ; 91, alinéa 5 ainsi que 146, alinéa 1er de la même Constitution ayant trait à l’engagement de la responsabilité du gouvernement de la République devant l’Assemblée nationale. Il convient de parler aussi de l’article 146 alinéas 2 et 3 de la constitution du 18 février 2006 relatif à l’adoption par l’Assemblée nationale du programme ou de la politique générale du gouvernement.18 Le règlement intérieur martèle sur l’organisation et fonctionnement de l’Assemblée nationale ou provinciale conformément aux dispositions de la Constitution et des lois de la République. Il détermine les droits et les devoirs des parlementaires. Il s’applique aux parlementaires, au personnel politique administratif et technique de l’Assemblée nationale ou provinciale selon le cas »19.

  • Fondement sociologique

Avant d’être un phénomène juridique, le contrôle parlementaire est d’abord un phénomène sociologique. Aucune société ne peut tolérer une situation de vie défavorable de sa population et la mauvaise gestion de ses biens et services. C’est dans cette optique que la démocratie représentative nous révèle le principe de la redevabilité des élus envers le souverain primaire, comme fondement sociologique du contrôle parlementaire. Cependant, cette redevabilité est soumise à un certain nombre des mécanismes de régulation règlementaire (textes) et morale (conscience) que chaque élu doit respecter pour répondre effectivement aux désidératas de la population.

  1. Évaluation du contrôle parlementaire sous le gouvernement Ilunga Ilunkamba

et Sama I

Certes, le parlement exerce un contrôle sur le gouvernement en posant des questions orales, écrites et d’actualité aux ministres et aux hauts fonctionnaires de l’Etat. C’est dans ce sens qu’il est prévu aussi des interpellations des membres du Gouvernement sur les questions relatives à la vie de la nation. Pour y procéder, la conférence des Présidents des Chambres fixe la date des deux séances réservées aux questions orales et les ministres sont tenus de répondre en séance plénière ou individuellement par écrit au parlementaire.

En cas de non satisfaction du parlementaire, la question orale ou écrite peut faire l’objet d’une interpellation. En effet, après avoir parlé des éléments des vocabulaires et bref historique du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo, nous allons évaluer le contrôle et l’action parlementaire en RDC sous le régime de Félix Tshisekedi, plus précisément le gouvernement Ilunkamba et Sama Lokonde I.

  1. Jacques Djoli Eseng’Ekeli., Droit constitutionnelle, principes fondamentaux ; Tombe 1, éd, Djes, Kinshasa, 2O16, p. 74.
  2. Article 146 alinéas 2 et 3 de la Constitution du 18 février 2006.
  3. Richard Kakesa Malundangu, le contrôle parlementaire comme vecteur de bonne gouvernance des finances publiques, outils de lutte contre l’impunité et d’adhésion populaire du citoyen à l’impôt en république démocratique du Congo, éd ISSR 2017, p.4.


A.     Gouvernement ILUNGA ILUNKAMBA

D’aucun ignore le contexte par lequel le gouvernement Ilunga Ilunkamba a été formé. A titre de rappel, c’était après les résultats du troisième cycle électoral organisé le 30 décembre 2018 qui a offert au pays sa toute première alternance démocratique marquée notamment par la passation pacifique du pouvoir, le 24 janvier 2019 au sommet de l’Etat et la nouvelle configuration du parlement composé à la majorité des élus de la famille politique du président de la République sortant et à la minorité de ceux de la famille politique du Président de la République entrant. En effet, c’est suite à cette réalité politique que les deux hautes personnalités politiques de la République s’étaient convenues de mettre en place un gouvernement en vertu de « l’accord FCC-CACH », « dirigé par Ilunga Ilunkamba, qui a élaboré et partiellement exécuté, dans les deux premières années du quinquennat présidentiel, un programme articulé autour de quinze piliers, repris en quatre grands secteurs d’activités à savoir : le secteur Politique, défense et sécurité ; le secteur Economie et finances ; le secteur Reconstruction ainsi que le secteur Social et culturel pour l’intérêt de la nation congolaise »20.

Fort malheureusement, ce programme d’actions n’a pas été achevé à cause de la rupture de la coalition qui est intervenue au cours de cette même année. La majorité parlementaire a été reconfigurée en faveur du président entrant et cela a donné lieu à la formation du nouveau gouvernement dont nous allons analyser le comportement des membres dans les pages qui suivent.

  1. Actions parlementaires exercées au gouvernement Ilunga Ilunkamba

Bien que consacré au contrôle parlementaire, cet article veut aussi prendre en compte l’aspect des actions parlementaires puisque celles-ci englobent le contrôle parlementaire et va au-delà de la dimension juridique. Pour montrer les points distinctifs, nous allons présenter, tour à tour, les actions parlementaires et le contrôle parlementaire.

Sous la présidence de Jeanine Mabunda et Alexis Tambwe Mwamba

Respectivement président (e) de l’Assemblée nationale et Président du Sénat, Jeanine Mabunda et Tambwe Mwamba, ont mené quelques actions parlementaires que personne ne peut ignorer. En effet, dans son caractère politique, les actions parlementaires ont été posées sur le plan interne et externe en vue d’impacter le vécu quotidien de la population congolaise.

Acet effet, après l’investiture du gouvernement Ilunga Ilunkamba, la République Démocratique du Congo a été confrontée à la pandémie de COVID 19 comme d’ailleurs d’autres pays du monde l’ont subi.

Cet événement a bouleversé l’économie mondiale, en particulier celle de la RDC. Pour en faire face, les représentants du peuple ont mené les actions parlementaires qui dépassent même le caractère juridique du contrôle parlementaire dans la constitution de 18 février 2006, pour appuyer le programme du gouvernement qui semblait pataugé dans ce contexte difficile de pandémie ci-évoquée. Parmi les actions en caractère politique et sociale, nous citons :

  • L’intervention immédiate des chambres parlementaires conformément à l’article 144 de la constitution après l’ordonnance n°20/014 du 24 mars 2020 portant proclamation de l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de COVID-1921 ;
  • L’ouverture de la session extraordinaire convoquée conformément à l’article 116, lorsque l’Assemblée et le Sénat n’étaient pas en session ordinaire;
  • Ilunga Ilunkamba, Programme du gouvernement, 2019, p.3.
  • Ordonnance n°20/014 du 24 mars 2020 portant proclamation de l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de COVID-19.
  • L’autorisation de la prorogation de l’état d’urgence et la suspension à tout moment par l’Assemblée nationale et le Sénat pendant une périodes successives de quinze jours » ;
  • La participation du parlement congolais aux rencontres d’expertises internationales en vue d’améliorer son fonctionnement et soutenir le programme du gouvernement ;
  • L’élaboration des lois relatives aux contextes du moment ;
  • Contrôle parlementaire exercé au gouvernement Ilunkamba

Bien que prévu aux textes et lois du pays, le contrôle parlementaire dans cette période n’avait pas une forte intensité à cause de la coalition Front Commun pour le Congo (FCC) et Cap pour le changement (CACH) qui avait permis aux deux plates-formes politiques de former un gouvernement de coalition dont le Premier ministre et la majorité des ministres appartenaient à la majorité parlementaire. Néanmoins, nous avons prévu quelques cas saillants d’interpellations, questions écrites, orales et débats ont été signalés au cours de sessions ordinaires ou extraordinaires.

Sous la présidence de Jeanine Mabunda et Alexis Tambwe Mwamba

Elue le 24 avril 2019 présidente du bureau définitif de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, a promis de placer son mandat sur le domaine législatif, le contrôle parlementaire, la diplomatie parlementaire et le réexamen du social des députés nationaux. Elle l’a dit dans son discours d’investiture prononcé après son élection, je cite : « Notre travail sera axé sur le domaine législatif, sur le contrôle parlementaire, sur le réexamen du social des députés et sur la diplomatie parlementaire. Je voudrais aussi attirer votre attention sur les priorités de la présente session à savoir la mise en place des autres organes de l’Assemblée nationale et l’approbation du programme du gouvernement suivi de son investiture. Votre bureau va engager des consultations en vue de la mise en place des autres organes prévus par notre règlement intérieur notamment les commissions permanentes, les groupes parlementaires, le comité de sage ».22

Concrètement le contrôle parlementaire était réalisé en cette période pendant les sessions ordinaires dans la chambre basse (Assemblée Nationale) et haute (Sénat) du parlement congolais. Parmi les Ministres interpellés, nous citons le Ministre de la Santé, Eteni Longondo, entendu à la commission Socioculturelle de la chambre basse du Parlement le lundi 15 juin 2020 pour rencontrer les préoccupations des élus membres de ladite commission. Cette dernière l’a auditionné pendant plus de 5 heures du temps autour des différentes questions sanitaires, notamment la gestion de la pandémie de Coronavirus. De son côté, le Ministre a fait savoir aux parlementaires la dificulté à laquelle son ministère était buté dans la gestion de la pandémie liée notamment à la psychose et l’information qui s’étaient s’observés dans les chefs de la population. Suivant l’interpellation d’Azarias Ruberwa, Ministre d’Etat en charge de la décentralisation et des réformes institutionnelles.

À cet effet, il lui était reproché de l’installation oficielle de Gad Mukiza comme bourgmestre de la commune rurale de Minembwe dans le Sud Kivu, déclenchant une polémique autour du statut de cette entité et de la légalité même de cette installation. Nous pouvons ajouter encore la question orale avec débat du sénateur Jean Bakomito Gambu au Premier Ministre Ilunga Ilunkamba sur la gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie du COVID-19 ainsi que les conséquences socioéconomiques qui en découlent.

parlementaires, Consulté le 13/10/2023. 00h00.

À titre illustratif, voici quelques interpellations et questions orales et débats de manière :

Tableau N°1

SessionAuteurObjetDestinataire
  1Session ordinaire juin 2020Hon. Juvénal Munubo et autres élusLa mauvaise gestion de la pandémie coronavirusMinistre de la Santé Eteni Longondo
    2    Session ordinaire 19 octobre 2020    Hon. Muhindo Nzangil’installation officielle de Gad Mukiza comme bourgmestre de la commune rurale de Minembwe dans le Sud Kivu  Ministre d’Etat en charge de la décentralisation et des réformes institutionnelles, Azarias Ruberwa
      3    Session ordinaire Mai 2020  Sénateur Jean Bakomito GambuLa gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie du COVID-19 ainsi que les conséquences socioéconomiques qui en découlent.    Premier Ministre Iunga Ilunkamba

Source : secrétariat général de l’Assemblée nationale, direction séances plénières 2023.

B.      Gouvernement SAMA LUKONDE I

Le vote de décembre 2020 de l’Assemblée nationale de la République démocratique du Congo a entrainé non seulement la destitution de sa présidente, Jeanine Mabunda, alliée de l’ancien président Joseph Kabila, mais aussi a suscité une lueur d’espoir dans le CACH qui voilait avoir stratégiquement la possession de toutes les institutions de la République et gouverner le pays en toute liberté. C’est dans un contexte politique morose que cet événement est intervenir pour écarter et effacer la mainmise de son prédécesseur sur les institutions de la République. L’éviction de la présidente de la « chambre basse » du parlement fait suite à des mois de consultation entre les membres de la coalition du Président Félix Tshisekedi, les députés de l’opposition et ceux, réceptifs, du Front commun pour le Congo (FCC). Ce qui a indiqué qu’une voie vers la réforme suite au remplacement, en février 2021, du Premier ministre Sylvestre Ilunga, par Sama Lokonde Kyenge, membre de l’Union sacrée.23

  1. Actions parlementaires exercées au gouvernement Sama I
Sous la présidence de Mboso N’kodia Mpwanga

Dès son accession à la présidence de l’Assemblée Nationale, Mboso N’kodia Mpwanga avait promis aux élus du peuple d’avoir redoré l’image de l’Assemblée Nationale digne de son nom, mettant en application les textes et règlement qui régissent le parlement.

En cette période, le parlement congolais avait mené plusieurs actions parlementaires en vue de susciter toujours le gouvernement à matérialiser son programme de société, en posant les actions incitatives pour l’intérêt de la nation congolaise, notamment : l’autorisation de prorogation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et Nord Kivu en RDC et tant d’autres actions humanitaires posées par les présidents des deux chambres du Parlement afin de soutenir la politique de la nation.

  • Contrôle parlementaire exercé au gouvernement Sama Lokonde I

Il est évident que le parlement contrôle le gouvernement conformément à la constitution du 18 février 2006 et au règlement intérieur. Ainsi, nous allons présenter, tant soit peu, essentiellement les contrôles parlementaires réalisés sous la présidence de Christophe Mboso, président de l’Assemblée Nationale.

Sous la présidence de Christophe Mboso N’kodia Mpwanga

Au cours de la session ordinaire de septembre 2022, l’Assemblée Nationale a effectivement effectué le contrôle parlementaire. D’ailleurs, le président de l’Assemblée nationale avait rappelé aux députés nationaux, la mission qui leur est confiée lors de son discours d’ouverture de la session parlementaire de septembre 2022 en leur disant, je cite : « Au cours de chacune de nos sessions parlementaires, nos compatriotes attendent de leurs élus, l’exercice du contrôle parlementaire de la gestion des affaires publiques, avec responsabilité et dévouement, afin de veiller à l’amélioration de leur vécu quotidien. » Ces propos témoignaient, quand même, la volonté de l’Assemblée nationale d’encourager les députés à mieux jouer leur rôle de contrôle parlementaire. En effet, ce discours motivateur est l’une des raisons qui nous motive à chercher à savoir l’impact de contrôle parlementaire dans la vie de congolais.

Mathématiquement, sur 500 députés qui composent l’Assemblée Nationale, 12 élus seulement ont déposé un moyen de contrôle ou d’informations au bureau de l’Assemblée nationale durant l’année 2022. Parmi ceux-ci, nous citons : une seule femme, Christelle Vuanga, élue de la Funa, à Kinshasa. Les neuf autres moyens ont été déposés par les députés de l’Union Sacrée de la Nation (USN), majoritaires à l’Assemblée nationale. Il convient toutefois de nuancer que cinq de ces initiatives de la coalition au pouvoir proviennent des élus membres des groupes parlementaires pro-Moïse Katumbi. En clair, ces 12 députés ont déposé 13 moyens de contrôle et d’information, dont 12 adressés aux membres du gouvernement central contre un à l’attention du mandataire public. On y compte 11 moyens d’informations, dont huit questions orales avec débat et trois questions écrites dont une transformée plus tard en interpellation d’une part et, d’autre part, deux moyens de contrôle, à l’occurrence une autre interpellation et une motion de défiance. Ce qui présente un rendement faible. En effet, déjà lors de cette session parlementaire, Daniel Aselo était visé par le contrôle parlementaire. Le vice- Premier ministre de l’Intérieur, Affaires coutumières et Décentralisation, a en effet, fait l’objet de deux questions orales avec débat, d’une question écrite et d’une interpellation. Ensuite, l’interpellation de Chérubin Okende, ministre des Transport et Voies de communication et vote contre sa déchéance. Cependant, celle-ci n’avait pas abouti. En plus, il y avait Christophe Lutundula, vice-Premier ministre des Affaires étrangères, à qui deux questions orales avec débat ont été adressées, l’une autour de la problématique de l’embargo de l’achat d’armes et de procédures de notification et l’autre sur le rapport diplomatique entre la République Démocratique du Congo et la Chine.

En termes des travaux des députés en commission, les résultats ne sont pas non plus remarquables. Nous énumérons seulement sept auditions en commission qui ont été tenues : Gilbert Kabanda, ministre de la Défense, auditionné devant la commission Défense et sécurité

; Christian Mwando, ministre du Plan, et Jacques Lutaladio, directeur général de l’Institut national pour l’étude et la recherche agronomique (Inera), entendus par la commission de l’environnement ; Nicolas Kazadi, ministre des finances, devant la commission économique, financière et contrôle budgétaire (Écofin) ; Rose Mutombo, ministre de la Justice, et Tony Mwaba, ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, auprès de la commission droits humains et Augustin Kibasa, ministre des Postes Télécommunications,

Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (PTNIC) à la commission Aménagement du territoire, infrastructures et nouvelles technologies de l’information et de la communication.

À titre d’échantillon, voici la manière dont quelques interpellations, questions orales et débats se présentent :

Tableau N°2

Session et dateAuteurObjetDestinataire
    1    Session ordinaire, septembre 2022    Hon. Crispin MBINDULEReproché de la mauvaise gestion liée à la mauvaise conduite, l’importation des poissons chinchards, hausse des prix et le non-respect de tarif.  Ministre de l’Economie Jean Marie KALUMBA
      2      Session ordinaire 2022      Groupe d’HonorablesReproché d’être incompétent, l’amateurisme, le manque de vision dans son secteur ou soit l’intrusion dans la gestion des entreprises publiques sous sa tutelle.Ministre des Postes Télécommunications, Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (PTNIC), Augustin KIBASA
      3    Session ordinaire 2022    Hon. Guy MAFUTA KABONGOReproché d’abord de la problématique de l’embargo de l’achat d’armes et de procédures de notification ensuite, les rapports diplomatiques entre RDC et la Chine.  Vice-Premier Ministre en charge des affaires étrangères, Christophe LUTUNDULA
    4    Session ordinaire 2022    Plus de 60 députésReproché de la mauvaise gestion qui a été visé par une question orale et, surtout, par une motion de défiance.Ministre des Transport et Voies de communication, Chérubin OKENDE

Source : Source : Secrétariat général de l’Assemblée nationale, Direction séances plénières 2023.

C.      Objectifs et analyse des contrôles parlementaires réalisés en RDC

Le contrôle parlementaire est l’une des missions dévolues au Parlement à l’instar de la fonction législative. Il est le vecteur de bonne gouvernance et un outil de lutte contre l’impunité. D’une manière pratique, ce contrôle concourt à élever l’efficacité et l’efficience dans la gestion des affaires publiques ainsi qu’à limiter le gaspillage des ressources publiques. Pour être efficace et atteindre cet objectif, sa mission exige une information permanente, riche, diversifiée et proche de l’actualité dans un environnement politique rationnel et du respect de droit. Ainsi, les contrôles parlementaires réalisés en RDC comme nous venons de les présenter précédemment, consistes à renforcer le fonctionnement de l’appareil étatique pour l’amélioration de conditions de vie de la population congolaise.

  1. Sur le plan juridique

Au regard des textes et règlements régularisant la pratique du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo depuis 1960 à nos jours, nous pouvons affirmer son existence effective à travers les constitutions de trois premières Républiques et lois y afférentes selon le contexte des régimes politiques connus au pays. En effet, malgré son influence politique et une dose de caractère personnel d’une manière à une autre, le contrôle parlementaire a été quand même défini dans les formes des organisations politiques au Congo.

Sous le Gouvernement Ilunkamba et Sama Lokonde en République Démocratique du Congo, les résultats auxquels ont abouti les contrôles parlementaires sur le plan juridique est positif puisque la constitution de la République et le règlement Intérieur de l’Assemblée nationale et celui du Sénat ont prévu son effectivité telle que nous l’avons démontré précédemment. Mais, il se pose juste la question de liberté des élus porteurs de moyens du contrôle et le respect des normes et procédures dans son applicabilité. En plus, les mesures des sanctions prévues pour infliger aux mauvais gestionnaires des biens et services de l’Etat après avoir confirmé les griefs qui leur sont reprochées au cours des séances plénières, semblent être moins efficaces surtout lors du contexte de la coalition FCC-CACH. Néanmoins, sous la formule d’Union sacrée, nous avons pu constater la « destitution du Ministre de l’Economie Nationale, Jean Marie Kalumba Yuma, lors d’une séance plénière à l’Assemblée nationale dont 277 députés ont voté pour sa déchéance, 79 ont voté contre et 12 se sont abstenus sur 368 députés présents, indiquait le Rapporteur de l’Assemblée nationale ».24 Cette sanction est la première dans l’histoire des contrôles parlementaires de la République Démocratique du Congo. Pour chuter à ce niveau, le nombre du contrôle parlementaire est moins élevé dans cette législature 2018- 2023 qui touche à sa fin.

  • Sur le plan politique

Le contrôle est devenu l’enjeu des acteurs politiques congolais. En effet, au cours de ces deux périodes du gouvernement Ilunkamba et Sama I, nous avons constaté ce que nous pouvons appeler : « nouvelle méthodologie opératoire » pour la confiscation de l’intérêt général et règlement de compte. Ce mode opératoire est l’œuvre d’une catégorie des dirigeants politiques en relation étroite avec les représentants du peuple dans le contexte du combat politique. Lors de la session précédente, celle de 2022, il semblerait que 26 moyens de contrôle parlementaire avaient été déposés au bureau de l’Assemblée Nationale, mais cinq seulement avaient été examinés par la chambre basse du Parlement. Cela nous pousse à dire, si la session en cours n’a pas encore enregistré autant de moyens de contrôle parlementaire, il n’en reste pas moins que les initiatives déposées ne sont pas non plus toujours examinées en plénière : seulement une motion de défiance a abouti. Pour les autres, sur huit questions orales avec débat et deux interpellations, aucune suite à ce jour. Cet état de choses révèle d’une part la marge de manœuvre stratégique et l’influence qu’un groupe d’animateurs peut avoir pour bloquer les initiatives de contrôle parlementaire afin d’épargner certains gestionnaires membres de leurs camps ou famille politique de la motion de défiance et régler le compte aux gestionnaires ciblés. Or, cette attitude d’interaction de force musclée en lieu et place d’interaction des idées rationnelles ne favorise pas la bonne gouvernance au pays.

  • Sur le plan social

D’aucuns ignorent que le contrôle parlementaire a comme finalité d’améliorer le vécu quotidien. Si dans les pays développés cet exercice constitutionnel a abouti aux résultats efficaces et probants, en République Démocratique du Congo, cela est encore loin d’être effective. En effet, les deux moments du Gouvernement Ilunkamba et Sama Lokonde I nous pousse à conclure, après observation, que le contrôle parlementaire n’a pas fonctionné convenablement au regard des résultats produits qui n’ont eu aucun impact sur le plan social. En principe, tous les contrôles réalisés devraient redonnés le nouveau souffle de vie aux institutions, tel est le cas des résultats produits par l’Inspection Générale de Finance (IGF) dans ses attributions visant à renforcer l’efficacité de l’appareil étatique. Malheureusement, les conditions de vie de la population demeurent, de plus en plus, préoccupantes et critiques à cause des intérêts égoïstes de gouvernants au détriment du souverain primaire. D’ailleurs, ces faits sont remarquables par le train de vie ou l’opulence dans laquelle vivent les gestionnaires et élus du peuple, qui ne se soucient pas de la situation du peuple qui, du reste, est catastrophique.

Par conséquent, on observe la multiplicité des phénomènes sociaux sur toute l’étendue de la République, à travers, d’un côté, les actes de barbarie tels que le banditisme et la criminalité, la violence, le vol, l’insécurité urbaine (communément appelée Kuluna), etc. pour manifester l’insatisfaction et frustration du peuple qui réclame changement et droits et de l’autre côté, les facteurs conjoncturels tels que la mobilité et la mortalité de la population abandonnée à son triste sort. Ainsi, l’on peut donc comprendre, sur le plan social, la place de l’aboutissement du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo.

Conclusion

En définitif, cette étude consistait à détecter et évaluer l’effectivité du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo, sous un regard épistémologique sur le Gouvernement Ilunga Ilunkamba et Sama Lokonde I. De ce fait, les rapports évidents entre le Gouvernement et le parlement constituent la pierre angulaire de cette évaluation.

Après l’analyse profonde du fondement juridique, sociologique et historique du contrôle parlementaire en République démocratique du Congo, il s’avère que son impact sur le plan social n’est pas palpable. Bien que la Constitution de 18 Février 2006 ait doté des mécanismes clairs et nets du le contrôle parlementaire, avec ses points forts et faiblesses, elle a du mal à impacter sur la gestion de l’État.

Au sujet de contrôle et ce qui n’est pas faux, Vital Bubu Tandema25 fait un constat palpitant en ce qui concerne le Président de la République : « Le programme du gouvernement reste le sien. Le choix du premier ministre et même des ministres relèvent de ses propres calculs. Le contrôle parlementaire ne se conçoit alors que comme une manipulation présidentielle pour tester son entourage et distraire l’opinion, car, in fine, c’est son mot d’ordre qui triomphe. Tout se joue en fonction de sa volonté. Tantôt l’exercice est accepté pour débarrasser d’un collaborateur encombrant ».

Tout compte fait, l’analyse nous a fait savoir que ce résultat est lié au comportement de l’élite politique avec participation indirecte de l’élite intellectuelle et la population en général. Pour y remédier, la requalification mentale est évidente. Dans le contexte de cette analyse, l’approche stratégique nous a été utile pour détecter le comportement des acteurs et évaluer l’impact du contrôle parlementaire en République Démocratique du Congo.

À cet effet, nous recommandons donc à :

  • L’élite intellectuelle

L’élite intellectuelle a une grande responsabilité dans le pays du fait qu’elle a un rôle d’éclairer la société en dénonçant le mal. Hélas ! elle ne s’intéresse pas à la politique qu’elle considère cynique au regard de la connotation péjorative que revêt ce métier au Congo au risque justement d’être salie ou de connaître la mort, la politique étant jugée d’un terrain glissant. Cependant, la situation de la population reste précaire. Sa partition dans la politique du pays s’avère indispensable.

  • La population

En termes de responsabilité, la population est impliquée ou a une part de responsabilité dans la destruction du pays dans la mesure où, elle élit elle-même ses représentants sans tenir compte du profil, de l’éthique et du projet de société du candidat. En plus, le fait pour elle de confirmer la réélection d’un député suppose qu’elle accepte ses conditions de vie, ce qui constitue en quelque sorte une haute trahison de la nation. La prise de conscience par celle-ci est déjà solution aux problèmes du pays, du moins, dans cet angle de la gouvernance parlementaire.

  • Vital Budu Tandema, « Majorité parlementaire et contrôle du gouvernement dans le système politique congolais Contribution à la relecture du principe de séparation des pouvoirs », in Analyses Sociales, LASK, Kinshasa, 2022, p.39.

Par Prince-Bernard Mudianji Nkashama*

Résumé

Les motions contre les gouvernements provinciaux sont devenues un fléau inquiétant en République Démocratique du Congo. Elles sont souvent initiées et adoptées irrégulièrement, occasionnant ainsi la violation des droits constitutionnellement garantis, en l’occurrence les droits de la défense. Cette situation récurrente déstabilise les institutions provinciales. La Cour constitutionnelle saisie pour inconstitutionnalité de ces actes d’Assemblées, intervient, pour la plupart des cas examinés, en les annulant, et réhabilitant, par voie de conséquence, les autorités déchues, comme le démontre sa jurisprudence en la matière.

Mots-clés : motion, Assemblée provinciale, Cour constitutionnelle, Gouvernement provincial.

Abstract

Motions against provincial governments have become a worrying scourage in the Democratic Republic of Congo. They are often initiated and adopted irregulary, thus causing the violation of constitutionally guaranteed rights, in this case the rights of the defense. This recurring situation destabilizes provincial institutions. The constitutional Court, seized of unconstitutionality of these acts of assemblies, intervenes by annuling them, and consequently rehabilitating the deposed authorities, as demonstrated by its jurisprudence in the matter.

Keywords : motion, Provincial Assembly, Constitutional Court, Government pronvicial.

Introduction

L’article 197, alinéa 1er de la Constitution de la République Démocratique du Congo reconnaît notamment aux Assemblées provinciales un pouvoir de contrôle sur le Gouvernement provincial. Si les modalités de ce contrôle sont précisées dans la loi sur la libre administration des provinces et complétées par les règlements intérieurs de ces organes délibérants provinciaux, l’insatisfaction des initiateurs dudit contrôle peut justifier le vote d’une motion de censure ou de défiance contre le gouverneur de province ou les autres membres de son gouvernement (article 198 alinéa 8 de la constitution). Le constituant encadre les conditions de recevabilité desdites motions en ses articles 146 alinéas 2 à 3 et 147 en prévoyant par exemple que l’initiative doit réunir un nombre suffisant des signatures avant sa soumission au vote. Celui- ci ne peut avoir lieu que 48 h après le dépôt de la motion dont l’effectivité est subordonnée à son adoption à une majorité absolue des députés constituant l’organe délibérant. Pour sa part, l’article 147 renchérit qu’aussitôt déchu, le gouverneur dispose de 24h pour déposer sa démission au Président de la République. Cette exigence est rarement respectée.

En dépit du fait que la déchéance peut s’effectuer dans l’irrespect de la Constitution, celle-ci ne prévoit pas explicitement la possibilité d’une saisine du juge constitutionnel à l’effet de censurer l’éventuelle irrégularité. C’est ainsi que la Cour constitutionnelle s’est reconnue cette compétence à travers une interprétation large de la notion d’acte législatif dans l’affaire Trésor Kapuku Ngoy en 2007(N°R CONST 51/TSR du 31 juillet 2007). Depuis lors, l’application de l’article 147 précité semble ineffective toutes les fois que la personne déchue, saisit la Cour pour lui faire constater l’inconstitutionnalité ayant entaché son éviction, quitte à obtenir par la suite, sa réhabilitation.

Ces motions sont également dirigées contre des membres des bureaux des assemblées provinciales aux fins de leur destitution. Leur recevabilité est prévue par les différents règlements intérieurs des organes délibérants au point que le contentieux constitutionnel congolais s’est étendu au contrôle de cette autre catégorie d’actes d’assemblées parlementaires provinciales. En termes de proportion, le greffe de cette Cour classe le contentieux de ces matières en deuxième place, juste après les matières électorales.

L’abondance de ce contentieux et son actualité dans les assemblées provinciales justifient l’intérêt d’une analyse sur ce qui caractérise le traitement de ces questions devant cette Cour. Celle-ci annule la majorité de ces motions, ce qui postule l’idée selon laquelle ces dernières sont rarement muries par leurs auteurs qui, d’évidence, instrumentalisent la procédure de leur initiative et adoption. Il en est ainsi lorsque la sollicitation par les autorités mises en cause d’un délai précis pour présenter leurs moyens de défense se heurte au refus des pétitionnaires, ce qui viole le principe constitutionnel relatif au respect des droits de la défense. Pire encore, certaines motions ont été annulées puisqu’elles ont été initiées par une personne n’ayant pas la qualité de député ou ré-initiées à la suite d’une assemblée plénière au cours de la même session parlementaire.

Eu égard à ce qui précède, la question qui mérite d’être posée est celle de savoir: « comment la Cour constitutionnelle exerce-t-elle sa compétence vis-à-vis des motions d’Assemblées provinciales » ? A cet effet, pour atteindre les résultats attendus, l’on fera recours à la méthode juridique précisément dans ses deux déclinaisons, à savoir : la dogmatique et la casuistique. Si la première nous aidera à interpréter les textes en vigueur, la seconde facilitera l’interprétation de la jurisprudence. La méthode doctrinale intervient également pour nous aider à analyser la doctrine qui fait autorité sur notre question d’étude.

En ce sens, cette étude est structurée de manière que le premier point apporte la lumière en cernant les concepts et théories de la thématique (I), et le second questionne la face cachée des motions initiées et adoptées (II).

I.        Aspects conceptuels et théoriques

Dans la présente partie, il sera question d’abord, d’étayer les différentes notions en présence afin d’avoir une compréhension commune des concepts opérationnels (A), ensuite, de relever quelques études des classiques qui ont abordé des thématiques théoriquement parallèles à celle-ci (B), enfin, de jeter un regard sur la répétition des motions d’Assemblées provinciales irrégulières (C).

A.     Définition des concepts opérationnels

Afin d’appréhender harmonieusement ce thème, les concepts ci-après doivent faire l’objet d’une explication préliminaire. Il s’agit de la Cour constitutionnelle, de l’Assemblée provinciale, de la motion et du Gouvernement provincial.

  1. La Cour constitutionnelle

Selon le modèle défini par Kelsen, la justice constitutionnelle suppose l’existence d’une juridiction distincte du système judiciaire ordinaire, caractérisée par une composition et des procédures différentes et habilitée à s’assurer de la constitutionnalité des normes adoptées par le parlement pour, le cas échéant, annuler celles d’entre elles qui ne seraient pas conformes à la Constitution. La création d’une juridiction dotée du pouvoir d’annuler des lois inconstitutionnelles permet ainsi de préserver le principe de la subordination de tous les pouvoirs à la loi, tout en garantissant la conformité de la loi à la Constitution.1

1 Antonio La Pergola, « Le rôle de la Cour constitutionnelle dans la consolidation d’un Etat de droit », in Science and technic of democracy, n°10, Bucarest, pp.21-22

La Cour constitutionnelle désigne une juridiction chargée du respect de la Constitution, qui contrôle particulièrement la constitutionnalité des lois et veille au respect des droits fondamentaux.2

Les Cours constitutionnelles sont des juridictions créées pour connaitre spécialement et exclusivement du contentieux constitutionnel et situées hors de l’appareil juridictionnel ordinaire, et indépendant de celui-ci comme pouvoirs publics.3

  • Assemblée provinciale

L’Assemblée provinciale est l’organe délibérant de la province. Elle délibère dans le domaine des compétences réservées à la province et contrôle le Gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux et locaux. Elle légifère par voie d’édit.

Ses membres sont appelés députés provinciaux. Ils sont élus au suffrage universel direct et

secret ou cooptés pour un mandat de cinq ans renouvelable.4

  • Motion

Une motion est un Acte d’une assemblée dont l’objet concerne le déroulement de la procédure (motion de renvoi en commission) ou s’adresse à un destinataire extérieur (motion de censure). Les motions se distinguent des résolutions en ce qu’elles sont directement soumises au vote sans faire préalablement l’objet d’une proposition renvoyée en commission et rapportée.5

  • Le Gouvernement provincial

Le Gouvernement provincial est composé d’un Gouverneur, d’un Vice-gouverneur et des ministres provinciaux. Le Gouverneur et le Vice-gouverneur sont élus pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois par les députés provinciaux au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale. Ils sont investis par ordonnance du Président de la République. Les ministres provinciaux sont désignés par le Gouverneur au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale. La composition du Gouvernement provincial tient compte de la représentativité provinciale. Le nombre de ministres provinciaux ne peut dépasser dix.6

B.      Aspect théorique de l’étude

Précisons qu’un thème sur « la problématique autour des motions des Assemblées provinciales devant la Cour constitutionnelle : Défis et perspectives » n’est pas nouveau. Il convient d’extraire le contenu de quelques œuvres des multiples études pour pouvoir démontrer la particularité innovante de la présente étude.

Ainsi, dans sa thèse traitant « du contentieux constitutionnel en RDC : contribution à l’étude des fondements et des modalités d’exercice de la justice constitutionnel », le Professeur Dieudonné Kaluba Dibwa fait une analyse des fondements théoriques et des modalités pratiques de l’exercice de la justice venant à la suite de la question théorique du constitutionnalisme. En effet, de manière pragmatique, il s’est agi tout au long de son travail de voir ce qui est fondamentalement congolais dans le contentieux tel qu’il est organisé par le droit positif.7

  • S. Guinchard et T. Debard, Lexique des termes juridiques, 23ème éd, Dalloz, 2015, p.299
  • M. Villiers et A. Divellec, Dictionnaire du Droit constitutionnel, Sirey éditions, 7ème édition, Dalloz, 2009, p.99
  • Article 197 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant modification des certaines dispositions de la Constitution de la RDC du 18 février 2006, n°spécial, 52ème année
  • Pierre Avril et Jean Gicquel, Lexique de Droit constitutionnel, 4ème éd, PUF, Paris, p.97
  • Article 198 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée
  • Dieudonné Kaluba Dibwa. 2009. Du contentieux constitutionnel en RDC : contribution à l’étude des fondements et des modalités d’exercice de la justice constitutionnelle, Thèse de Doctorat, Université de Kinshasa, p.474

De son côté, le Professeur Balingene Kahombo, dans son article portant sur « L’originalité de la Cour constitutionnelle congolaise : son organisation et ses compétences », démontre qu’il existe désormais une actio popularis directement recevable devant la Cour constitutionnelle. Ceci conforte la protection des droits fondamentaux dans un pays post-conflit, en quête de l’État de droit.8

Abordant la question relative au régime politique des provinces et instabilité des gouvernements provinciaux, Nsolotshi Malangu soutient que la solution efficace peut provenir de la réforme de la procédure de vote de motions de censure et de défiance en conditionnant les effets de ce vote à une ordonnance de destitution prise par le Président de la République dans un bref délai, faute de quoi, le vote doit être de nul effet.9

En somme, la revue littéraire ci-dessus dévoile que la problématique autour des motions d’Assemblées provinciales devant la Cour constitutionnelle est transversale. En effet, l’analyse des questions soulevées par la jurisprudence de la Haute Cour caractérise l’originalité de la présente étude.

C.      La récurrence des motions irrégulièrement initiées et de celles irrégulièrement

adoptées

Partant d’un constat généralement fait sur la répétition des motions ne respectant aucune condition de fond et de forme, il serait pertinent d’aborder le point relatif aux moyens de contrôle de l’organe délibérant de la province sur l’exécutif provincial avant d’aborder celui concernant le processus d’initiative et d’adoption d’une motion contre le gouvernement provincial ou ses membres afin de mieux cerner les irrégularités qui s’en observent à travers un panorama illustratif.

  1. Les moyens de contrôle de l’Assemblée provinciale sur le Gouvernement provincial

Fortes de leur légitimité élective, les Assemblées entendent incarner seules la nation. Elles revendiquent ainsi à la fois un pouvoir de direction et de contrôle.10 Ce pouvoir peut être défini, au sens juridique, comme un ensemble des missions visant à exercer une influence sur l’action du Gouvernement.11

À cet effet, le contrôle parlementaire consiste en un ensemble des procédés et moyens légaux reconnus aux parlementaires afin d’analyser, surveiller, discuter et vérifier l’activité gouvernementale, dans le but de se rassurer que celle-ci est efficace, efficiente et adaptée aux desiderata de la population. L’objectif dudit contrôle est de promouvoir l’efficacité et l’efficience dans la gestion des affaires publiques, de réunir des éléments déterminants susceptibles d’entrainer des sanctions éventuelles.

Ce contrôle vise également à prévenir ou contenir tout excès de la part du pouvoir exécutif. Il permet de garantir la démocratie et l’équilibre des pouvoirs. C’est ainsi qu’à travers ce contrôle, l’Assemblée vérifie l’accomplissement de la Constitution et des lois de la République, vérifie leur ajustement au programme de la majorité parlementaire, amène le Gouvernement à rectifier ses orientations si une déviation est constatée.

  • Balingene Kahombo. 2014, « L’originalité de la Cour constitutionnelle congolaise : son organisation et ses compétences »,

KAS African Law Study Library, vol.1, 2014, pp.24-25

  • Nsolotshi Malangu, Régime politique des provinces et instabilité des gouvernements provinciaux : faut-il supprimer les Assemblées provinciales ou reformer leur pouvoir de vote de motion de censure ou de défiance ? https://www. jurisconsultes-rdc.net
  • Louis Favoreu, Patrick Gaïa, Richard Ghevontian, Jean Louis Mestre et Ali, Droit constitutionnel, 21ème édition, Dalloz, Paris, 2019, p.326
  • Rym Fassi-Fihri, « Pour une classification des missions de contrôle gouvernemental du parlement », RFDC, n°117, 2019, p.75.

Cependant, l’activité de contrôle ne se limite pas seulement à ces trois aspects. Elle implique une perspective d’influence sur l’activité gouvernementale, car il ne s’agit pas d’une simple activité de vérification, mais des critiques passibles des sanctions politiques.12

La réalisation ou l’efficacité du contrôle parlementaire sur l’action du Gouvernement est l’essence même de la démocratie parlementaire. Ce contrôle sur le Gouvernement comporte un droit à l’information indispensable, non seulement pour le travail législatif en l’occurrence dans le domaine de l’élaboration du budget, mais aussi pour l’utilisation de la modalité du contrôle la plus absolue : la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement.13

En conséquence, parmi tant d’autres moyens de contrôles de de l’Assemblée provinciale sur le Gouvernement, on peut retenir l’interpellation et la commission d’enquête.

L’interpellation, c’est une mise en demeure adressée au Gouvernement, l’invitant à s’expliquer sur l’exercice de son autorité. Elle est liée au dépôt d’une motion de censure et met donc nécessairement et explicitement en cause la responsabilité du Gouvernement.14 Elle est l’instrument essentiel du contrôle parlementaire. Au fond, elle n’est pas différente de la question car, comme elle, c’est une procédure par laquelle un parlementaire demande au Gouvernement d’expliquer sa conduite. Seulement, dans sa forme et dans ses résultats, elle est beaucoup plus importante que la question.15

Elle ouvre un débat en séance publique au cours de laquelle les parlementaires demandent des explications au membre du Gouvernement sur un aspect important de la politique ou de l’action gouvernementale. D’abord, le Gouvernement est obligé de répondre. Ensuite, l’interpellation donne lieu à des débats auxquels tous les parlementaires peuvent participer, l’interpellateur lui-même bénéficiant droit de parler plus longtemps que les députés qui interviennent seulement dans les discussions.

Enfin, l’interpellation se termine par un vote par lequel l’Assemblée précise son attitude à

l’égard du Gouvernement ou de son membre concerné.16

  • La responsabilité du Gouvernement provincial devant l’Assemblée provinciale : Modalités d’initiative et d’adoption d’une motion

L’article 146 de la Constitution prévoit deux procédures qui correspondent à des hypothèses

différentes :

  • le Gouvernement engage sa responsabilité;
    • les députés prennent l’initiative de censurer le Gouvernement (motion de censure ordinaire) ou d’ un membre du Gouvernement (motion de défiance).

Si le Gouvernement est évincé, les conséquences qui en résultent sont les mêmes, quelle qu’ait été la procédure utilisée.

La mise en jeu de la responsabilité à l’initiative du Gouvernement sur des orientations de politique générale

Cette procédure est la plus originale. L’initiative appartient au Gouvernement. D’après l’article 41 alinéa 1er de la loi sur la libre administration des provinces : « Le Gouverneur de province peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement sur son programme, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote d’un texte ».

  1. Kayamba Tshitshi Ndouba, Agonie et fin de la Première République du Congo-Kinshasa, L’Harmattan, Paris, 2018, p.101
  2. Félix Vunduawe Te Pemako, Traité de droit administratif, édition Afrique, Larcier, Kinshasa, 2007, p.707.
  3. Pierre Avril et Jacques Gicquel, op.cit., p.77
  4. Francis Harmon et Michel Troper, op.cit., p.357
  5. Francis Harmon et Michel Troper, op.cit., p.357

On se bornera à rappeler ici que, bien qu’il y ait eu de vives controverses à ce sujet, il paraît aujourd’hui acquis que cette option est toujours facultative pour le Gouverneur de province. Celui-ci peut en faire application soit tout de suite après la formation du Gouvernement (engagement de responsabilité sur un programme), soit plus tard (engagement de responsabilité sur une déclaration de politique générale). Mais, il peut également s’en abstenir. En pratique, ses choix sont évidemment influencés par la composition politique de l’Assemblée : si son gouvernement ne dispose pas du soutien de la majorité absolue des députés, il vaut mieux éviter cette procédure qui l’exposerait au risque d’être renversé par un vote à la majorité relative.

Si une motion de censure est déposée, deux hypothèses se présentent : ou bien la motion de censure est adoptée et, dans ce cas, le Gouvernement est renversé et son projet passe à la trappe, ou bien elle est rejetée et, dans ce cas, non seulement le Gouvernement se maintient, mais son projet est également considéré comme adopté alors qu’il n’a pas été voté, ni même discuté.

La motion de censure et motion de défiance

A la différence de la précédente, l’article 41 alinéas 2 de la loi précitée17 organise une procédure permettant aux députés de prendre eux-mêmes l’initiative de mettre en jeu la responsabilité du Gouvernement ou d’un membre de celui-ci. Mais elle est encadrée par un ensemble de conditions restrictives, inspirées par un souci de rationalisation du parlementarisme et tendant à limiter les risques qu’elle pourrait présenter pour un gouvernement qui ne serait pas appuyé par une large majorité. Ces conditions concernent la recevabilité de la motion, le déroulement de la procédure et les modalités du scrutin.

  • La recevabilité des motions

Elle est subordonnée à une condition. Le dépôt d’une motion de censure ou de défiance est constaté par la remise, par ses signataires, au Président de l’Assemblée provinciale d’un document intitulé « motion de censure » ou « motion de défiance ». La motion de censure contre le Gouvernement doit être signée par un quart des membres composant l’Assemblée, tandis que celle de défiance, contre un membre du Gouvernement, doit être signée par un dixième des membres composant ladite Assemblée.

  • Le déroulement de la procédure

Un délai minimum de 48 heures est prévu entre le dépôt de la motion et le vote de l’Assemblée18. Ce délai est nécessaire pour donner aux députés le temps de réfléchir et pour permettre au membre du Gouvernement visé de préparer ses moyens de défense et éviter que le Gouvernement ne soit renversé par surprise.19

Le Gouvernement provincial ou le membre de celui-ci visé par la motion doit être notifié de la tenue de la séance plénière de débat et vote pour lui permettre d’exercer son droit de la défense qui est prévu aux articles 19 alinéa 3 et 61 point 5 de la Constitution.

  1. Article 41 alinéa 2 de la loi sur la libre administration des provinces : « L’Assemblée provinciale met en cause la responsabilité du Gouvernement provincial ou d’un membre du Gouvernement provincial par le vote d’une motion de censure ou de défiance. La motion de censure contre le Gouvernement provincial n’est recevable que si elle est signée par un quart des membres de l’Assemblée provinciale. La motion de défiance contre un membre du Gouvernement provincial n’est recevable que si elle est signée par un dixième des membres de l’Assemblée provinciale ».
  2. Article 146 alinéa de la Constitution et article 41 alinéa 3 de la loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces
  3. Francis Harmon et Michel Troper, op.cit., p.358

Comme nous le verrons loin, la violation de ce droit dans plusieurs affaires ayant concerné les gouvernements provinciaux ou leurs membres a entrainé l’annulation par la Cour constitutionnelle des motions de déchéance adoptées par les Assemblées provinciales.

  • Les modalités du scrutin

Le nombre des députés présents à la séance plénière de débat et vote, doit atteindre le quorum prévu pour siéger en matière de décision, conformément au Règlement intérieur de l’Assemblée et le vote interviendra après le débat.

Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure ou de défiance qui ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée provinciale. Si la motion de censure ou de défiance est rejetée, ses signataires ne peuvent en proposer une nouvelle au cours de la même session.20

L’expression : « seuls les votes favorables à la motion de censure ou de défiance sont recensés

» qui, en apparence n’est que procédurale, a en réalité une importance décisive. En effet, les députés absents, et ceux qui ne prennent pas part au vote, ne sont pas décomptés séparément de ceux qui apportent leur soutien actif au Gouvernement. Ils sont donc présumés favorables au Gouvernement.

S’il existe une majorité relative hostile au Gouvernement, elle n’apparaîtra pas. Il ne faut évidemment pas confondre la signature et le vote. Un député est toujours libre de voter une motion de censure, même s’il n’en a pas pris l’initiative. Aucune limitation n’est prévue à cet égard.21

L’acte d’adoption de la motion (procès-verbal) doit être rédigé et signé conformément au Règlement intérieur de l’Assemblée provinciale. Celui-ci doit être signé, après amendement, par le Président et le Rapporteur.

  • Panorama de la récurrence des motions irrégulières des Assemblées provinciales

Depuis 2007, plusieurs requêtes ont été initiées devant la Cour Suprême de Justice siégeant en matière constitutionnelle et plus tard devant la Cour Constitutionnelle telle que prévue par la Constitution et concrétisée à travers la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Dans bon nombre de ces requêtes, il était demandé à la Haute Cour de contrôler la constitutionnalité des motions initiées et adoptées par certaines Assemblées provinciales contre les gouvernements provinciaux ou leurs membres. Ci-dessous, le tableau panoramique des cas enregistrés de 2007 à ce jour :

Numéro de l’affaireRequérant/provinceObjet de la requêteSuite réservée
  R.Const. 51/TSR du 31 juillet 2007Gouverneur Trésor KAPUKU/Kasaï OccidentalRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale du Kasai Occidental  Recevable et fondée
  R.Const. 062/TSR du 26 décembre 2007Gouverneur Célestin CIBALONZA BYATERANA/Sud- KivuRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu  Recevable et fondée
  • Article 146 alinéa 3 de la Constitution et l’article 41 de la loi sur la libre administration des provinces
  • Francis Harmon et Michel Troper, op.cit., p.358
  R.Const. 078/TSR du 04 mai 2009Gouverneur José MAKILA SUMANDA/EquateurRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de l’Equateur  Recevable et fondée
  R.Const. 103/TSR du 7 juin 2010Vice-gouverneur Pierre MASUDI MENDE/ManiemaRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de Maniema  Recevable et fondée
  R.Const. 152/TSR du 27 avril 2011Gouverneur Richard NDAMBU WOLANG/BandunduRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de Bandundu  Recevable et fondée
  R.Const. 356 du 10 mars 2017  Gouverneur Cyprien LOMBOTO/TshuapaRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de Tshuapa  Recevable et fondée
  R.Const. 410 du 7 mars 2017Gouverneur Vincent MANI BOHOMO/ Sud-UbangiRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de Sud-Ubangi  Recevable et fondée
  R.Const.411/2017 du 17 mars 2017Gouverneur Aimé BOKUNGU BUBU/ MongalaRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de Mongala  Recevable et fondée
  R.Const. 443 du 31 mai 2017Gouverneure jeanne INTOMBI EMBELE/ EquateurRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de l’Equateur  Recevable et fondée
  R.Const.469 du 26 mai 2017Gouverneur Jean- Claude KAZEMBE MUSONDA/Haut- KatangaRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de Haut-Katanga  Recevable et fondée
  R.Const.1133 du 7 février 2020Gouverneur Jean BAMANISA SAIDI/ IturiRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de l’Ituri  Recevable et fondée
  R.Const. 1255 du 08 janvier 2021Gouverneur Louis Marie WALE LUFUNGULA/ TshopoRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de Tshopo  Recevable et fondée
  R.Const.1447 du 26 décembre 2020Gouverneur Crispin NGBUNDU MALENG MALENGO/MongalaRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de MongalaRecevable mais non fondée
  R.Const.1400/1416 du 5 février 2021Gouverneur Auguy MUSAFIRI NKOLA/ ManiemaRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de Maniema  Recevable et fondée
  R.Const. 1543 du 18 juin 2021Gouverneur Dieudonné PIEME/ KasaïRequête en inconstitutionnalité contre la motion de censure de l’Assemblée provinciale du Kasaï  Recevable et fondée
  R.Const. 1925 du 8 février 2021Gouverneur Théo NGWABIDJE/Haut- KatangaRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de Haut-Katanga  Recevable et fondée
  R.Const.1459 du 9 avril 2021Gouverneur NZEGE KOLOKE/Nord- UbangiRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale du Nord-Ubangi  Recevable et fondée
  R.Const 1964 du 3 juillet 2023Gouverneure Julie NGUNGWA MWAYUMA/ TanganyikaRequête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance de l’Assemblée provinciale de Tanganyika  Recevable et fondée

Nous remarquerons que dans presque tous les cas, les requêtes initiées devant la Haute Cour, sont fondées. Cela démontre pratiquement l’absence d’objectivité et de rigueur dans l’initiative et l’adoption des motions par les Assemblées provinciales.

A cet effet, nous analyserons la portée de ces irrégularités ainsi que les perspectives salvatrices

dans notre seconde partie.

I.                   Portée des motions des Assemblées provinciales en République Démocratique

du Congo

L’analyse de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle révèle la censure des motions d’Assemblées provinciales adoptées contre les Gouvernements provinciaux. Le grief fréquemment imputé à ces actes parlementaires reste la violation des droits de la défense. Par conséquent, sous cette partie, seront respectivement passés au crible, les cas des réhabilitations constatées des autorités jadis déchues (A), et le défis des motions d’assemblées parlementaires provinciales et les perspectives y afférentes (B).

A. La réhabilitation par la Cour constitutionnelle des autorités jadis déchues

Il sera convenable d’étudier sous cette partie : le fondement juridique de la compétence de la Cour constitutionnelle en cette matière (1) avant de faire une esquisse de sa jurisprudence quant à ce. (2)

  1. Fondement juridique des compétences de la Cour dans la réhabilitation des autorités déchues

Le fondement juridique des compétences de la Cour constitutionnelle repose d’une part sur l’article 150, alinéa 1er de la Constitution dont l’application s’inscrit dans l’idéal d’un État des droits. En effet, selon les prescrits de cette disposition, le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. Cette compétence a été renforcée aux termes du droit de saisir la Haute Cour, reconnu à toute personne, par l’article 162 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006, contre tout acte législatif ou réglementaire pris en violation de la Constitution, et cela a ouvert une voie indéniable à un contentieux abondant en matière des droits fondamentaux devant cette juridiction.

De son côté, l’article 49 de la loi organique du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle reconnait au Procureur général du parquet près cette juridiction le pouvoir de se saisir d’office, pour inconstitutionnalité des lois, des actes ayant force de loi, des édits, des Règlements Intérieurs des Chambres parlementaires, du Congrès et des Institutions d’Appui à la Démocratie ainsi que des actes règlementaires des autorités administratives lorsqu’ils portent atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine ou à leurs libertés publiques.

Ainsi, dans son arrêt du 17 Octobre 2016 rendue sur base de la requête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la Haute Cour énonça qu’en tant que gardienne de la Constitution, des libertés publiques et des droits fondamentaux qui y sont consacrés, elle est appelée à s’assurer du respect par les pouvoirs publics et les citoyens de ces dispositions et à exercer un rôle de régulation de la vie politique.22

Moins d’une année plutôt, dans l’affaire Madame Olive MUNGOMBE MUSENGE contre le Sénat, la Cour s’est reconnue compétente pour connaître d’un recours introduit par un citoyen qui s’estime lésé par une décision qui viole ses droits et libertés constitutionnellement garantis, en l’occurrence, le droit d’être éligible à un mandat politique ».23

En ce qui concerne la compétence de la Cour dans la protection des droits et libertés fondamentaux des citoyens, l’analyse de sa jurisprudence démontre expressément qu’elle met un accent très prononcé sur les droits de la défense et les droits de recours qui sont souvent méconnus par les Assemblées provinciales dans l’éjection des gouvernements provinciaux ou de leurs membres. Nul n’ignore que les Assemblées provinciales sont régies par leurs règlements intérieurs et que ces derniers font préalablement l’objet d’un contrôle de constitutionnalité par la Cour constitutionnelle en vertu de l’article 160 de la Constitution. Il doit être noté que dans tous ces règlements des Assemblées provinciales, la procédure de mise en responsabilité des gouvernements provinciaux est bien élucidée. Raison pour laquelle, la Haute Cour sanctionne toute motion adoptée dans l’irrégularité, consistant en la violation des droits de la défense et du droit de recours tels que prévus par la Constitution

Suivant l’article 61 de la Constitution, en aucun cas, et même lorsque l’état de siège ou l’état d’urgence aura été proclamé conformément aux articles 85 et 86 de la Constitution, il ne peut être dérogé aux droits et principes fondamentaux bien décrits. Et c’est au nom du pragmatisme que la jurisprudence constitutionnelle de la République Démocratique du Congo a relevé la sauvegarde des droits de la défense comme principe fondamental dans le contexte de responsabilité politique.24

Pour ce qui est de l’Etat des droits, il est sans oublier que « L’Etat de droit est celui dans lequel la loi est au-dessus et au service de tous ». L’une des traductions remarquables de cette définition, rapportée par Joseph Cihunda, c’est la soumission de l’Etat, de ses organes et des gouvernants, au contrôle juridictionnel 25. Ceci suppose l’existence d’un pouvoir judiciaire indépendant et accessible pour les gouvernés, capable d’affermir l’exigence de la primauté du droit dans la gouvernance de la chose publique.26

  • R.Const. 338 du 17 octobre 2016
  • R.Const. 0038 du 28 août 2015
  • Kamuleta Badibanga, Dieudonné. 2022. Contribution de la Cour constitutionnelle à la consolidation du constitutionnalisme en République Démocratique du Congo. Discours du Président de la Cour constitutionnelle à l’occasion de l’audience solennelle et publique de la rentrée judiciaire 2022-2023, Kinshasa, 29 octobre.
  • Joseph Cihunda Hengelela, « Rapports entre les autorités politiques provinciales et le pouvoir judiciaire à Kinshasa », In Librairie africaine d’études juridiques, volume 2, 2010, p.24.
  • Mpongo Bokako Bautolinga, « Le rôle de l’armée dans la construction de l’Etat de droit en République démocratique du Congo », in G. Bakandeja Wa Mpungu, A. Mbata Betukumesu Mangu et R. Kiengekienge Intudi (dir.), op.cit., p.77.

À cet effet, on notera que l’œuvre jurisprudentielle de la Cour Suprême de Justice a permis de consolider, malgré la résistance de certains conservateurs, le droit d’accès direct pour tous au juge constitutionnel, un droit dont l’exercice effectif conduit, en particulier, à la juridictionnalisation de plus en plus croissante de la vie politique en RDC.27

  • Esquisse de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur les motions des autorités de l’exécutif provincial déchues

Il sied de préciser que nous avons répertorié plus d’une dizaine d’arrêts de la Haute Cour rendus sur requêtes des membres des gouvernements provinciaux déchus par les Assemblées provinciales. L’analyse de ces décisions démontre que la violation des droits de la défense et du droit de recours constitue le point symétrique entre lesdites décisions.

D’où, pour éviter la monotonie, nous analyserons quatre décisions dont les unes s’accentueront sur la nature juridique d’une motion et d’autres mettront en lumière les différentes raisons évoquées par le juge constitutionnel dans ses motivations pour justifier l’annulation des motions irrégulièrement adoptées. C’est ainsi que les principaux arrêts à esquisser sont : les arrêts sous R.Const. 51/TSR du 31 juillet 2007, R.Const. 356 du 10 mars 2017, R.Const. 410

du 7 mars 2017, R.Const.411/2017 du 17 mars 2017 et R.Const.1447 du 26 décembre 2020.

Arrêt sous R.Const.51/TSR/ du 31 juillet 2007. En cause : Monsieur Trésor KAPUKU NGOY contre l’Assemblée provinciale du Kasaï occidental

La Cour Suprême de Justice énonça qu’une motion de défiance adoptée par une Assemblée

Provinciale est un acte législatif selon l’article 162 alinéa 2 de la Constitution car le vocable

« acte législatif » couvre non seulement les lois stricto sensu ou les textes ayant valeur de loi, mais également tout document ou acte émanant ou accompli dans l’exercice du pouvoir législatif à l’instar de la motion de défiance concernée. Cette décision de la Haute Cour avait lancé les débats sur la nature juridique d’une motion (de censure ou de défiance) adoptée par l’Assemblée. Ainsi, la doctrine s’y était invitée pour poser plusieurs théories afin d’aller soit dans le sens de l’affirmation de la Cour sur la nature juridique de la motion, soit pour apporter des affirmations contraires. Dans le lot des doctrinaires, on peut évoquer Joseph Kazadi Mpiana pour qui, en droit congolais, il est évident que les motions de censure ou de défiance ne peuvent pas logiquement prospérer en tant qu’actes législatifs, et de surcroît en vertu de l’article 43 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Leur justiciabilité devant la Cour constitutionnelle s’avère pourtant nécessaire pour une série de raisons. Les motions de censure et de défiance peuvent donner lieu à un blocage dans le fonctionnement des institutions politiques provinciales et la Cour, dans sa qualité d’organe régulateur du bon fonctionnement des pouvoirs publics, de leur activité et de la vie politique, est compétente pour débloquer la situation.28

Pour Botakile, les actes d’assemblée sont des actes accomplis par le pouvoir législatif dans l’exercice de sa fonction parlementaire.

  • Balingene Kahombo, « La Cour Suprême de Justice faisant office de Cour constitutionnelle. Esquisse du bilan de près de cinq ans sous l’empire de la Constitution congolaise du 18 février 2006 », In Librairie africaine d’études juridiques, volume 6, 2017, p.43.
  • Joseph Kazadi Mpiana, Cour constitutionnelle, motion de censure et garanties des libertés et droits fondamentaux à l’aune de l’arrêt Jean-Claude Kazembe, Annuaire congolais de justice constitutionnelle, Volume 2-2017, 2018, pp.540- 541.

Il s’agit de règlements intérieurs des chambres législatives (nationales ou provinciales) et du Congrès, des avis conformes, des autorisations, des résolutions ou recommandations, des décisions d’entérinement, des mises en accusation, des décisions de déchéance du mandat parlementaire, motions de défiances et de censures, etc. Par principe, les actes d’assemblées ne peuvent pas créer des droits et obligations, auquel cas, ils échappent au contrôle de tout juge. Cependant, lorsqu’un acte d’assemblée est créateur des droits ou des obligations, puisqu’il modifie même sournoisement l’ordonnancement juridique existant, il apparaît dans le viseur du juge constitutionnel, garant de l’obligation constitutionnalisée du respect de la Constitution. Il produit, dans ce cas, des effets juridiques normalement réservés aux seuls actes législatifs et peut être censuré dans le cadre des procédures prévues pour la censure des actes législatifs. C’est à juste titre, que la jurisprudence congolaise soumet désormais les actes d’assemblées au contrôle de la Cour constitutionnelle en vertu notamment de l’article 162, alinéa 2, de la Constitution du 18 février 200629.

La Cour Suprême de Justice, CSJ en sigle, s’est ravisée dans son arrêt du 7 juin 2010 en déniant la qualité d’acte législatif à une motion de défiance avant de revenir dans ses arrêts du 22 octobre et du 26 avril 2011 sur sa position traditionnelle. Le revirement de la jurisprudence, de surcroît, en un temps très rapproché, nuit à la sécurité juridique et témoigne de la titubance du juge constitutionnel dans une question récurrente que constituent les motions de défiance au niveau des Assemblées provinciales.

Dans l’arrêt R.Const. 103/TSR du 7 juin 2010 (Requête en annulation de la Résolution de l’Assemblée provinciale du Maniema du 24 octobre 2009 portant destitution du Vice- gouverneur Pierre Masudi Mendes par motion de défiance), la CSJ motive ainsi son incompétence à invalider la résolution querellée en ces termes : « (…).

Examinant sa saisine, la Cour suprême de justice relève qu’elle n’est pas compétente pour statuer sur l’inconstitutionnalité d’une motion de défiance. En effet, les compétences de la Cour suprême de justice, siégeant comme Cour constitutionnelle reposent sur les dispositions des articles 74, 76, 99, 128, 139, 145, 160, 161, 162, 163, 164, 167, 216 et 223 de la Constitution. En ces articles 160 al.1, 162 al.2 et 223, la Constitution dispose : ‘’La Cour constitutionnelle est chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi. Toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire. En attendant l’installation de la Cour constitutionnelle, du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, la Cour suprême de justice exerce les attributions leur dévolues par la présente Constitution ».30

L’énumération ainsi faite par le constituant exclut, d’une part, toute propension à conférer à cette juridiction une compétence générale et, d’autre part, précise la portée de sens à donner aux termes « tout acte législatif ou réglementaire ». En substance, il ne peut s’agir, conformément au principe selon lequel la compétence est d’attribution et au regard de l’énumération faite par le constituant que des lois, des actes ayant force de loi, des édits et des actes réglementaires des autorités administratives. Or, la motion de défiance, tout comme la motion de censure, bien qu’elles émanent de l’organe législatif, ne sont pas reprises dans cette énumération limitative du constituant comme acte législatif. Il s’ensuit qu’à l’état actuel du paysage législatif, la motion de défiance ou de censure échappent au contrôle du juge constitutionnel en droit congolais.31

  • Botakile Batanga, Précis du contentieux administratif congolais, Tome 2, 1ère édition, Academia, L’Harmattan, Bruxelles, 2017, pp. 58-59.
  • Joseph Kazadi Mpiana, Droit constitutionnel congolais, Notes de cours à l’usage des étudiants de deuxième graduat en Droit, Université Protestante de Lubumbashi, 2020-2021, p.189.
  • Joseph Kazadi, Idem, p.190.

Par conséquent, la Cour suprême de justice se déclarera incompétente à examiner la requête en annulation de la résolution de l’Assemblée provinciale du Maniema du 14 octobre 2009 portant destitution du Vice-gouverneur Pierre MASUDI MENDES par motion de défiance, et l’intervention volontaire y relative ».

Il est emblématique de constater le revirement jurisprudentiel dans l’espace de quatre mois. Dans son arrêt du 22 octobre 2010, la CSJ s’était par contre déclarée compétente. Son raisonnement a été articulé dans sa position traditionnelle : « (…). Examinant sa compétence, la Cour suprême de justice relève qu’au sens de l’article 162 alinéa 2 de la Constitution, le vocable acte législatif couvre non seulement les lois stricto sensu, mais aussi les textes ayant valeur de loi, tout acte émanant de l’organe législatif à l’instar d’une résolution d’une Assemblée provinciale. Elle se déclarera dès lors compétente pour connaître des résolutions 002 et 003/APK/2010 du 10 septembre 2010 concernées »32.

Néanmoins, dans plusieurs de ses arrêts, le juge constitutionnel congolais s’est estimé compétent pour connaître d’une requête en inconstitutionnalité d’un acte d’assemblée, telle une motion de défiance, de censure ou une résolution, en ce que l’article 223 de la Constitution lui confère les attributions de la Cour constitutionnelle en attendant l’installation de celle-ci et l’article 162 alinéa 2 de la même Constitution permet à toute personne de la saisir pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire. La résolution ou motion de défiance, de censure ou de déchéance adoptée par une assemblée provinciale est un acte législatif, au sens de l’article 162, alinéa 2, susvisé car le vocable « acte législatif » couvre non seulement les lois stricto sensu ou les textes ayant valeur de loi, mais également tout document ou acte émanant ou accompli dans l’exercice du pouvoir législatif notamment en violation des droits de la défense garantis à tous. En ce sens, notamment l’arrêt R.Const n° 051 du 31 juillet 2007, en cause Requête en inconstitutionnalité de la décision de l’Assemblée provinciale du Kasaï Occidental du 07 juin 2007 portant motion de défiance contre le Gouverneur de province Trésor Kapuku ; R.CONST n° 060 du 28 décembre 2007, en cause Requête en inconstitutionnalité contre la résolution du 30 mars 2007 portant déchéance d’un membre du Bureau définitif de l’Assemblée provinciale de Maniema… ; R.Const n° 062 du 26 décembre 2007, en cause Requête en inconstitutionnalité de la motion de censure de l’Assemblée provinciale du Sud Kivu du 12 novembre 2007 contre le Gouverneur de la dite province et R.CONST n° 137/ TSR du 22 octobre 2010, en cause Requête en inconstitutionnalité des résolutions de l’Assemblée provinciale de Kinshasa.33

En fin, selon Wetsh’okonda, en application du critère fonctionnel, il retient que les actes législatifs s’entendent des lois au sens strict, des ordonnances-lois, autrement appelés actes ayant force de loi ainsi que des règlements intérieurs des Chambres, du Congrès et des institutions d’appui à la démocratie prévues dans la Constitution, bref des actes juridiques susceptibles du contrôle de constitutionnalité devant la Cour constitutionnelle. En l’occurrence, ce critère nous permet de qualifier les actes législatifs en raison non seulement du fait qu’ils sont pris par le Parlement et/ou l’exécutif, dans le domaine de la loi, mais également par le fait de leur soumission au contrôle de constitutionnalité devant la Cour constitutionnelle.34

  • Joseph Kazadi Mpiana, Ibidem., p.190
  • Juricongo, Jurisprudence de la Cour Suprême de justice : Contentieux constitutionnel et législatif, Tome V, « Collection Juridoc », Juricongo, Kinshasa, 2011, pp. 51, 57, 58, et 76.
  • Marcel Wetsh’okonda Koso, « Domaines de la loi et du règlement et leur protection sous l’empire de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 », In I. Mingashang (dir.), La responsabilité du juriste face aux manifestations de la crise dans la société contemporaine. Un regard croisé autour de la pratique du droit par Auguste Mampuya, Bruylant, Bruxelles 2018, pp. 791.
Les arrêts de principe sous R.Const 356 du 10 mars 2017, R.Const 411/2017 du 17 mars 2017, et R.Const 410/2017 du 17 mars 2017 consacrant la compétence de la Cour constitutionnelle dans la protection de droits fondamentaux des citoyens

Dans son arrêt sous R.Const 372/414 du 03 juillet 2017 rendu dans l’affaire PONGO DIMANDJA Charles contre les résolutions de l’Assemblée provinciale de Sankuru issues des séances des assemblées plénières du 28 au 29 octobre 2016, la Cour constitutionnelle motive sa décision d’annulation de ces résolutions en évoquant les arrêts sous R.Const 356 du 10 mars 2017, R.Const 411/2017 du 17 mars 2017, et R.Const 410/2017 du 17 mars 2017 qu’elle qualifie d’arrêts de principe. En effet, sans entrer dans une analyse des faits et des prétentions des parties en cause, nous nous limiterons essentiellement aux dispositifs de ces décisions qui, d’ailleurs sont communs à ceux-ci afin d’y faire un commentaire analytique.

Dans ces arrêts de principe, la Cour observe qu’en l’espèce, elle est saisie d’une requête en inconstitutionnalité d’une motion de défiance, laquelle n’est ni un acte législatif, ni un acte réglementaire, mais un acte d’assemblée qui ne relève pas, en principe, de sa compétence. Elle relève cependant qu’aux termes de l’article 1er de la Constitution, la République Démocratique du Congo est un Etat de droit ; que suivant les articles 149 alinéa 2 et 150 alinéas 1 de la Constitution, la Cour constitutionnelle fait partie du pouvoir judiciaire, « garant des libertés et droits fondamentaux des citoyens ». Dès lors, la Cour juge qu’à ce titre, elle est compétente pour connaitre de la présente requête en vertu des articles 19 alinéas 3, 61 points 5 de la Constitution qui garantissent le droit de la défense et le droit de recours auxquels il ne peut être dérogé en tant que droits et principes fondamentaux des citoyens même lorsque l’état de siège ou l’état d’urgence aura été décrété. En effet, la Cour juge que dès lors qu’une motion de défiance ou de censure viole les droits auxquels la Constitution consacre une protection particulière, elle doit affirmer sa compétence.35

Cette position jurisprudentielle de la Cour constitutionnelle est constante chaque fois qu’elle a eu à statuer dans d’autres affaires sur les cas identiques tels que nous les avons classés dans le tableau figurant dans la première partie de cette étude. Il s’agit, en effet, des arrêts qui reconnaissent, pour la première fois, la violation des droits de la défense pour censurer les actes des assemblées délibérantes, qualifiés des actes législatifs. Pour la Cour, les droits de la défense renvoient à l’ensemble des droits appartenant à une personne, qui se trouve partie à un litige ou en dehors de tout procès, qui est l’objet d’une mesure défavorable ayant le caractère d’une sanction prise en considération de sa personne. L’article 61 point 5 de la Constitution met en exergue le respect des droits de la défense au pluriel, et qu’il en existe plusieurs droits de la défense et non un seul droit de la défense. Le principe du contradictoire est l’un des corollaires du droit de la défense. Parmi les exemples des droits de la défense, il y a lieu de citer par exemple : le droit à l’assistance d’un avocat, la possibilité pour celui-ci d’être tenu au courant du déroulement de la procédure et d’être présent lors des interrogatoires,

le caractère contradictoire des débats à l’audience, le droit de poser des questions aux témoins, le droit à la liberté de parole et celui d’avoir la parole le dernier, le droit à un procès loyalement conduit36. Dans une autre veine, la Haute Cour attire notre attention à travers son arrêt sous R.Const 1543 du 18 juin 2021 ayant mis en cause le Gouverneur Dieudonné PIEME contre l’Assemblée provinciale du Kasaï.

  • Cour constitutionnelle. R.Const n°359. Arrêt du 10 mars 2017. En cause : Requête en inconstitutionnalité contre la motion de défiance adoptée le 28 octobre 2016 par l’Assemblée provinciale de la Tshuapa pour violation des articles 19 alinéa et 4 de la Constitution, et 178 du Règlement intérieur de l’Assemblée provinciale de la Tshuapa. Treizième et quatorzième feuillets. Inédit.
  • Cour constitutionnelle. R.Const 1133. Arrêt du 7 février 2020. En cause: Monsieur Jean Bamanisa Saidi, gouverneur de la province de l’Ituri contre l’Assemblée provinciale de l’Ituri. Quatorzième feuillet, Inédit.

En l’espèce, la Cour a arrêté qu’elle ne pouvait déclarer régulière une motion de censure initiée contre le gouvernement PIEME I mais adoptée sous le gouvernement PIEME II, car violant l’article 17, alinéa 8 de la Constitution qui veut que la responsabilité pénale soit individuelle et que nul ne puisse être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné pour fait d’autrui, et l’article 14 point g du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui garantit le droit d’une personne à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable en considérant le fait que certains membres du gouvernement PIEME II étaient signataires de la motion contre le gouvernement PIEME I avant qu’ils y soient nommés après son remaniement. Ainsi, la motion qui devait être adoptée contre le gouvernement PIEME I l’a été en leur défaveur, tournant ainsi leurs signatures contre eux-mêmes. La Cour constitutionnelle de la RDC offre une protection procédurale et substantielle à l’Etat de droit, et assure par ce fait sa mission d’outil de mesure démocratique. C’est l’idée même du gouvernement de la Constitution, sans glisser dans celui des juges.37

  • Cour constitutionnelle. R.Const 1453. Arrêt du 18 juin 2021. En cause : Monsieur Dieudonné Pieme contre l’Assemblée provinciale du Kasaï. Inédit.

Conclusion

La mission du contrôle de l’exécutif provincial est l’une des prérogatives constitutionnelles reconnues aux Assemblées provinciales en République Démocratique du Congo. A travers l’exercice de cette obligation, l’exécutif provincial se retrouve face aux défis de gérer l’entité provinciale de manière efficace et efficiente. Cependant, il s’est avéré que depuis 2007, plusieurs Assemblées provinciales ont usé de leur pouvoir de mise en responsabilité des Gouvernements provinciaux, violant ainsi leurs propres règlements intérieurs alors que ces derniers ont été déclarés conformes à la Constitution par la Cour constitutionnelle.

Se fondant sur l’article 162, alinéa 2 de la Constitution, les autorités provinciales déchues ont saisi la Haute Cour à travers les requêtes en inconstitutionnalité des motions adoptées contre elles. Bien que n’étant pas compétente pour connaitre des motions qui ne sont ni des actes législatifs ni encore moins des actes réglementaires, mais qui sont des actes d’assemblées qui ne relèvent pas, en principe, de sa compétence, la Haute Cour, se fondant sur l’idéal d’un Etat de droit tel que prévu par l’article 1er de la Constitution, et suivant les articles 149 alinéa 2 et 150 alinéa 1 de la Constitution, qui font d’elle l’une des composantes du pouvoir judiciaire, « garant des libertés et droits fondamentaux des citoyens », a jugé qu’à ce titre, elle est compétente pour connaitre des requête en vertu des articles 19 alinéa 3, 61 point 5 de la Constitution qui garantissent le droit de la défense et le droit de recours qui sont des droits auxquels la Constitution accorde une protection particulière. A cet effet, elle a déclaré nulles et de nul effet les motions initiées et adoptées en violation des droits fondamentaux des gouvernants. Cette position jurisprudentielle de la Cour constitutionnelle est constante chaque fois qu’elle a eu à statuer sur des cas identiques.

Pour endiguer cette hémorragie des motions irrégulièrement initiées et adoptées, il sied d’entrevoir une loi portant procédures applicables aux motions des Assemblées provinciales. Ladite loi doit prévoir toutes les formalités procédurales, un organe de contrôle interne ainsi que des sanctions applicables par la Cour constitutionnelle. C’est dans ce contexte que nous proposons que le pouvoir des Assemblées provinciales dans la mise en responsabilité des Gouvernements puisse être encadré par une loi précise qui doit prévoir les modalités pratiques d’initiative et d’adoption des motions ainsi que des sanctions. Cette loi doit prévoir notamment, une limitation du nombre des motions à voter au cours d’une session parlementaire, les contextes à tenir en compte avant de procéder à l’adoption d’une motion, la création d’un organe interne au sein de chaque Assemblée provinciale dont la mission est de veiller au contrôle de procédure d’initiative et d’adoption des motions, ainsi que des sanctions à l’égard des membres du Bureau des Assemblées provinciales qui auront adopté des motions en violation des prescrits de la Constitution. Le rôle de la Cour constitutionnelle sera de contrôler la constitutionnalité de cette loi a priori et d’intervenir a posteriori pour censurer toute motion adoptée en méconnaissance de celle-ci et d’appliquer des sanctions pénales aux membres des bureaux de ces Assemblées.

Cette étude ouvre des perspectives sur la reconnaissance à la Cour constitutionnelle de la primeur juridictionnelle dans la protection des libertés et droits fondamentaux et les mécanismes envisageables pour un exercice efficient de vote des motions contre les Exécutifs provinciaux afin d’éviter des crises.

Par Hervé Ngulu Boka*

Résumé

La portée de l’option levée par le législateur congolais, d’instituer la cooptation aux côtés des élections comme mode d’accession à la députation provinciale, offre une perception bicéphale. Expression d’une législation favorisant une démocratie soumise aux principes majeurs régissant tout Etat de droit, d’une part, elle est aussi le symbole d’une législation protectrice des coutumes locales, d’autre part. Au travers de l’analyse de l’essence même des concepts démocratie, élections et cooptation, des conditions à remplir pour pouvoir revêtir le statut de député provincial élu ou coopté, de la portée de ces fonctions à l’intérieur et en dehors des Assemblées provinciales, de l’apport de l’Institution chargée de l’Organisation des élections et des juridictions compétentes en matière de contentieux électoral, ainsi que de la nécessité de sauvegarder et pérenniser les coutumes locales, naît le besoin de se prononcer sur la comptabilité de la législation congolaise en cette matière avec l’instauration ou le renforcement d’une démocratie inclusive, conformément à la Constitution du 18 février 2006, telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 d’une part, et d’autre part, conformément à l’esprit de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces.

De toute évidence, les contextes socio-politiques congolais miroitent encore à ce stade une démocratie dynamique, au renforcement de laquelle les modes légaux d’accession aux fonctions de député provincial sont appelés à concourir, sans pour autant constituer une fin en soi ; le plus essentiel étant d’œuvrer effectivement et efficacement pour la satisfaction de l’intérêt général.

Mots-clés : Démocratie, Assemblée provinciale, Élections, cooptation, gestion administrative des provinces.

Abstract

The scope of the option taken up by the Congolese legislator to institute co-optation alongside elections as a mode of accession to the provincial legislature offers a two-headed perception. The expression of legislation that promotes democracy subject to the major principles that govern any rule of law, on the one hand, it is also the symbol of legislation that protects local customs, on the other. through the analysis of the concepts of democracy, elections and co- optation, the conditions to be fulfilled in order to assume the status of elected and co-opted provincial deputy, the scope of these functions within and outside the provincial assemblies, the contribution of the institution in charge of the organization of elections and the competent courts in matters of electoral disputes, as well as the need to safeguard and perpetuate local customs, the need to decide on the accounting of Congolese legislation in this area to establish or strengthen an inclusive democracy in accordance with the constitution of 18 February 2006, as amended by Law No. 11/002 of 20 January 2011, on the one hand, and on the other hand,

in accordance with the spirit of Law No. 08/012 of 31 July 2008 on fundamental principles relating to the free administration of the provinces.

Clearly, the Congolese socio-political contexts reflect at this stage a democracy that is undoubtedly dynamic, with the reinforcement of which the legal modes of accession to the functions of provincial deputy are invited to participate, without constituting an end in itself; the most essential is to work effectively and effectively for the satisfaction of the general interest.

Keywords: Democracy, provincial assembly, Election, co-optation, administrative management provinces.

Introduction

L’avènement de la 3e République1, scellé par l’entrée en vigueur de l’actuelle Constitution, aura servi de tremplin aux idées nouvelles devant contribuer à l’instauration effective et au renforcement d’une démocratie inclusive.

La mise en exergue du caractère inclusif de la démocratie englobe aussi l’instauration des modes auxquels il est fait recours pour accéder à l’exercice de certaines tâches importantes relatives à la gestion de l’État, au rang desquelles celle de député provincial. Membre d’une Assemblée provinciale conformément à l’article 7 alinéa 3 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 sous examen, le député provincial exerce une fonction essentielle pour sa province et, dans une certaine mesure, pour toute la République. En effet, ce dernier prend part aux délibérations de son Assemblée et exerce le contrôle sur l’Action gouvernementale provinciale dans les conditions fixées par les lois et règlements de la République. Aussi, jouit-il de certains privilèges liés à ses fonctions conformément aux dispositions des articles 9, 10, 11 et 12 de la loi susmentionnée.

Si la reconnaissance et l’attribution des pouvoirs si prépondérants au député provincial ne constituent à proprement parler une question inquiétante sur le plan organique, les voies légales posées pour l’accession à ces fonctions sont susceptibles de susciter un bon nombre d’interrogations relatives à leur portée. En effet, l’alinéa 4 de l’article 7 de la loi du 31 juillet 2008 prévoit, conformément à l’article 197 alinéa 4 de la Constitution, deux modalités permettant de se voir revêtir le statut de député provincial. Il s’agit de l’élection au suffrage universel direct et de la cooptation. Dans cette perspective, l’option levée par le législateur congolais met vraisemblablement en opposition deux modalités, qui, en dépit de l’objectif d’intérêt général auquel elles sont censées concourir par le biais des députés provinciaux, pousse inéluctablement à admettre une acception particulière de la notion de la démocratie, et de ses corollaires réels sur la vie socio-politique nationale, mieux provinciale. La conséquence la plus directe d’une telle réglementation est la différence d’avec le mode d’accession aux fonctions de député national, qui ne sont exclusivement possibles que par suffrage universel direct (article 101al. 1 de la Constitution).

Certes, les élections ne constituent que l’un de nombreux visages de la démocratie, le plus essentiel étant le concours effectif à la satisfaction de l’Intérêt général par le biais de l’action législative dans ce contexte2. Néanmoins, il n’en demeure pas moins utile de chercher à saisir l’essence, voire la « ratio legis » de l’instauration de la cooptation comme mode d’accession aux fonctions de député provincial.

  1. Voir Sebahra, Pamphile, « RD Congo : les défis de la 3e République », Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité GRIP, 2006 http://www.grip.org/bdg/g1063.html page consultée le 27.08.2023.
  2. Cfr. Organisation de Coopération et de Développement économique OCDE, Politique réglementaire et gouvernance : soutenir la croissance économique et servir l’intérêt général, éditions OCDE, 2012, p. 22.

De manière concrète, notre propos sera focalisé autour des questions suivantes : Quelle est la portée de la cooptation dans un régime démocratique ? Pourquoi ce mode d’accession aux pouvoirs n’a-t-il pas été institué pour la députation nationale ? Sur le plan pratique, en République démocratique du Congo, est-il fait effectivement recours à la cooptation ou son importance n’occupe qu’une dimension théorique, voire optative ? Nous basant, aussi bien sur la méthode exégétique, mieux l’interprétation téléologique des dispositions législatives supra mentionnées, que sur le constat sur la sphère législative provinciale, il sera plausible de se prononcer sur les rapports de compatibilité ou d’incompatibilité dudit mode avec les impératifs socio-politiques congolais. Un bref aperçu sur la jurisprudence en droit national sur cette matière serait aussi d’un apport non sans importance.

La présente analyse sera subdivisée en deux points présentant respectivement l’aspect théorique et pratique. Dans un premier temps, il sera question de brosser un aperçu des concepts Démocratie, Cooptation et Elections (I). Dans un second temps, il sera présenté l’analyse des rapports existants entre les fonctions de députés provinciaux et la cooptation dans le contexte démocratique congolais (II).

I.  Balisage des concepts démocratie, cooptation et élections comme modes

d’accession au pouvoir

Le balisage conceptuel, analysé sous ce point, abordera tour à tour la définition étymologique, l’aperçu panoramique des acceptions scientifiques par les théoriciens et praticiens et le substrat juridique congolais.

A.    La démocratie

C’est dans la langue grecque et latine qu’il faut recourir pour retracer l’étymologie du terme

« démocratie ». Y sont compris, d’une part, le préfixe « democratia » issu du bas-latin ou

« δημοκρατία » du vieux grec, équivalant à « demos » signifiant peuple, d’autre part, le suffixe grec « kratos » signifiant quant à lui, pouvoir. Fort de cette étymologique greco-latine, le terme « démocratie » entend inéluctablement l’exercice du pouvoir par le peuple, souverain primaire du pouvoir étatique.3

Pour étaler la prépondérante portée de cette expression, plusieurs auteurs, mieux théoriciens et acteurs juristes, politologues et sociologues, se sont octroyé la tâche de tenter de scruter l’essence de la démocratie. Si pour les uns, elle revêt une dimension purement optative, voire chimérique, pour les autres, elle est bien réelle au regard notamment de ses nombreuses conséquences.

  1. Aperçu panoramique des acceptions scientifiques par les théoriciens et praticiens de

la démocratie

D’entrée de jeu, il tient de mentionner que les diverses acceptions scientifiques relatives à la démocratie n’écartement pas fondamentalement l’orientation que ce terme emprunte dès de par son étymologie. Comme cela sera prouvé dans des lignes suivantes, en considération de différentes thèses émises, il est plausible de regrouper lesdites acceptions en deux angles à savoir : L’angle social et l’angle juridique.

L’angle social : La Démocratie comme réaction à l’absolutisme monarchique

Un regard vers les temps immémoriaux, à travers notamment l’hégémonie de l’Empire romain, révèle une société dont la gestion fut réservée à une caste d’individus, parvenus au pouvoir par des voies purement révolues4, assurant une gestion sans partage et redevable d’aucun Organe devant exercer véritablement un contrôle sensu stricto.

  • Etienne, Vacherot, la Démocratie : Essai sur les sciences politiques, éd. Ligaran, Paris, 2015, p.124.
  • Voir Luciano Canforad, Democrazia Storia di un’idologia, éd. Laterza, 2008, p. 100.

Certes, l’on peut relever à la Rome antique l’existence de certaines Instituions comme le Sénat, dont les tâches furent non sans importance. Cependant l’institutionnalisation des injustices sociétales, exprimée par la hiérarchisation des classes sociales, et de manière plus directe, le caractère héréditaire du pouvoir, engendraient des conséquences néfastes sur l’avenir de la population, qualifiée selon les sociétés de base-classe ou des plébéiens.5

Dans l’histoire moderne, les Révolutions américaine de 1776 (la guerre de sécession) et française de 17896, l’ère des indépendances en Afrique et en Asie vers les années 60 notamment, illustrent parfaitement la volonté populaire à aspirer à l’éradication définitive des dérives monarchiques en instaurant la démocratie.

C’est dans cette perspective que s’inscrit la pensée d’Isocrate, celle d’Aristote et de Solon. En effet, se référant à l’administration des villes de Carthage et d’Athènes, Isocrate et Aristote estimaient que les carthaginois et les athéniens seraient les mieux gouvernés du monde. Cette conviction, ces deux philosophes la construisirent sur la prévoyance qu’avait instituée l’Administration des villes énumérées supra, d’un équilibre des pouvoirs entre les Suffètes, le Grand Conseil et l’Assemblée du peuple, dans laquelle « chaque citoyen pouvait prendre parole sur l’objet en discussion, prérogative que l’on cherchait ailleurs ».7

Dans le fond, il était essentiellement question d’une démocratie élucidée par la liberté d’expression dont jouissaient les citoyens.

De son côté, Solon, rapporté entre autres par Dracon – qui aurait édicté en premier les lois écrites permettant d’éviter les dérives relatives à l’obscurité des textes8 -, est considéré comme le père de la démocratie. Après avoir découvert en Egypte les notions de la Démocratie et du droit de la grève, il revisita sa pensée bâtie jadis sur la répartition de la société en fonction des richesses, avec ceci de particulier que seuls les riches avaient un droit actif et passif aux élections. La démocratie, quoique pas encore identifiée comme telle en cette période, miroitait donc de nouvelles aspirations du peuple, leur besoin impératifs à réagir contre les contraintes de vie sous des régimes monarchiques, dépourvue de toute ouverture à une association directe ou indirecte du bas-peuple à la gestion de la chose publique. Cet impératif social acquiert une dimension plus structurelle dans son aspect juridique.

L’angle juridique : La démocratie comme régime politique

L’aspect juridique de la démocratie, reprend, à l’instar de l’angle social, l’essence étymologique de cette expression. Dans l’un de ses célèbres discours, le président américain Abraham Lincoln déclara que la démocratie était le pouvoir du peuple, pour le peuple et par le peuple.9 Cette déclaration laisse poindre sans équivoque l’affirmation et la ferme volonté de placer le peuple au cœur même de l’Action du gouvernement. Comme qui dirait, le peuple, c’est l’intérêt général et l’intérêt général, c’est l’État.

En tant que régime politique, la démocratie se tient aux prises avec le totalitarisme ou la dictature. Régime politique, la démocratie est celui dans lequel le peuple dispose du pouvoir souverain et l’applique en respectant des principes démocratiques.10

  • Francis Dupuis-Déri, Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France, éd. Lux, Montréal, 2013,

p. 456.

  • Voir Martine Lapied, Le Combat et la Révolution française : naissance des options collectives, Aix-en-Provence, 1996,

p. 22.

  • Francis Dupuis-Déri, La peur du peuple. Agoraphobie et agoraphilie politiques, Lux Editeur, Montréal, 2016, p.464.
  • Francis Dupuis-Déri, Idem, p.464.
  • Voir Elmore, Lincoln’s Gettyburg Address : Echeos of the Bible and Book of Common Prayer, Illilois press university, 2014, p. 182.
  • Caroline Andrew, la démocratie à l’épreuve de la gouvernance, presses universitaires d’Ottawa, 2001, p. 121.

Au rang de ces principes, peuvent être énumérés le respect des droits de l’homme et libertés fondamentales, le respect du principe de procès contradictoire et de la présomption d’innocence. Il va sans dire que la démocratie, vue sous cet angle, offre le visage d’un régime plutôt paradisiaque. A en croire Etienne Vacherot, la démocratie est la seule forme politique adéquate à la liberté, la seule juste, par conséquent la seule vraie, dans le sens propre du mot.11

Il sied cependant de reconnaître qu’une telle acception paraît quelque peu chimérique. Le caractère illusoire d’une pareille conception se vérifie avec le nombre incalculable d’injustices sociales, de la commission d’infractions et crimes parfois au nom d’une (pseudo)-démocratie dans le monde. Ainsi, devient-il nécessaire de s’interroger sur un double visage dont serait dotée la démocratie, en raison de sa capacité à ne profiter qu’aux dirigeants et à opprimer d’avantage les plus démunis. Partant d’un constat général essentiellement sur la scène internationale, l’on serait tenté de penser que la démocratie ne serait en fait qu’une autre forme de la tyrannie ; une forme sournoise et institutionnalisée de l’autoritarisme.

Une autre préoccupation majeure à ce propos serait de s’interroger, si elle ne devrait pas revêtir un caractère relatif et non universel, puisque comprise et mise en œuvre différemment selon les facteurs spatio-temporels, c’est-à-dire en fonction de l’Etat sur le territoire duquel elle est conçue.

Orientant leur propos dans cette optique, certains penseurs français, dont Octave Mirbeau et Hyppolyte Taine, ont estimé que la démocratie serait une grande pourrisseuse, tentant de remplacer la loi tutélaire de la majorité par l’arbitraire tyrannique du petit nombre, en faisant du peuple esclave des partis politiques.12 De même, la démocratie ferait perdre au peuple la conscience de la hiérarchie et du devoir13, cette loi primitive et souveraine des sociétés organisées.14

Nous appuyant sur l’auteur congolais Greg Basue Kazadi, pour qui la démocratie reste le régime politique le moins mauvais15, nous estimons qu’elle présente effectivement le mérite de placer le peuple au cœur de l’Action des pouvoirs publics. Elle noue de ce fait un lien étroit avec la liberté et l’Etat de droit. C’est dans ce sens que la RDC s’identifie en un Etat démocratique.16

2.      Substrat juridique illustratif

Depuis son acception à la souveraineté nationale et internationale, la RDC peut se prévaloir de son arsenal juridique profondément fourni. Si les heures sombres du régime Mobutu ont empêché la mise en lumière du caractère démocratique de l’Etat, la Constitution actuellement en vigueur depuis le 18 février 2006 permet d’affirmer, sur le plan législatif, que la RDC est un Etat démocratique. Ceci ressort des dispositions de l’article 1er de ladite constitution.

Dans la même veine, toutes les autres lois, les différents règlements, voire les décisions et Arrêts de justice, attestent cette acception, notamment à travers l’existence des formations politiques et le concours de ces derniers au pouvoir.

  1. Etienne Vacherot, La Démocratie : Essai sur les sciences politiques, éd. Ligaran, Paris 2015, p 49.
  2. Voir Achette Livre BNF, Le Député de l’opposition, ce qu’il est, ce à quoi il sert, ce qu’il coûte, Paris, 2013, page 2.
  3. Voir Hippolyte Taine, Carnets de voyage : Notes sur la province, 1863-1865, Hachette, 1897.
  4. Voir Octave Mirbeau, Le Tripot aux champs, Le Journal, 27 septembre 1896.
  5. Voir Basue Kazadi Greg, Introduction générale à l’étude du droit : droit public, Presses universitaires, Kinshasa, 2012,

p. 25.

  1. Article 1 de la Constitution du 18 février 2006.

B.     Élections et cooptation comme mode d’accès au pouvoir législatif

Les diverses voies auxquelles recours a été fait pendant des siècles dans différentes sociétés pour accéder aux fonctions régaliennes, sont dotées irréversiblement d’un caractère relatif du point de vue de leur acceptation. Si la conquête, la domination et l’hérédité ont longtemps été considérées comme des modes adéquats, mieux, réguliers d’accession aux pouvoirs, force est d’admettre qu’avec la naissance de l’Etat moderne17, certains mécanismes d’acquisition de pouvoirs se sont révélés comme étant aux prises avec l’essence même de l’Etat, et dans une certaine mesure de la démocratie.

En effet, au cœur de la problématique relative aux modes d’accession aux pouvoirs se trouve la question primordiale de légitimité du pouvoir. Cette notion, développée essentiellement par le sociologue allemand Max Weber, pose les rapports entre l’Action politique et l’acceptation de celle-ci par le gouverné. Dans son analyse, Max Weber établit le rapport entre le pouvoir, qu’il entend comme la capacité qu’a un acteur d’imposer sa volonté aux autres dans le cadre des relations sociales, et la domination traditionnelle et charismatique ou rationnelle.18 Le visage actuel des régimes démocratiques, au regard de certains Etats dans lesquels règne encore la Royauté comme en Royaume-Uni, en Belgique et en Espagne, ne permet pas de déduire de manière unanime sur la portée de différents modes d’acquisition de pouvoir du point de vue de leur légitimité. Compte tenu du cadre dans lequel un pouvoir ou une autorité est appelé à être exercé, il devient plus adéquat d’analyser son impact réel sur l’administré afin d’apprécier sa légitimité.

Sans vouloir s’éterniser dans les théories du sociologue allemand, il importe d’analyser particulièrement les concepts « élections » et « cooptation », afin de comprendre de manière générale d’abord leur portée au regard de la légitimité qui en résulte, avant de les aborder de manière précise dans leurs rapports avec la députation provinciale en droit congolais ensuite.

  1. Les élections

Le terme « élections » tire son origine du verbe latin « eligere », choisir, et du substantif

« electio », choix. L’élection est littéralement l’action de choisir.

Dans l’esprit de la présente analyse et dans l’entendement littéraire, elles se rapportent à l’action par laquelle la population d’un Etat précis est appelée, par voie des urnes, de à se choisir ses dirigeants, devant siéger dans les Institutions publiques, mieux, politiques.19 Sous cet angle, les élections, comme nous le verrons dans les lignes suivantes, revêtent une dimension très cruciale pour la vie d’un Etat. Elles nouent, d’une part, un lien direct avec la conception originelle de la démocratie et, d’autre part, avec la légitimité dans un État.

Elections au cœur de la conception originelle de la démocratie

Des définitions étayées respectivement pour les concepts démocratie et élections, il se dégage une sorte de rapport d’inclusion. En effet, mettant au centre de son essence le peuple, la démocratie accorde à celui-ci un statut particulier, faisant de lui le souverain primaire de la chose publique ; et la conception et la mise en œuvre d’un Etat démocratique vont logiquement de pair avec la mise sur pied des élections, mécanisme permettant au peuple de se choisir librement ses représentants.

Dans cette logique, les élections apparaissent comme l’une des principales manifestations de la démocratie.20

  1. Voir Jean-Philippe Genet, l’Etat moderne et les élites. XIII-XVIIIe, éd. de la Sorbonne, Paris, 2020, p.100.
  2. Allen Kieran, Weber: Sociologist of Empire, éd. Pluto Press, London, 2017, p. 150.
  3. Voir United Nations Humans Rights, Human Rights and elections, New-York, 2021, p.65.
  4. Voir Jacques Thomassen, Elections and democracy: representation and accountability, Oxford University Press, 2014,

p. 55.

En effet, comme il sera abordé au point suivant, cette reconnaissance des élections comme manifestation essentielle de la démocratie ne peut être absolue, entre autres en raison de la coexistence d’autres éléments aussi prépondérants définissant également un Etat démocratique, à l’instar de la liberté d’expression et du respect des droits de l’homme, mais aussi à cause des limites que celles-ci accusent.

Elections et légitimité du pouvoir : forces et faiblesses des élections

L’octroi ou l’acquisition de la légitimité d’un pouvoir issu des élections sont logiquement la conséquence d’une mise sur pied réussie d’un Etat démocratique. Dans les faits, les pouvoirs octroyés par le peuple sont dotés d’une certaine autorité, d’une pleine légitimité. Cette légitimité se traduit concrètement par l’acceptation par le peuple de ses dirigeants et de leur politique, le respect des institutions étatiques et d’une manière large, contribue à éviter les conflits sociaux, susceptibles d’engendrer des sécessions, des guerres civiles, des coups d’Etat et tant d’autres maux hostiles au bon fonctionnement de la « res publica »21.

Cependant, il sied de reconnaitre que les élections, afin de contribuer au renforcement de l’Etat ou de faire asseoir véritablement la légitimité, obéissent à certaines règles, dont la non- observance, malheureusement observée depuis belle lurette, remet en cause la portée même de ce mode d’accès au pouvoir22. Ces règles, devenues un véritable refrain repris avec empressement, notamment dans l’environnement politique de l’Afrique subsaharienne, se rapportent à la transparence, à la liberté et à l’inclusivité des élections. Elles s’identifient dans une formule pratique à la « vérité des urnes. »23

Qu’elles se rapportent au suffrage universel direct ou indirect, les élections ne constituent pas une fin en soi. Quoique formellement adaptée à l’essence de la démocratie, ces dernières ne sont qu’un moyen d’accéder au pouvoir. Au regard de certains scénarios malheureux qui se vivent en Afrique, notamment à la suite des processus électoraux, les élections apparaissent comme éloignant le but primaire de la démocratie des aspirations du peuple. De plus en plus, elles n’offrent qu’un visage formaliste d’un simple instrument au service de la bourgeoise ; d’où la multiplication des contestations des résultats dans des nombreux Etats, dont les plus récentes ayant conduit au coup d’Etat militaire en république gabonaise en Août 2023.

Il convient néanmoins de s’accorder sur l’angle positif de ce mécanisme d’accession aux pouvoirs, qui cadre inéluctablement avec l’essence d’un Etat démocratique à l’instar du Congo.

Substrat juridique illustratif

En droit congolais, l’organisation des élections est réglementée de manière concrète par une loi organique. La Constitution de la République, actuellement en vigueur, les prévoit pour différentes institutions, notamment le Président de la République, aux articles 70 et 71, les députés nationaux, aux articles 101 et 102, les députés provinciaux, à l’article 197 alinéa 4 et les sénateurs, au suffrage indirect aux articles 104, 105 et 106.

  • La cooptation

La cooptation tire son origine du latin « cooptatio ». Il se traduit par le choix ou l’élection pour compléter un corps ou un collège. Sa particularité consiste au fait qu’elle s’effectue par les membres d’un corps ou d’un collège préalablement élus.24

  • Voir United Nations Humans Rights, Human Rights and elections, New-York, 2021, p.54.
  • Cfr. Jacques Thomassen, Elections and democracy: representation and accountability, Oxford University Press, 2014,

p. 55.

Cooptation et démocratie

Il sied de relever la même lecture faite pour le rapport entre les élections et la démocratie. La cooptation n’étant qu’un mécanisme d’accession au pouvoir, il ne saurait plausible d’apprécier sa compatibilité ou son incompatibilité avec la démocratie qu’au regard de la satisfaction d’intérêt général. De ce point de vue, elle reste conforme à l’essence même de la démocratie dès lors qu’elle est prévue par la loi comme pouvant servir d’accéder au pouvoir. Cette perspective s’inscrit dans la logique de la législation congolaise et sera détaillée de manière singulière dans la deuxième partie du présent travail.

Cooptation et légitimité

Ses rapports avec la légitimité s’articulent autour du mécanisme prévoyant sa mise en exercice. Si admettre que la cooptation n’est pas l’œuvre du peuple en tant que souverain primaire est vrai, il tient de reconnaitre aussi qu’elle dérive, comme cela sera expliqué dans les points suivants, des élus du peuple. Sous cet angle, la cooptation trouverait toute sa pleine légitimité25. Une fois encore, c’est sur base d’un bon accomplissement des tâches visant la satisfaction de l’intérêt général que doit s’apprécier l’efficacité de la cooptation comme mode d’accession au pouvoir.

Substrat juridique illustratif

C’est à l’article 197, alinéa 4 de la Constitution que la cooptation est érigée au côté  des

élections comme mode permettant l’accession aux tâches de député provincial.

I.                  La démocratie à l’orée des modes d’accès au pouvoir dans les Assemblées provinciales en République Démocratique du Congo

La portée des fonctions qu’assument les députés provinciaux se trouve liée à l’importance de l’entité territoriale dans laquelle ces derniers opèrent. Il est, en effet, question de la province, composante politique et administrative et dotée de la personnalité juridique.26 Elle représente le prolongement du pouvoir central à l’intérieur de l’État et comprend divers organes locaux, mieux, les entités territoriales décentralisées, à savoir : la ville, la commune, le secteur et la chefferie.27 Les députés provinciaux quant à eux, exercent leurs fonctions au sein des Assemblées provinciales.

A.    Présentation sommaire des Assemblées provinciales en droit congolais

Organe délibérant de la province, l’Assemblée provinciale délibère dans le domaine des compétences réservées à la province et contrôle le Gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux.28 Les compétences lui reconnues confèrent à ses membres, les députés provinciaux, un rôle capital, notamment au regard des rapports avec l’exécutif provincial. En effet, il leur est reconnu le pouvoir d’élire le gouverneur de province et la mise en œuvre de la motion de censure ou de méfiance conduisant à la destitution d’un membre ou de tout le gouvernement provincial29.

Au-delà de ces compétences, qui s’apparentent à celles dévolues aux députés nationaux à l’endroit du gouvernement national, la portée que le législateur confère aux assemblées provinciales l’éloigne de celle de l’Assemblée nationale.

  • Voir Peter Steiner, « cooptation » in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), https://hls-dhs-dss.ch/fr/ articles/010379/2008-10-30/ consultée le 30 septembre 2023.
  • Voir exposé des motifs de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces
  • Art. 3 al. 2 de la Constitution.
  • Art. 197 al. 1 Constitution.
  • Art. 198 al. 9 Constitution.

Il se dégage l’idée d’une certaine proximité dont le législateur tend à faire bénéficier les

populations locales.

  1. L’Assemblée provinciale dans la conception de la proximité du pouvoir

D’entrée de jeu, il convient de rappeler que la République démocratique du Congo est un Etat unitaire décentralisé.30La décentralisation, qui revêt quelques aspects du fédéralisme, permet notamment la libre administration de l’Etat, de sorte que les entités territoriales à l’intérieur de ce dernier bénéficient d’une certaine autonomie, outre qu’elles incarnent le prolongement du pouvoir central, mieux, son rapprochement des entités ou des populations locales. C’est exactement dans cette perspective que s’inscrit la mise en place des Assemblées provinciales.

Les Assemblées provinciales obéissent donc à cette logique du rapprochement du pouvoir central des entités locales en ceci qu’elles en constituent des organes législatifs provinciaux majeurs. Majeurs, en effet, par ce qu’au niveau d’autres entités administratives rurales, il est institué certains organes à l’instar des conseils urbains ou municipaux, qui participent aussi à la prise des décisions dans l’étendue des compétences leur reconnues dans la loi. Avec une population estimée à 95 millions d’habitants, dont 77, 93 millions habitant l’intérieur du pays31, le Congo est essentiellement constitué des populations locales que le législateur congolais a voulu faire représenter à un double niveau : Il leur a octroyé d’abord les représentants au niveau de l’Assemblée nationale et des Assemblées provinciales, en suite.

Dans cette optique, l’Assemblée nationale porte la « vox populi » du point de vue nationale, alors que les Assemblées provinciales quant à elles, portent celle des populations locales de l’intérieur du pays par le biais des députés provinciaux.

B.     Des Députés provinciaux

Deux modes d’accès au pouvoir législatif provincial en République Démocratique du Congo :

les élections au suffrage universel direct et la cooptation.

  1. Des députés élus

Comme l’indique le qualificatif, il s’agit de ceux à qui le statut de députés provinciaux est reconnu de suite de leur élection au suffrage universel direct par la population.32 Ces derniers acquièrent en effet le statut sus mentionné par la même voie que les députés nationaux.33Qu’ils soient élus ou cooptés, les députés provinciaux exercent leurs fonctions pour un mandat de 5 ans renouvelable. 34

S’attachant à l’esprit de la présente analyse, il sied de noter que les élections comme mode d’accession aux fonctions de député provincial, ne constituent pas une problématique sur laquelle l’on puisse s’attarder. Elles correspondent en effet à la logique d’une démocratie participative, qui s’appuie sur le peuple de qui découle le pouvoir d’attribuer ses voix à tout candidat de son choix35. En dépit des conditions auxquelles tout candidat désireux de devenir député provincial est soumis, la loi n’impose aucune autre exigence spéciale devant être remplie par les candidats présents sur les listes de vote.36

  • Cette acception est tirée du libellé des articles 2, 3 et 4 de la constitution, appuyé par la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces.
  • Voir Roland Pourtier, La République démocratique du Congo face au défi démographique, Institut français de relations internationales IFRI, Paris 2018, p. 13.
  • Art. 197 al. 4 Constitution.
  • Cfr Art. 101 al. 1 Constitution.
  • Cfr. Art. 197 al. 4 Constitution.
  • Voir Coumba Diop, Les figures du politique en Afrique : des pouvoirs hérités aux pouvoirs élus, Dakar, 1999, p. 88.
  • Cfr. Articles 10-21 de la loi électorale telle que modifiée par la loi n° 17/013 du 24 décembre 2017.
Des conditions de candidature à la députation provinciale

Les conditions générales requises à tout candidat sont posées à l’article 18 de la loi n° 17/013 du 24 décembre 2017.

Il est notamment question de la photocopie de la carte d’électeur, de l’acte ou attestation de naissance, un symbole ou logo du parti politique, la preuve de la démission ou de la demande de mise en disponibilité, en cas des fonctions incompatibles, et d’autres formalités fixées pour les candidats députés provinciaux à l’article 149 de la loi citée.

Manquement aux conditions de candidature

L’article 21 de la loi précitée énumère certains motifs précis empêchant l’aboutissement d’une candidature déposée en bonne et due forme. Il s’agit notamment du non-paiement de la caution électorale exigée, de l’absence de consentement donné par écrit du candidat ou la non- satisfaction des exigences reprises à l’article 18 de la Loi.

Par ailleurs, ces différentes conditions ne s’appliquent pas mutatis mutandis pour les candidats députés devant être cooptés. Cette deuxième catégorie est celle qui mérite le plus d’attention, étant donné qu’elle touche véritablement l’aspect formel des voies d’accession aux fonctions de député provincial telles que prévues par la loi.

  • Des députés cooptés

A l’instar de ceux élus au suffrage universel direct, les députés cooptés trouvent aussi leur substrat constitutionnel à l’article 197 alinéa 4. Cependant, la conception et la réglementation de cette deuxième catégorie d’élus provinciaux offrent une particularité relative d’abord aux conditions devant être remplies par tout candidat à coopter, à la procédure légale prévue à cet effet et enfin aux conséquences en découlant tant au sein des Assemblées provinciales qu’à l’extérieur de celles-ci.

L’analyse des conditions légales prévues pour la cooptation et les conséquences en découlant étendent le champ des textes à exploiter dans la présente étude. En effet, au-delà de la Constitution et de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008, elle s’appuie aussi sur la loi n° 15/015 du 25 Août 2015 portant statut des chefs coutumiers.

Ainsi, notre propos contourne -t-il les autres conditions générales applicables aux députés élus directement par le peuple pour se focaliser sur la condition sine qua non, qui n’est rien d’autre que celle de revêtir préalablement le statut de chef coutumier.

Le statut de chef coutumier comme condition sine qua non

L’analyse de cette condition va permettre d’établir les rapports entre la cooptation et le statut de chef coutumier. Pour ce faire, il sera présenté dans un premier temps de façon laconique le statut de chef coutumier, et dans un second temps, les motivations du législateur sur le choix de ce dernier sur les autres autorités locales ou rurales instituées en droit congolais.

C’est dans la connaissance de l’histoire socio-politique de la RDC qu’il convient de s’orienter pour mieux appréhender la place de choix qu’occupe l’autorité coutumière. C’est principalement dans la constitution du 18 février 2006 que le législateur reconnait et consacre l’autorité coutumière dans divers domaines de la vie publique.

Aux termes de l’article 207 de cette dernière, l’autorité coutumière doit être conforme et non contraire à la Constitution elle-même, à la coutume locale, à la Loi, à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

En dehors de cette réglementation générale constitutionnelle, la loi du 25 Août 2015 organise de manière plus concrète ce statut, et en précise de ce fait certains termes qui démontrent toute l’importance de la coutume en RDC. L’article 2 de la Loi précitée définit la coutume locale comme l’ensemble des usages, des pratiques et valeurs qui, par l’effet de la répétition et revêtus d’une publicité, s’imposent, à un moment donné, dans une communauté, comme règles obligatoires.

De même, le pouvoir coutumier désigne l’ensemble des mécanismes d’administration d’une communauté fondés sur les us et coutumes.37

Pour garantir une réglementation commode et s’assurer de son omniprésence dans la mise en œuvre du pouvoir coutumier ci-haut défini, l’Etat congolais instaure l’Institution Chef coutumier, dont l’Autorité s’exerce au sein des juridictions ou entités ci-après : la chefferie, le groupement et le village.38 De même l’exercice des fonctions de chef coutumier est soumis à certaines conditions fixées à l’article 5 de cette loi, notamment la nationalité congolaise, n’avoir pas fait l’objet d’une condamnation irrévocable à une peine privative de liberté pour infraction intentionnelle. Ces fonctions prennent fin entre autres par l’abdication, le décès ou la déchéance.39

Par ailleurs, au milieu de cette louable volonté de l’État de réglementer les fonctions de chef coutumier et de la mise sur pied de cette dernière, se cachent bon nombre d’interrogations, faisant naitre une vive curiosité sur les raisons ayant conduit le législateur à réserver la possibilité de cooptation aux chefs coutumiers. Cette question est d’autant plus élémentaire qu’elle met en parallèle le statut de chef coutumier et de différentes autres autorités exerçant leur pouvoir dans les plus petites entités territoriales de l’État.

Conformément à l’article 2 alinéas 1 et 2, et à l’article 3 de la Constitution, les différentes provinces énumérées dans la Loi fondamentale et les entités territoriales décentralisées représentent la composition de l’élément territorial de l’Etat congolais. Si la capitale, Kinshasa, et les autres villes du pays, par le fait de leur ouverture interculturelle mondiale et d’autres facteurs spécifiques, n’incarnent pas véritablement le rapprochement aux valeurs coutumières ou traditionnelles originales congolaises, il n’en reste pas moins que les autres entités, notamment les secteurs et la chefferie demeurent « heureusement encore » des localités dans lesquelles les acquis des traditions primaires congolaises sont traçables. Dans cette logique s’inscrivent aussi d’autres entités territoriales déconcentrées à l’instar des Territoires, dirigés par les Administrateurs.

Pour cette raison, il est légitime de s’interroger sur ce qu’il en serait si le législateur congolais devrait laisser le champ ouvert à toutes les autorités locales, dont l’exercice du pouvoir présente un rapprochement acceptable avec des populations habitant les coins les plus reculés du pays, de se faire coopter. Concrètement, aurait-il été inapproprié par exemple de rendre la cooptation possible pour un chef de secteur, un chef de quartier ou de chefferie ? Face à la difficulté d’en trouver une réponse assez claire dans la constitution et loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, il paraît plus plausible de s’appuyer sur l’interprétation téléologique de la loi du 25 Août 2015 et la loi n° 17/013 du 24 décembre 2017 sus mentionnées.

C’est essentiellement des dispositions de l’article 10 de cette loi que se dégage l’explication la plus adéquate au choix du législateur.

  • Cfr Art. 2.6 de la loi n° 15/015 du 25 Août 2015 fixant statut des chefs coutumiers.
  • Cfr. Art. 3 de la loi n° 15/015 du 25 Août 2015 fixant statut des chefs coutumiers.
  • Cfr. Art. 7 de la loi n° 15/015 du 25 Août 2015 fixant statut des chefs coutumiers.

Si la bonne marche de juridiction à laquelle il est invité rentre de toute évidence dans le cadre des tâches auxquelles sont conviées les différentes autorités de l’Etat dans leurs fonctions respectives, la mission d’assurer la pérennité des coutumes40 , quant à elle, constitue à notre avis, la plus propice et plus originale à son statut.

Il va sans dire que le chef coutumier est chargé de sauvegarder et faire respecter les valeurs traditionnelles morales, le patrimoine culturel, les vestiges ancestraux, veiller conformément à la loi, à la protection des espaces fonciers qui relèvent des terres des communautés locales.41 Aussi, au regard de la procédure prévue pour acquérir le statut de chef coutumier, il se dégage une différence essentielle d’avec les autres statuts notamment des conseillers de secteurs ou chefferie, qui au sens de l’article 211 de la loi n° 17/013 du 24 décembre 2017, devraient être directement élus au suffrage universel. Avec le chef de secteur, ces conseillers œuvrent au sein des entités territoriales décentralisées et occupent, dans une certaine mesure, une position dans l’Administration territoriale qui ne les rapproche pas véritablement du rôle « d’arrière- garde » de conservateurs des valeurs coutumières. Il en est ainsi pour les administrateurs de territoires dont l’étendue des compétences est plus large que celles des chefs coutumiers.

Il en découle que, l’autorité coutumière s’exerçant au sein de la chefferie, du groupement et du village, le chef coutumier s’affiche en autorité idoine à qui le pouvoir d’être copté est reconnu. Le fait pour lui d’être qualifié d’autorité locale au même titre que les autres, n’exclut pas qu’il est subordonné à l’Autorité publique, concrètement à l’autorité locale supérieure à lui, dont dépend notamment son investiture42. Dans le cas d’espèce, il peut s’agir d’un Administrateur de territoire ou d’un chef de secteur. Le chef coutumier incarne, en effet, une institution placée en bas de l’échelle, sans laquelle la protection des valeurs traditionnelles congolaises intrinsèques seraient mises en péril. Réserver la cooptation aux autorités coutumières est un moyen pour le législateur de mettre en valeur cette juridiction essentielle à la conservation du patrimoine traditionnel. Ceci est enfin une façon d’éviter que le chef coutumier, dans l’hypothèse où il serait candidat aux élections, exerce une certaine influence, voire de nature superstitieuse, sur les membres de sa juridiction, afin d’arracher leurs voix de force.

C.    Compatibilité ou incompatibilité de la cooptation avec le modèle démocratique congolais

Parler d’un modèle démocratique congolais peut, a priori, paraître osé au regard du caractère jeune de la démocratie en question, au vu notamment du nombre des scrutins que connait l’Etat congolais. Indépendante depuis 1960, la RDC, n’a connu que trois fois la tenue des élections législatives et présidentielles démocratiques dont les dernières en décembre 2018. Le prochain scrutin prévu en décembre 2023 en sera ainsi le quatrième.

Cela étant, si de son histoire politique se dégagent clairement le besoin et la nécessité de s’améliorer, il n’en demeure pas moins que sa conception de la démocratie est intimement liée aux diverses contraintes culturelles, faisant d’elle un modèle typiquement congolais, sans lui enlever, cependant, son caractère voire sa vocation universellement dynamique. C’est à ce titre qu’elle est fortement confrontée à une nécessité d’adaptation aux contextes congolais.

Le législateur semble l’avoir tellement bien saisi qu’il a, dans cette optique, mis en exergue le statut de chefs coutumiers dans la représentativité démocratique locale, en octroyant à ce dernier la faculté d’accéder aux fonctions de député provincial par voie de cooptation.

  • Cfr. Art. 10 de la loi n° 15/015 du 25 Août 2015 fixant statut des chefs coutumiers.
  • Cfr Art. 10 de la loi n° 15/015 du 25 Août 2015 fixant statut des chefs coutumiers.
  • Cfr Articles 6, 11-17 de la loi n° 15/015 du 25 Août 2015 fixant statut des chefs coutumiers.

Cette conception ne fait, néanmoins, aucune unanimité, si bien qu’il se dégage d’un côté, les arguments pro cooptation et de l’autre, ceux remettant en cause sa compatibilité avec la démocratie congolaise.

  1. Réflexions sur la compatibilité

Les arguments à ce stade se regroupent en deux tendances : la cooptation comme protectrice des coutumes locales et la cooptation comme propice au développement d’une démocratie congolaise encore embryonnaire.

Cooptation comme instrument protecteur du patrimoine traditionnel

Cette tendance est en réalité une conséquence logique des arguments avancés pour essayer de comprendre le choix du législateur sur les chefs coutumiers en lieu et place d’autres autorités exerçant leurs compétences au niveau local.

Les députés cooptés, au travers de leurs interventions, de leur action parlementaire, placent au premier plan le souci de protéger les coutumes locales de différents territoires dont ils sont originaires.

Néanmoins, cet aspect des choses ne tend pas à remettre en question la protection desdites coutumes par les députés élus. D’ailleurs il faut rappeler que ce sont les élus qui cooptent les chefs coutumiers préalablement désignés par les Assemblées ci-haut mentionnées. La cooptation et/ou la désignation se rapproche beaucoup plus du mode traditionnel ancestral par lequel le pouvoir hérité fut transmis43. De cette manière, celle-ci est d’abord sur le plan formel une expression de conservatisme ou un prolongement du mode de transmission de pouvoir ancestral, et ensuite une façon pour le législateur de bien encadrer l’action des Assemblées provinciales en ce qui concerne la place des coutumes dans un tel Organe délibérant.

Cooptation comme expression adéquate d’une démocratie en balbutiement

Que la démocratie congolaise balbutie, cela relève d’un constat général, susceptible d’être attesté de diverses manières. Ces balbutiements s’inscrivent dans la logique d’une démocratie ayant été secouée peu après l’indépendance par le coup d’Etat du 24 Novembre 1965, la longue période du monopartisme, les vives tensions socio-politiques et les contentieux qui entourent chaque organisation des élections44. Certes, ces intempéries socio- politiques ne sont pas l’apanage de la démocratie congolaise, mais il convient de relever qu’à l’instar de nombreux Etats d’Afrique sub-saharienne notamment, elles sont teintées d’un caractère très violent tendant à remettre en cause la crédibilité de l’ensemble du processus électoral et de la vérité des urnes.

Cette acception ne tend pas à soutenir l’idée selon laquelle la cooptation aurait permis l’éradication miraculeuse de différents conflits qui naitraient des élections, au point que même le président de la République devrait être coopté. Il est simplement à noter que la cooptation permet de réduire les chances de parvenir à des tensions ou contentieux. Aussi, était-il permis de penser que la cooptation appliquée aujourd’hui aux chefs coutumiers candidats sont susceptibles, soit d’être abrogée pour ne laisser place qu’aux élections, soit d’être étendue au niveau de l’Assemblée nationale, de sorte que les coutumes locales bénéficient aussi d’une bonne garantie de protection comme dans les Assemblées provinciales.

  • Voir Coumba Diop, Les figures du politique en Afrique : des pouvoirs hérités aux pouvoirs élus, Dakar, 1999, p. 88.
  • Voir Roger Thamba Thamba, « contentieux de l’élection présidentielle devant la Cour constitutionnelle congolaise : esquisse de question d’ordre procédural », Librairie africaine d’études juridiques, Kinshasa, 2017, p. 616.

En clair, nous soutenons qu’elle que la cooptation reflète l’image d’une démocratie encore encours de progression. Entre conception universelle de la démocratie et contrainte d’adaptation aux impératifs socio-culturels congolais, elle occupe une place non négligeable.

2. Réflexions sur l’incompatibilité

Les points de vue évoqués dans ce point tendent à présenter la cooptation comme frein à l’émergence de la démocratie participative et portant atteinte à la légitimité des députés cooptés.

Cooptation comme frein à l’émergence de la démocratie participative

Comme décrit laconiquement sous le point relatif à la procédure de cooptation, les chefs coutumiers devant accéder aux fonctions de députés provinciaux échappent aux élections directes par le peuple. De cette façon, le peuple en sa qualité de souverain primaire se voit soit retirer son pouvoir de choix, soit diminué ou limité dans ce dernier. Eu égard au visage de la démocratie congolaise, qui se veut encore progressive, mieux sinon constructive, rendre le droit de vote inclusif, démuni de toute restriction ou limitation, permettrait au peuple de lui donner la pleine confiance, de lui assurer sa véritable place dans les différents processus électoraux devant aboutir à l’investiture de ceux désireux de siéger comme représentant du peuple au niveau des Assemblées provinciales.

Néanmoins, il importe de signifier que ces députés désignés, par le fait de leur cooptation par les députés élus45, ne s’éloignent pas complètement de l’expression ou de la volonté électorale du peuple. Dans le concret, l’on peut en déduire en une sorte de suffrage universel indirect, lequel se trouve matérialisé par les députés choisis directement par le peuple. En d’autres termes, les cooptés sont aussi indirectement une émanation de la volonté du peuple. Aussi, eu égard aux coutumes qu’ils sont censés représenter et protéger dans les Assemblées provinciales, serait-il concevable d’admettre qu’ils agissent au nom du peuple, à qui lesdites coutumes appartiennent. Qu’à cela ne tienne, la mise en musique de la cooptation présente dans les contextes ci-hauts décrits plus de limitation que de liberté à l’exercice du droit de vote reconnu au souverain primaire. De cette limitation peuvent naître le sentiment de déconsidération dans le chef du peuple, mais aussi le sentiment, voire l’illusion de n’être en rien redevable du peuple dans le chef des députés cooptés, et ce au mépris des textes légaux et réglementaires qui les placent sur le même pied d’égalité que les élus, et les soumettent, par conséquent, aux mêmes obligations.

Cooptation comme restreignant la pleine légitimité des députés provinciaux

Ce point se rapporte essentiellement aux relations internes entre membres des Assemblées provinciales, qui, au rebours des prescrits légaux régissant leurs statuts en ce qui concerne les avantages et privilèges dont ils doivent bénéficier, mieux de leur légitimité, semblent, dans la pratique, échouer. Différents témoignages rapportés font état d’une situation criante qui accuse plusieurs manques qu’il convient de revoir.

En analysant, sur terrain, l’étendue de l’action laissée aux députés cooptés, il en résulte que ceux-ci sont sans rires victimes d’un traitement déshonorant leur statut. A titre illustratif, il est rapporté que leurs opinions, leurs différents avis ne jouissent pas généralement d’une particulière attention ou d’un assentiment auprès de leurs collègues élus. Certains se plaisent à leur signifier que leurs fonctions seraient simplement consultatives, dans ce sens que leur plus grand devoir se limiterait à veiller sur le respect des coutumes, lequel respect pouvant par ailleurs mieux être apporté même sans leurs concours.

  • Cfr. Art. 153 de la loi n °061006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales.

La conséquence la plus préjudiciable, et malheureusement logique de cette situation, est l’absentéisme, voire l’inertie ou la nonchalance caractérisée des députés coptés aux séances plénières et diverses activités.

En dehors de ces maux, il se révèle aussi un véritable non-respect de procédure et un manque de suivi efficace permettant la désignation d’abord et la cooptation ensuite de personnes revêtues effectivement du statut de chef coutumier. Les contours électoraux sont tel qu’à cause du manque de patriotisme et de la politique du ventre, des citoyens miraculeusement devenus chefs coutumiers, saisissent la balle au bond pour se faire coopter et accéder aux fonctions des députés provinciaux. Dans cette optique, la motivation est loin d’être l’intérêt général ou la protection des coutumes, qui pis est, sont non maitrisées. Elle est plutôt la poursuite de l’autosatisfaction au détriment de l’Etat. Quoique ce triste constat soit aussi susceptible d’être fait auprès des députés élus, il se conjugue chez les cooptés avec une intention d’obtention

« par voie de facilité » d’un statut politique honorifique.

D.    La cooptation à la lumière de la jurisprudence : Aperçu sur l’affaire chef coutumier Kiri Bauma contre Bazima Bakangu46

Aussi abondante que paraisse la jurisprudence en matière du contentieux électoral en droit congolais de manière générale, celle-ci affiche une tendance plutôt lente et évolutive en ce qui concerne la cooptation. Evolutifs et lents en effet, par ce que sur plan national, les contentieux électoraux relatifs à la cooptation n’ont pas encore atteint l’ampleur dont jouissent de nombreux litiges électoraux portant notamment sur les députés élus, voire les candidats présidents de la République. Du litige « chef coutumier Kiri Bauma » seront dégagées les conséquences sur les rapports entre la cooptation dans les contextes ci-haut décrits, les juges et l’organe chargé de l’organisation des élections.

  1. Présentation sommaire des faits

En vertu d’une requête introduite à la Cour d’Appel de Goma, le chef coutumier Kiri Bauma, agissant au premier degré, sollicite de la juridiction l’annulation de la cooptation d’un autre chef coutumier, le nommé Bazima Bakangu, du territoire de Nyiragongo dans la province du Nord-Kivu. Face à l’irrecevabilité de la requête prononcée la Cour d’Appel, au motif du défaut de qualité pour sa saisine, étant donné que le nom du requérant aurait été non repris sur la liste des chefs coutumiers sélectionnés aux fins de cooptation, le concerné saisit le Conseil d’Etat (REA 125).

Pour sa part, le Conseil d’Etat déclara la requête recevable et fondée, annulant ainsi la cooptation du chef coutumier Bazima Bakangu en faveur de Kiri Bauma. Devant cette décision, le chef coutumier Bazima introduisit une requête en rectification d’erreur matérielle sous REA 155/125. En dernier ressort, la demande de rectification fut dite irrecevable en raison de non-respect des mentions substantielles47.

  1. Bref aperçu sur la saisine et son effet

Si la cooptation comme mode d’accession aux fonctions de député provincial échappe à la procédure prévue pour les élections, la résolution des litiges en résultant obéit néanmoins aux mêmes règles. Le délai endéans lequel la juridiction compétente, c’est-à-dire la Cour administrative d’Appel, doit être saisie est de 48 heures suivant la notification des copies du procès-verbal de désignation par la commission électorale indépendante.48

  • Cfr Arrêt 155/125 du Conseil d’Etat, Bulletin des arrêts en contentieux électoraux 2006-2007, p. 109.
  • Les mentions substantielles dans le cas précis renvoient aux mentions obligatoires qu’une requête devant être déposée en justice doit comporter sous peine d’irrecevabilité. Il est par exemple question des noms des parties et selon le cas, de ceux qui les assistent. Cfr Art. 74 ter de la loi électorale.
  • Cfr. Art. 157 de la loi électorale telle que modifiée par la loi n° 17/013 du 24 décembre 2017.

En marge de la question relative au délai, il importe de s’interroger sur l’effet de la procédure sous examen sur le statut de du député copté. Cette question se rapporte, dans les faits, au mérite que présenterait un recours en contentieux de cooptation. Ainsi, la question de savoir si ce recours a un caractère suspensif ou non résulte de l’interprétation de l’article 157 in fine de la loi électorale. Aux termes de cette disposition légale, une expédition de l’arrêt est notifiée à la Commission électorale nationale indépendante, au candidat et au Bureau provisoire de l’Assemblée provinciale.

Il en résulte que le recours en appel en cette matière n’a pas un effet suspensif. En effet, le bénéficiaire d’un arrêt rendu au premier degré siègera valablement jusqu’à la prise de décision devant être rendue en appel contre l’arrêt dont il est bénéficiaire. C’est sur cet aspect qu’apparaît la différence d’avec l’appel en droit commun, qui revêt un caractère suspensif.49

  • Réflexions autour des décisions de la Cour d’appel de Goma et du Conseil d’État

sur la qualité du requérant

Comme indiqué dans la présentation des faits, le Conseil d’Etat adopte une attitude tout à fait contraire à celle de la cour d’appel de Goma. Sa position s’éloigne complètement de celle de la Cour d’appel, pourtant basée vraisemblablement sur des motifs légalement justifiables.

Il y a lieu de rappeler que la Cour a relevé le défaut de qualité au près du chef coutumier Kiri Bauma, car ce dernier ne figurait ni sur la liste des chefs coutumiers présélectionnés, ni désignés au niveau du chef-lieu de la province. Il est dans ce cadre légitime de s’interroger sur les conditions à remplir afin de voir sa requête en cette matière aboutir. De la lecture de l’article 157 de la loi électorale, il n’apparaît pas clairement les conditions sous lesquelles une plainte peut être initiée. La loi électorale de 2011 prévoyait en son article 73 notamment les regroupements politiques et le candidat ou son mandataire. C’est donc en s’appuyant sur le droit commun qu’il convient de conclure qu’il s’agit de toute personne ayant un intérêt dans le litige.50

La cooptation obéissant à une procédure particulière, les chefs coutumiers étant apolitiques et par conséquent attachés en aucun parti politique,51 il serait illogique de penser à une plainte devant être déposée par une formation politique quelconque pour aboutir. Bien plus, l’intéressé ici serait logiquement un autre chef coutumier, ayant été préalablement sélectionné par le l’Assemblée des chefs coutumiers mais dont la cooptation aurait échoué à la suite d’une irrégularité dans la procédure légale y relative, de sorte que cette situation profiterait à un autre candidat.

La Cour, confrontée au constat d’après lequel le chef coutumier Kiri Bauma ne fut partie au processus de désignation, et de ce fait pas concerné par la cooptation, ne présentait aucun intérêt susceptible de lui reconnaître ou accorder l’aboutissement de la requête par lui présentée.

Nonobstant cette conclusion de la cour, le Conseil d’Etat se prononça en faveur du chef coutumier Kiri Bauma et annula purement la cooptation de son homologue coopté, Bazima Bakangu.52 Devant cette décision du Conseil d’Etat, il est plausible d’analyser la portée des moyens probants dont le juridictionnel est convié à tenir compte en statuant.

Conclusion

En s’appuyant sur l’essence du concept « démocratie » et de sa tendance dynamique dans les contextes socio-politiques congolais, la présente analyse s’est donné pour principale tâche la compréhension de l’option levée par le législateur d’instituer la cooptation à côté des élections comme mode d’accession aux fonctions de député provincial.

Au-delà de simples définitions des concepts « démocratie », « élection » et « cooptation », la première partie, essentiellement théorique, a permis de mettre en exergue les liens entre ces derniers et la légitimité. Il est à admettre, d’un point de vue formel, que les élections se rapprochent beaucoup plus de l’essence originelle de la démocratie au regard de la possibilité qu’elle octroie au peuple de participer directement au choix de ses gouvernants. Parallèlement, il y a lieu de reconnaître que la cooptation reflète un mode tendant à restreindre l’acception de la démocratie sans pour autant s’en dissocier complètement. De toute évidence, au-delà de la portée formelle de ces deux modes d’accession au pouvoir, la satisfaction de l’intérêt général et le respect des principes majeurs caractérisant un Etat de droit, demeurent les objectifs les plus essentiels auxquels les députés élus et cooptés sont appelés à concourir.

La seconde partie du travail a étalé les rapports existants entre les fonctions de député provincial, particulièrement coopté, et la démocratie au renforcement de laquelle les Assemblées provinciales sont aussi conviées à œuvrer. C’est dans la perspective d’une politique de proximité avec les populations locales, renforcée par la nécessité de la sauvegarde des coutumes locales qu’apparaît la portée de la cooptation telle que régie en droit congolais ; c’est-à-dire, un mode d’accession aux fonctions de député provincial assorti d’une condition sine qua non à savoir, revêtir le statut de chef coutumier.

De cette analyse, il est plausible d’arguer que dans les contextes socio-politiques congolais, la cooptation n’est pas négation d’une démocratie inclusive et dynamique. Son institution permet de reconnaître à la législation congolaise le mérite de concilier coutumes et démocratie d’abord, puis coutumes et élections ensuite, de manière à en ressortir un rapport de compatibilité. Afin de garantir une complète réussite de ces rapports de compatibilité et le renforcement de la démocratie, il revient à l’Etat d’assurer le respect de la procédure légale de cooptation, tout comme celle des élections53, de s’assurer de l’indépendance de l’Organe chargé d’organiser les élections et des juridictions devant connaître du contentieux électoral54.

  • Voir The carter center, Obligations et normes électorales, Atlanta, 2014, p. 40
  • Voir Muhigirwa Rusembuka, « Elections du 28 novembre 2011 en RD Congo : regardons où nous risquons d’aller », Congo-afrique, n° 462, février 2012, p.84.

Par Anicet Senker Mazuni*

Résumé

Avec plus de sept-cents (700) partis politiques formellement enregistrés en République Démocratique du Congo, le multipartisme qui constitue une donne sine qua non à toute démocratie représentative, créé de l’anarchie sur l’arène politique. Les partis sans représentation nationale, ni idéologie claire, servent des mallettes aux grands partis, et rendent le jeu démocratique déloyal, non concurrentiel.

L’introduction du seuil de recevabilité par la loi électorale est censée apporter des solutions à ce problème dans la mesure où elle contraint les partis politiques à avoir un seuil de représentativité nationale de 60% pour que leurs candidatures aux élections législatives soient validées : un parti politique est donc jugé recevable au processus électoral s’il présente au moins 300 candidats aux seules élections législatives.

Dans l’impossibilité de répondre à ces exigences, les partis politiques vont contourner la loi et se livrer à des pratiques de sélections de candidats qui auront un impact significatif sur ce que sont censées devenir les assemblées délibérantes après le processus électoral. C’est dans ce contexte que cette étude questionne le profil des candidats aux élections législatives au regard de l’introduction du seuil de recevabilité. Elle analyse les motivations qui guident le choix des candidats à présenter par les partis politiques au processus électoral, et établit un lien entre ces futurs dirigeants et le mode de gestions qu’ils proposeront.

Mots clés : Seuil de recevabilité, profil de candidats, loi électorale, élections législatives.

Abstract

With more than seven hundred (700) political parties formally registered in the Democratic Republic of Congo, the multi-party system, which is a major Condition for any representative democracy, creates anarchy in the political arena. Parties without national representation or a clear ideology serve as briefcases for the big parties, and make the democratic game unfair, non-competitive.

The introduction of the admissibility threshold by the electoral law is supposed to provide solutions to this problem insofar as it obliges political parties to have a threshold of national representativeness of 60% for their candidacies in the legislative elections to be validated: a political party is therefore considered admissible in the electoral process if it presents at least 300 candidates in the legislative elections alone.

Unable to meet these requirements, political parties will circumvent the law and engage in candidate selection practices that will have a significant impact on what deliberative assemblies are supposed to become after the electoral process. It is in this context that this study questions the profile of candidates in the legislative elections with regard to the introduction of the admissibility threshold. It analyses the motivations that guide the choice of candidates to be presented by political parties in the electoral process, and establishes a link between these future leaders and the management style they will propose.

Keywords: Admissibility threshold, candidate profile, electoral law, legislative elections.

Introduction

Depuis l’entrée en vigueur de la Constitution du 18 février 2006, la République démocratique a quatre fois organisé les élections (2006, 2011, 2018 et 2023). Il s’observe des crises de légitimité après chaque cycle électoral le plus souvent dues aux irrégularités de ces processus. La loi électorale est à chaque fois revisitée, et les retouches apportées concernent plus généralement la transparence des opérations de vote, le mode de scrutin et la certification des résultats qui participent à l’amélioration du système électoral1.

À la lumière de l’une des innovations apportées à la loi électorale, loi n°22/029 du 29 juin 2022 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locale telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011, la loi n°15/001 du 12 février 2015 et la loi n°17/013 du 25 décembre 2017, dispose « l’introduction du seuil de recevabilité des listes au prorata de 60% de sièges en compétition ». Cette disposition contraint les partis politiques à atteindre le nombre minimum de 300 candidats pour la rétention de leur liste au processus électoral. L’esprit de cette loi est qu’il ne serait pas possible pour un parti politique de réunir au moins 300 candidats s’il n’a pas de représentation nationale.

Dans la difficulté de satisfaire aux exigences de la loi, les partis politiques se sont trouvé des moyens peu orthodoxes pour les contourner, et se détourner de l’objectif pour lequel ce seuil de recevabilité a été introduit. Puisqu’ils ne peuvent pas aussi facilement réunir au moins 300 candidats aux seules élections législatives, à cause notamment de leur non représentativité au niveau national, les partis politiques vont procéder à des sélections massives des candidats sans tenir compte de leur profil, moins encore de leur appartenance politique : l’essentiel étant la satisfaction aux exigences de la loi.

Considérant que l’élection est une forme de délégation partielle du pouvoir du peuple à un groupe d’individus qui le représente, la question sur le profil de candidat mérite d’être analysée. Alors que dans certaines démocraties assez avancées, la sélection des candidats aux élections législatives passe par les élections primaires, dites ‘la démocratie interne’ –les candidats sont choisis par les membres qui composent ce parti politique-, en République démocratique du Congo par contre, cette sélection se fait pour obéir aux exigences de la loi : la qualité et le profil des candidats n’étant nullement une préoccupation.

Bien que la loi électorale congolaise prévoie les critères pour être candidat, le processus de sélection de ce dernier reste obscur : certains parviennent même à le qualifier de « Jardin secret de la politique »2. L’introduction de seuil de représentativité est-elle venue amplifier le problème relatif au profil de candidat aux élections ou est-elle venue pour régler le problème de multipartisme politique en République Démocratique du Congo ?

C’est cette question qui fait objet de notre étude. Elle analyse la question de la sélection des candidats au regard de l’introduction de seuil de recevabilité pendant le processus électoral. Le contenu de cette étude est à retrouver dans deux (2) points : la compréhension des concepts clés de l’étude et une discussion théorique sur les auteurs ayant abordé la question relative au profil de candidats aux élections (I), les enjeux et motivations de la sélection des candidats par les partis politiques à présenter aux élections (II), pour enfin chuter sur des recommandations à aborder à la conclusion du travail.

1 Lire l’exposé des motifs de la loi n°22/029 du 29 juin 2022 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locale telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011, la loi n°15/001 du 12 février 2015 et la loi n°17/013 du 25 décembre 2017. 2 M. Gallacher, M. Marsh, Candidate selection in comparative perspective : The Secret Garden of politics, Londres, Sage, 1988.

  1. Aspect théorique et normatif de l’étude

Cette partie sert à donner de la lumière tant théorique que réglementaire à l’étude en décortiquant des concepts clés de l’étude, en faisant recours aux théories qui fondent et en esquissant l’aspect normatif en République démocratique du Congo de ladite thématique.

  1. Fondement théorique et aspect conceptuel de l’étude

L’étude se fonde sur la théorie de recrutement de Lackhar3 qui stipule que le recrutement a pour finalité de doter les entreprises des employés dont elles ont besoin et disposer ainsi des ressources humaines nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés. Cette théorie s’ancre dans cette étude en démontrant que le processus de recrutement par une formation politique ne peut se baser sur la compétence et la capacité d’un candidat à apporter aux institutions et non aux appétences politiques.

Un candidat qui doit être présenté, quelle que soit son obédience politique, doit d’abord répondre au profil d’un homme d’État. L’État, comme une entreprise, exige aussi des critères de recrutement pour le personnel voulant y travailler. Ces critères facilitent l’intégration de ce personnel à ses exigences et ses priorités. C’est ainsi que l’objet d’une quelconque candidature à l’État doit à priori répondre aux attentes de ce dernier. D’où, au-delà du désir ou d’ambition politique, le choix d’une candidature doit se déterminer sur le besoin de l’État. C’est pourquoi, Martory et Crozet affirment que « le processus de recrutement est un élément essentiel de la politique des ressources humaines de l’entreprise ; il peut en effet influencer dans des directions totalement contraires à l’état du potentiel humain d’une unité »4.

Le recrutement, tout comme la sélection, est incontournable dans le cycle de vie d’une organisation comme l’Etat. Il engage l’organisation dans une démarche vers le succès ; comme qui dirait : il faut une bonne personne au bon endroit, un bon candidat pour espérer une gestion responsable de l’État.

En effet, la sélection des candidats est communément définie comme étant l’ensemble des mécanismes intra-partisans non standardisés et non règlementés par les formations politiques qui choisissent les candidats5. Désigner un candidat ne répond pas à une règlementation stricte et universelle. Chaque formation politique, en conformité avec les critères d’éligibilité émis par les textes législatifs, s’adonne aux modalités de sélection des candidats aux élections. Cette liberté partisane octroie plus de responsabilité aux partis politiques de choisir ses candidats. L’absence largement répandue des règles entourant la désignation des candidats6 revêt tellement d’importance qu’elle fait partie des caractéristiques centrales de la définition de cette fonction partisane. La Belgique fait partie des nombreux pays dans lesquels il n’existe pas de règle légale quant à la méthode de sélection des candidats7. Cette même situation se vit en République démocratique du Congo.

Choisir un candidat est une action démocratique qui se nécessite dans l’organisation des élections.

  • Lackhar, processus de recrutement, Ed. Genève, 2008, P.24
  • Martory et Crozet, gestion des ressources humaines, Ed. Fernand, Paris, 1984, P. 36
  • Reuven Y. Hazan, Gideon Rachat, Democracy within Parties : Candidates Selection Methodes and Their Political Consequences, Oxford, Oxford University press, 2010, p. 4
  • Il n’a que dans quelques rares pays que la sélection des candidats est régie par la loi, comme l’Allemagne (obligation pour le parti de faire intervenir ses membres dans le processus) ou l’Argentine et la Finlande (obligation pour le parti d’organiser des primaires)
  • F. Bouhon, droit électoral et principe d’égalité. L’élection des Assemblées législatives nationales en droits allemands, belge et britannique, Bruxelles, Bruyalant, 2014 ; F. Bouhon, J. Dodeigne, A. Vanderleene, la confection des listes des candidats : règles juridiques et pratiques politiques, in F. Bouhon, M. Reuchalps (dir.), lessystèmes électoraux de la Belgique, 2ème édition, Bruxelles, Bruylant, 2018, P. 193-214

C’est la chaine de délégation, la colonne vertébrale du système de démocratie représentative. La sélection est aussi l’une des actions les plus importantes, mobilisant des acteurs ayant des objectifs divers et parfois contradictoires, ce qui nécessite de trouver le compromis entre, d’une part, le contrôle exercé par le centre, et, de l’autre part l’autonomie associée à la démocratie locale8.

Une juste métaphore serait celle de l’offre et de la demande9. L’on dirait que l’offre se lance

aux formations politiques, il s’agit des partis politiques, des regroupements politiques.

Ces derniers déterminent et définissent les candidatures. Ils fixent de criterium qu’ils jugent appropriés dans la sélection des candidats au regard des objectifs qu’ils visent. Face à ce pouvoir stratégique, les partis ou les plates forment politiques dégagent une typologie des citoyens à porter à la liste des élections législatives. Il y a ceux qui sont de bons candidats, lesquels à tout prix doivent briguer la législature et ceux qui sont des candidats des formalités, les figures des proues. La demande de sa part, elle est saisie par les individus désireux de prendre part aux élections. Ils posent leurs candidatures en conformité des règles d’éligibilité. Cherchant à faire valoir leurs candidatures, ils se valorisent sur les ressources politiques. Il s’agit des ressources financières, sociales (réseaux politiques), expériences au sein du parti, flexibilité dans la carrière, niveau d’éducation, etc10.

Par ailleurs, la sélection des candidats ne détermine non seulement le choix proposé aux électeurs mais aussi la composition des chambres des communes et donc du gouvernement, en Grande Bretagne. Du point de vue des adhérents, l’influence exercée sur ce processus de sélection est souvent considérée comme une justification majeure de l’adhésion. Ce processus est donc à la fois une arène permettant l’expression des conflits de pouvoir interne et le moyen par lequel les partis contrôlent le recrutement et le comportement des élus11. En Grande-Bretagne, comme dans la plupart des pays européens, la sélection des candidats est considérée comme prérogative des élections locales mais cette prérogative reste étroitement liée par les centres, les militants étant régulièrement accusés de sélectionner des candidats peu représentatifs de l’électorat. Cette sélection est l’une (voire la) fonction fondamentale des partis politiques dans les démocraties représentatives12. Pour le parti conservateur, en grande partie les modes de sélection des candidats parlementaires, leurs failles et les réformes introduites en 199813 se fondaient pour améliorer le dispositif.

Peter Mair14 évoquait par exemple, en 1994, un fonctionnement qu’il appelle « stractarchique » du parti conservateur, c’est-à-dire permettant aux différentes composantes de fonctionner comme des strates disposant chacune des compétences et des prérogatives propres.

  • Pour une évaluation de l’impact des réformes récentes adoptées par les trois partis majoritaires en matière de sélection des candidats, voir par exemple Rhys Williams & Akash Paun, Party people : How do-and how should-brihs political parties select their parliamentary candidates ? Londres : Institute for Goverment 2011 et Peter Riddell, candidate selection. The Report of the commission on candidate selection, Londres : Electoral Reform Society, 2003.
  • P. Norris (éd.), Passage to power, legislative recrutement in Advanced Democratiesn Cambridge, Cambridge University Press, 1997).
  • Cette réflexion en terme de ressources stratégiques nécessaires à la conduite d’une carrière politique o également été

développée et appliquée au cas Belge par A. Eraly, le pouvoir enchainé, être ministre en Belgique, Bruxelles, Labor, 2002.

  1. Reuven Y. Hazan, Gideon Rachat, op.cit., pp 6-12
  2. Giovani Sartori, parties and party système, New York : Harper&Row, 1976.
  3. William Hague, A fresh future for the conservative party, Londres : conservative central office, 1997.
  4. Peter MAIR, party organisations : from civil society to the state, in Richard S. KATZ & Peter MAIR (eds.) How Parties organize : change and adaption in Party organisations in western Democracies, Londres : sage, 1994, PP 1-22).

Plus explicitement, Kenneth Carty15 évoque le modèle du « parti-franchise » permettant de clarifier la relation entre le siège et les sections locales en composant ces dernières à des franchises du parti, dont le rôle est bien de diffuser et vendre la « marque » conservatrice mais qui disposent d’une grande autonomie, voir fonctionnement de manière semi-autarcique comme en témoignent notamment leurs modes de sélections des candidats.

S’il est difficile de cerner le mode opératoire évoqué par ces théoriciens au regard des formations politiques, le choix des candidats tel qu’explicité est un exercice que chaque société aborde lors du processus électoral. Celui-ci est une activité qui permet aux parties prenantes aux élections de présenter une liste ; cette liste présentée doit être confectionnée aux attentes de chaque parti pour la conquête du pouvoir.

Cependant, cette thématique souscrit une pluralité des concepts à définir. Il s’agit : le rôle représentatif, le profil du candidat, les élections ; le seuil de recevabilité.

Le rôle représentatif est une notion de sciences politiques. Cette notion cherche à étudier les modèles liés aux comportements ou aux attitudes des membres du parlement. Elle est abordée dans cette étude dans l’idée d’élucider le comportement des éventuels candidats dans l’idéal d’une démocratie représentative. Ce rôle est capital pour définir le type des candidats pour ce qui les attend une fois aux institutions politiques. Il parait donc plausible d’examiner la relation entre les institutions et les acteurs et/ou les éventuels acteurs.

Jean-Claude Wahlke16 définit le rôle représentatif comme un ensemble de normes du comportement plus attaché au système et à sa structure qui a la nature de l’individu. D’après les politologues March et Olsen, « analyser les rôles permet d’améliorer l’explication et la prédiction du comportement législatif »17. On pourrait dégager le caractère des valeurs qui doit lier un représentant, par surcroît un candidat, à son électorat par rapport à sa mission de représentativité. Le rôle législatif, lui, est apparu dans les années 1950 afin de saisir la relation entre les citoyens et leurs représentants. Cet aperçu conjugue un acte de rapprochement entre les deux parties. Tout d’abord, le représentant doit s’attacher ou être attaché à un besoin émanant de sa structure, sa base, société. Si la structure sociale est compliquée, les représentants peuvent avoir des difficultés à comprendre les attentes sociales des citoyens.

Déjà dans un contexte où il y a rupture entre la volonté du politique et la volonté citoyenne, la finalité de l’exercice politique est effritée. A cet effet, la théorie structuro-fonctionnaliste affirme que la culture des partis politiques peut affecter la perception du rôle représentatif. En 2009, Thomas ZITTEL, professeur de politique comparée en Allemagne, développe davantage l’approche des structuro-fonctionnalistes18. Selon lui, les partis agissent comme agents de socialisation qui influencent directement l’orientation du rôle représentant. En ce sens, le parti a une grande responsabilité dans le comportement d’un représentant.

D’abord, un candidat est un tout citoyen qui respecte les conditions de candidature édictée par les principes tels que la nationalité, l’âge, l’éligibilité, et tant d’autres dispositifs pris par la loi électorale. Reconnaître le profil d’un candidat est une chose bien compliquée à définir.

  1. Kenneth Carty, « Parties as Franchise Systems : The Stratarchical organisationnal Imperative, Party Politics », Vol 10, n°1, 2004, PP. 5-24.
  2. J.C Wahlke, H. Eulau, w. Bucharan and L. C. Ferguson, The Legislative system. Explorations in Legislative Behavior, New York, Wiley, 1962.
  3. J.G. March et J.P Olsen, Rediscovering Institutions, New York, Free Press, 1989
  4. Thomas Zittel, Legislators and Their Representational Roles strategic. Choices or Habits of The Heart ?, Blomgren, M. Rozenberg, (2012), parliementary. Roles in modem Legislatures, Routledge, 2009, P. 1-9.

Cette question n’est pas aisée et fait face à la culture politique. « En politique, le vote ne constitue pas seulement un test pour la représentativité des forces politiques mais il combine plusieurs dimensions, notamment traduire un sentiment d’appartenir à un groupe (une classe sociale…). Traduire le sentiment, à travers le rituel du bureau de vote, de partager des valeurs collectives nationales ou consensuelles, participer à une institution démocratique (dimension collective), exprimer des motifs subjectifs (dimension individuelle). « C’est l’ensemble de ces dimensions qui renvoie aux fonctions sociales du vote. Ainsi, si voter est un acte civique, …, le choix d’un candidat est déterminant. Il doit être basé sur des critères objectifs et impersonnels »19.

Dans ce cas, un bon candidat doit être : altruiste, c’est-à-dire revêtir d’une mission collective qui dépasse sa petite personne. Serviteur, il doit être au service du peuple et doit porter l’espoir de son électorat (population). Il doit être capable de détenir, défendre son projet de société, celui de son parti et/ou regroupement politique, et doit répondre aux besoins de son électorat avec des actions réalistes, ambitieuses et viables. Avoir la bonne qualité personnelle, morale, spirituelle et rationnelle. Avoir une compétence. Le savoir-faire, l’instruction et l’expérience doivent conduire la responsabilité du candidat.

  • Fondement légal de l’étude

La sélection des candidats est définie d’une manière dépendante selon les partis politiques. Ce qui veut dire que chaque parti ou organisation politique exerce ses prérogatives en ce qui concerne la sélection des candidats. L’absence largement des règles entourant le processus de désignation et de sélection laisse croire à un vide. Cela étant, en dépit de ce vide pour le processus de sélection, les textes législatifs prévoient un arsenal juridique en ce qui concerne l’organisation des élections d’une manière générale et les critères d’éligibilité des candidats d’une manière particulière.

Déjà, la Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006, modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo, dans son article 5 stipule que la souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. La loi fixe les conditions d’organisation des élections et du référendum. Le suffrage est universel, égal et secret. Il est direct ou indirect. Sans préjudice des dispositions des articles 72, 102 et 106 de la présente constitution, son éligibles, dans les conditions déterminées par la loi, tous les congolais de deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques.

La constitution consacre les critères d’éligibilité dans son article 102 qui stipule que nul ne peut être candidat aux élections législatives s’il ne remplit les conditions ci-après : 1. Être congolais, 2. être âgé de 25 ans au moins, 3. Jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques, 4. ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la loi électorale. La loi n° 22/029 du 29 juin 2022 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telles que modifiée par la loi n°11/033 du 25 juin 2011, la loi n°15/001 du 12 février 2015 et la loi n°17/013 du 24 décembre 2017 en donne plus de prescription.

  1. Lire l’exposé de Monsieur Aimé Jules MURHULA MANEGABE sur les critères de choix d’un bon candidat, un bon électeur et contrat social entre les deux lors du séminaire de formation sur les stratégies pour gagner les élections législatives, provinciales, urbaines municipales de 2023 et l’introduction aux tâches parlementaires des candidats députés, sénateurs, leurs suppléants et assistants organisé par le Centre de Recherche en Etudes Parlementaires, CREP, de l’Institut Supérieur d’Etudes parlementaires, du 20 au 23 juillet 2022).

Ces conditions sont prévues par les dispositions de la loi n° 22/029 du 29 juin 2022 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telles que modifiée par la loi n°11/033 du 25 juin 2011, la loi n°15/001 du 12 février 2015 et la loi n°17/013 du 24 décembre 2017.

Ainsi, aux termes de l’article 9 de la loi électorale, nul n’est éligible s’il ne remplit les conditions suivantes : 1. Être de nationalité congolaise ; 2. Avoir l’âge requis à la date de clôture du dépôt de candidature ; 3. Jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques ; 4. Ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la présente loi ; 5. Avoir la qualité d’électeur ou se faire identifier et enrôler lors du dépôt de sa candidature ; 6. Avoir un niveau d’études requis ou justifier d’une expérience professionnelle avérée dans l’un des domaines suivants : politique, administratif, économique ou socio-culturel.

Conformément à l’article 62 nouveau de la loi électorale, tout candidat aux élections législatives fait une déclaration de candidature légalisée comportant : ses nom (s) et prénom (s), date et lieu de naissance, profession et domicile ; un extrait d’acte de naissance ; quatre photos format identité et le logo choisi pour l’impression des bulletins de vote et affiches électorales ; un curriculum vitae certifié sur l’honneur ; un spécimen de signature ; un casier judiciaire volet n° 2 ; un certificat de nationalité ; une déclaration de moralité fiscale ; le nom du parti ou groupement politique auquel il appartient ; l’indication de la circonscription électorale à laquelle il appartient et un récépissé de versement au Trésor public d’un cautionnement d’un million cinq cent mille congolais non remboursable.

Tout Congolais de l’un ou de l’autre sexe peut présenter sa candidature sous réserve des dispositions spécifiques d’inéligibilité pour chaque élection prévue à l’article 10 de la loi électorale qui dispose : Sans préjudice des textes particuliers, sont inéligibles :

  1. Les personnes privées de leurs droits civils et politiques par décision judiciaire irrévocable ;
    1. Les personnes condamnées par une décision irrévocable du chef de viol, d’exploitation illégale des ressources naturelles, de corruption, de détournement des deniers publics, faux et usage de faux, banqueroute et faillite pour la période de leur condamnation, sous réserve de la peine privatise des droits civils et politiques, d’assassinant, des tortures, de banqueroute et les faillis ;
    1. Les personnes frappées d’une incapacité mentale médicalement prouvée au cours de cinq dernières années précédant les élections ;
    1. Les fonctionnaires et agents de l’administration publique ne justifiant pas, à la date

limite du dépôt des candidatures, de leur demande de mise en disponibilité,

  • Les mandataires actifs dans les établissements publics ou sociétés du portefeuille ne justifiant pas, à la date limite du dépôt des candidatures, du dépôt de leur lettre de démission ;
    • Les magistrats qui n’auront pas donné la preuve, à la date limite du dépôt des candidatures, du dépôt de leur lettre de mise en disponibilité ;
    • Les membres des forces armées et de la Police Nationale Congolaise qui n’auront pas donné la preuve, à la date limite du dépôt des candidatures, de leur démission acceptée ou de leur mise à la retraite ;
  • Les membres du Conseil économique et social, du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, de la Commission nationale des droits de l’homme, du Conseil national de suivi de l’accord et du processus électoral, de la Cour des comptes qui n’auront pas donné la preuve, à la date limite du dépôt des candidatures, de leur démission ou de leur mise à la retraite.
    • Les membres de la Commission électorale nationale indépendante à tous les niveaux, y compris le personnel

Selon les termes de l’article 77 de la loi de la loi électorale : Outre les incompatibilités aux fonctions de Président de la République, de Député et de Sénateur prévues aux articles 96 et 108 de la Constitution selon le cas, sont incompatibles avec les fonctions électives provinciales, urbaines, communales et locales les fonctions ou mandats suivants :

  1. Membre du Gouvernement ;
  2. Magistrat ;
  3. Membre du Conseil économique et social, d’une Institution d’appui à la démocratie
  4. Membre du Cabinet du Président de la République, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, du Premier ministre, des membres du Gouvernement et de toute autre autorité politique ou administrative de l’État ;
  5. Membre des Forces armées, de la Police nationale Congolaise ;
  6. Agent de carrière des services publics de l’État ;
  7. Cadre politico-administratif de la territoriale, à l’exception de chef de chefferie et de

chef de groupement ;

  • Mandataire public actif :
    • Président du Conseil d’administration ;
    • Administrateur délégué général ;
    • Administrateur délégué générale adjoint ;
    • Administrateur délégué ;
    • Tout autre mandat électif.
  • Profil et sélection des candidats par les partis politiques aux élections législatives

La conquête du pouvoir, la formation de la conscience nationale et l’éducation civique sont les fondements de la mission d’un parti politique. Ça veut dire que le parti politique joue un rôle très capital dans la démocratisation d’un pays. Dans les démarches de sa lutte à la conquête du pouvoir, il maitrise la situation tant au niveau de ces adeptes (militants) qu’à celui de son idéologie (son programme de société). Alors, la démocratie se fonde sur le choix des représentants. Ce choix est déterminé par la présence de plusieurs candidats venus des diverses formations politiques. Partant de ce principe, le parti politique est donc la structure qui offre les citoyens dans le processus démocratique : il pose des principes, des idéaux afin de doter aux institutions étatiques la catégorie de bons dirigeant par la sélection de ceux-ci au niveau de la présentation des candidats.

La sélection des candidats est à cet effet le processus par lequel un parti politique ou une formation politique décide le type d’homme à présenter sur les listes pendant le processus électoral. Hormis les conditions prévues par la Constitution et la loi électorale, chaque formation politique est dotée du plein pouvoir à choisir d’une manière ou d’une autre son candidat. Faudra-t-il encore rappeler que le parti doit jouer un rôle de garde-fou dans la segmentation des futurs hommes d’États et des détenteurs des institutions ?

  1. Processus de sélection des candidats : mode opératoire

Le choix d’un candidat en tenant compte de son parcours et capacité politiques, et de son intégrité morale (profil) détermine le type de gestionnaire futur de la chose publique. Un candidat bien choisi est une image d’un bon homme d’État et d’un bon dirigeant.

De manière générale, il n’existe nullement une formule, une procédure ou un principe sur la sélection d’un candidat pour les élections. Mais dans la pratique, certaines formations ont émis des critères pour segmenter la liste des candidats : ils ne peuvent aller à l’encontre des principes démocratiques.

Deux techniques de processus de sélection auxquels font recours deux parties francophones pris aléatoirement :

  1. Le parti socialiste

A l’instar de plusieurs partis, le parti socialiste20 n’a pas formalisé le processus de sélection de ses candidats. Le parti lance l’appel à candidature au niveau de chaque fédération correspondant aux circonscriptions électorales, dans chacune de fédération. Il y a entre les fédérations l’organisation à deux temps de l’appel sollicitant les candidats destinés à figurer dans la tête de liste avant d’autres candidats. L’un des critères est la durée d’un membre. Tout membre qui veut se porter candidat doit avoir au moins deux ans, bien que cette disposition ne soit pas statutaire. Le candidat doit aussi être en ordre administrativement envers le parti (déclarations des mandats et aspects financiers). Cet aspect de l’appel à candidature est aussi accompagné dans l’établissement de la liste par une méthode d’approche des candidats par des sélecteurs.

Trois étapes pour la confection des listes. Il y a un d’un côté le comité de liste (ou comité des sages) constitué au niveau de la circonscription électorale régionale. Il est responsable de la sélection des candidats. Ce dernier, avant de remettre la décision sur la liste des candidats, passe à la consultation des candidats ainsi qu’aux personnalités importantes du parti. D’un autre côté, le bureau national du parti. Il possède un droit de regard sur les listes et doit consulter chaque liste avant son entrée. De l’autre côté encore, une assemblée fédérale (ou le congrès fédéral), qui est chargé d’approuver les listes.

Le comité de liste est un sélectera exclusif. Il comprend 15 individus. Le président de la fédération est le plus souvent le principal décideur du processus de sélection des candidats. Sa désignation se fait par vote direct des membres du parti au niveau fédéral. A l’exception du président, ce comité est composé du secrétaire et des anciens élus de la circonscription et voir les élus actuels. Le comité de la liste est organisé de manière décentralisée.

Ce bureau national est aussi un sélectera exclusif. Il intervient principalement pour les places les plus éligibles. Il est composé de 30 à 40 personnes. Il y a les représentants de fédération, (dont le nombre varie selon le nombre de membres dans la fédération) et de plusieurs membres de la direction du parti. Il est centralisé et supervise tous les processus de sélection, par le biais du directeur des campagnes.

Pour le troisième sélectera, l’Assemblée fédérale, les membres du parti sont impliqués que de manière indirecte dans la sélection des candidats. Elle est organisée au niveau de chaque fédération. Chaque section locale envoie quelques représentants, lesquels respectent le principe de parité.

  • Audrey Vandelere, In Courrier hebdomadaire du CRISP, 2018/33 (n°2389), Pages 5 à 40.
  • Le Mouvement Réformateur

Le processus de sélection des candidats est très peu formalisé. Mais le processus reste clair et respecte les principes démocratiques. Sa procédure parait institutionnalisée. La confection de la liste est faite par le conseil du parti.

À cet effet, un appel à candidature est lancé. Les candidats postulent au parti au niveau national 5 mois avant le jour du scrutin. Le dépôt des candidatures exige le remplissage des pièces des dossiers. Il a une lettre de motivation et un curriculum vitae. L’appel étant lancé, les candidats retenus doivent devenir membres du parti au cas où ils ne le sont pas. Cette adhésion spontanée se fait par la signature d’un code de bonne conduite.

Bien que cette procédure paraisse simple et nonchalante dans ce processus de sélection, ce qui veut dire qu’un candidat peut se porter en un clin d’œil dans ce parti, la signature d’un code de bonne conduite vient en outre casser la fragilité dans l’adhésion. Ce code de bonne conduite est une barrière qui dégage l’impérativité d’un candidat à mieux saisir les enjeux du parti qui le portent aux élections. Il soumet le candidat à accepter l’idéologie du parti et en faire allégeance.

Le processus de sélection admet 3 étapes : la première étape, la commission électorale décide des têtes de liste, sur la base d’une proposition des fédérations du parti pour les listes qui les concernent (les fédérations sont organisées au niveau provincial) ; la deuxième étape, chaque tête de liste sélectionne ses colistiers, en collaboration, d’une part avec le président du parti qui -contrôle l’ensemble des processus de sélection et arbitre si nécessaire-, et d’autre part, avec le président de sa fédération provinciale. La troisième étape, les listes sont prouvées par la commission électorale. Les décisions principales concernant la sélection des candidats sont prises au niveau central par d’un côté la commission électorale et le président. La commission électorale est un organe spécialement constitué en vue des élections. Ce sélectera se situe au niveau central. Mais sa composition reflète une possibilité d’influence au niveau décentralisé. Elle est constituée du président du parti, des chefs de files (les vice-présidents du parti), ainsi que les présidents des fédérations provinciales.

En dépit de cette commission, les candidats en tête des listes sont aussi les sélecteurs les plus influents. Ce contrepoids donne plus d’exclusivité du sélectera. Cette organisation se justifie du fait que le Mouvement Réformateur se base sur les principes de la démocratie représentative plutôt que participative. Ce qui s’explique par le fait que le président du parti ainsi que les autres membres de l’équipe dirigeante du parti sont élus par les membres pour une fonction qui comprend entre autres la tâche de sélectionner les candidats. Cette responsabilité leur offre légitimement le pouvoir de prendre les décisions pour la survie du parti.

Si ces deux illustrations sont évoquées, il est probable de dire que le processus de sélection est une étape essentielle dans l’édification d’un État responsable dans l’espoir d’avoir des hommes, des gouvernants compétents et capables. La sélection d’un candidat permet de doter aux institutions un profil cohérent et adéquat aux exigences de la gestion de la Res Publica. Le profit d’un bon candidat est un élément inéluctable dans la construction d’un État responsable.

  • Sélection des candidats : au dépend de sa qualité ou des exigences de la loi ?

La sélection des candidats doit-elle obéir à ses qualités ou aux exigences de la loi électorale ? Aussi, n’est-il pas possible que le candidat ne soit choisi par les partis en respectant l’esprit de la loi et en tenant compte des capacités de gestion et d’éthique du candidat ?

Cette section s’attèle à répondre à ces questions en apportant une lumière aussi scientifique

que légale à la question de la sélection de candidats.

  1. Le parti politique et le processus électoral

L’élection comprise comme processus de désignation légitime des dirigeants politiques accorde la responsabilité aux formations politiques de présenter les différents acteurs pour compétir aux postes électifs. À ce titre, toute formation politique, de l’opposition ou de la majorité, qui concourt aux élections pour la gestion de la cité, est appelée à prévoir un plan réel pour le recrutement des candidats qu’elle doit présenter.

Fort de ne constater que la plupart des formations politiques ont des tendances politiques liées aux fins égoïstes que celles de l’intérêt général. La plupart ne viennent pas répondre aux exigences idéologiques mais plus sont subordonnées aux seules volontés des autorités morales. La volonté politique exprimée est plus celle de la personnalité que de l’idéologie du parti.

À cet effet, le phénomène de cartellisation pour un système prétorien dans la politique congolaise met en péril l’existence des partis politiques en République Démocratique du Congo. Sans stigmatiser le formel sur ce qui est d’un parti politique, le constat est que le contexte congolais reste dégoutant.

Déjà vers 1990, Ngbanda disait que le Congo est confronté à un sérieux problème de déficit de leadership sans la résolution duquel tout développement intégral serait illusoire. Il soulignait que « le Zaïre est malade de son élite »21.

Sans nul doute, les partis vivent un effritement. Aucun parti politique a le monopole sur la population ou les membres effectifs. Il se trouve dans ce terrain que la population s’est lancée au vagabondage et à la prostitution politique. Le parti politique qui doit être encadreur et géniteur d’un programme politique assidu, n’exprime plus confiance. Le peuple y adhère pour des fins dilatoires et non par conviction. Il est justifié par le fait de voir un citoyen, membre de 5 ou plus de partis politiques. Comme le disait Didi Mitovelli en parlant de la classe congolaise : « à la République des caméléons, qui peut prétendre connaître exactement les couleurs de chacun »22.

Par ailleurs, les modes d’organisation des partis politiques en République Démocratique du Congo s’ancrent dans un contexte de culture politique prétorienne où l’idéal de la démocratie, qui caractérise l’existence même des partis politiques, est pris en otage par le système jupitérien, c’est-à-dire, tout tourne au tour de l’initiateur du parti. Ce qui admet que les appartenances ethniques, religieuses, régionales et la personnification politique détermine l’existence des partis politiques en République Démocratique du Congo. L’idéologie politique est mise au pied par les caractères tribalistes, népotistes, ainsi de suite. D’où les adhésions et les combats politiques ne sont plus faits sur base de l’idéologie politique pour conserver la cohésion et l’intérêt général, mais sont faits par le sentiment, l’appartenance tribale et pour la poursuite des intérêts égoïstes, la recherche du positionnement particulier aux institutions.

Les partis, acteurs principaux des élections au regard de leurs missions, sont indispensables dans la consolidation, la stabilisation et la présentation des candidats aux postes électifs de l’État. Ils jouent en ce sens un rôle d’intermédiaire entre les institutions et les acteurs, les gouvernants et les gouvernés. Ils sont le tremplin dans la course au pouvoir. Ils donnent du contenu dans la compétition et dans la gestion des institutions étatiques.

  • Ngbanda H., La transition au Zaïre, Noraf. 1995
  • Didi Mitovelli, « La République des caméléons », In les Tempêtes des tropiques, 23-24 mars 1993, cité par Kabungulu N., La transition démocratique au Zaïre, avril juillet 1994, CIEDOS, Kinshasa, P. 265

Par ailleurs, le mal fait irruption dès lors qu’il existe, dans l’arène politique, bien plus de partis alimentaires, conjoncturistes et mallettes que des partis capables de doter aux institutions de l’État des personnes aptes à mieux assurer la gestion de ce dernier. Ces partis politiques n’existent que de noms, et n’ont parfois pas de siège social, moins encore de représentation au niveau national.

  1. Modus operandi de sélection des candidats aux élections aux élections législatives Parler du modus operandi de recrutement des candidats aux élections en République

Démocratique du Congo, c’est relever les différentes stratégies utilisées par les partis politiques pour présenter les candidats au processus électoral. Au lieu de répondre à l’esprit de la loi électorale qui est celle de promouvoir un multipartisme sain, les partis politiques préfèrent la contourner en faisant une sélection massive et aléatoire des candidats à présenter aux élections : le but étant d’atteindre le seuil de recevabilité tel que fixé par la loi.

Pour rappel, le principe de seuil de recevabilité prôné par la loi stipulé que la liste d’un parti ne peut être reçue que si elle atteint un quota de 60%. En des termes plus simples, chaque parti politique doit présenter au minimum une liste des 300 candidats aux élections législatives. Face à cette situation, chaque parti politique s’est doté une charge démocratique à récolter les candidatures de ceux qui doivent être portés comme candidats.

Bien que certains estiment que l’esprit de cette loi est de résoudre le problème de multiplicité des partis politiques, d’autres par contre ne partagent pas le même avis. Ces derniers sont fermement convaincus qu’il s’agit de la volonté du législateur, acquis à la cause de la majorité présidentielle, d’écarter certains partis politiques à compétir pour des postes électifs.

Que ce soit dans le premier ou dans le second cas, le constat reste amer: les failles laissées par cette loi a permis aux acteurs politiques malins d’en faire usage et de surmonter cette équation. Au lieu de résoudre le problème de multiplicité de partis politiques en écartant ceux qui n’auront atteint le seuil de recevabilité, la loi va amplifier un autre problème : celui du profil du candidat à présenter au processus électoral.

Plusieurs formations politiques (partis et regroupements politiques) ont démontré une défaillance dans la sélection des candidats à présenter aux échéances électorales. Elles ont été butées à des difficultés de la confection des listes à pourvoir. La sélection des candidats ne doit pas faire objet d’une poursuite des intérêts personnels ou des individualités. Elle doit répondre aux exigences, au quitus de l’intérêt général. Un parti qui confectionne sa liste et la présente par la suite au processus électoral doit tenir compte de la qualité et du profil des candidats.

Encore faudrait-il insister sur la manière dont procèdent les partis politiques pour confectionner les listes de candidats et de présenter ces derniers au processus électoral ? Disons que quelques éléments guident le choix relatif à la confection de ces listes, entre autres, le tribalisme.

En effet, l’implantation des partis politiques ainsi que la configuration électorale jouent plus sur le plan sociologique qu’idéologique. Bien que ce caractère national qui se clame dans l’imaginaire démocratique, chaque parti politique mise plus sur les origines du leader. Et les élections aussi sont souvent perçues dans cette logique sociologique. Généralement, le patriotisme et le nationalisme, deux caractéristiques marquant l’ordre démocratique dans une société à diversité ethnique, sont surclassés par cette volonté de s’identifier à une tribu qu’à une nation. Peine est de constater que les 2/3 des frais de fonctionnement des partis politiques nagent dans les tribus du leader initiateur ou de l’autorité la plus influente.

Le tribalisme, comme aspect fondamental dans le combat politique, est une arme à laquelle on fait régulièrement recours dans la confection des listes des candidats : la sélection se fait sur base des appartenances ethniques, tribalistes comme déjà l’adhésion dans les partis

politiques. Cette pratique trouve tout son sens dans la notion du repli identitaire évoqué par certains auteurs23.

Ce tribalisme se conjugue avec le clientélisme qui est aussi un caractère phare en ce qui concerne la confection des listes des candidatures. Le tribalisme est un instrument, une stratégie à laquelle font dorénavant recours les formations politiques dans la sélection des candidats. Le citoyen candidat ne s’engage non pas pour défendre d’idéologie du parti qui le porte, mais plutôt à faire allégeance aux besoins des autorités du parti. Encore, faudrait- il rappeler que certains candidats signent des accords pour prévaloir l’intérêt de l’autorité morale ou initiateur du parti après avoir été porté directement ou indirectement à un poste électif.

  • Lire à cet effet David Mukulu, « Redevabilité de l’élu. Loyauté entre l’autorité morale et les desiderata de la base », In

Etudes Juridiques Africaines, Fondation Konrad Adenauer, KAS-Congo, Janvier 2022.

Conclusion

Point n’est besoin de rappeler que le processus électoral exige une convergence de plusieurs éléments, entre autres la sélection des candidats, la confection des listes et le dépôt des candidatures. Cela s’inscrit dans le cadre de conquête de sièges à pourvoir. Eu égard à cela, le processus de recrutement des candidats est l’un des piliers fondamentaux dans la construction d’une société démocratique.

En effet, cette étude est partie du constat selon lequel l’introduction du seuil de recevabilité au processus électoral a au contraire amplifié le problème de profil de candidats, en lieu et place de résoudre celui de la multiplicité de partis politiques en République Démocratique du Congo. Ce seuil, fixé à 60% (soit au moins 300 candidatures par partis aux élections législatives), a mené bien d’acteurs politiques à sélectionner et à présenter les candidats sans tenir compte de leurs qualités professionnelles et éthiques.

À ce rythme, les candidats avec une éthique très reprochable sans connaissance approximative de la gestion de la chose publique se retrouvent dans les postes élitistes du pays, et se mettent à gouverner. Or, gouverner suppose avoir des compétences nécessaires afin de mener les actions de l’État vers le seul intérêt collectif : une gestion efficace axée sur les résultats. Sans vouloir mal prédire sur la configuration actuelle de l’État, la gestion risque d’être plus calamiteuse qu’avant.

Face à ce problème, nous avons pensé à un ensemble de recommandations pouvant y remédier. En premier lieu, il faudra réfléchir sur la révision de la loi électorale dans ses dispositions relatives au seuil de recevabilité des candidatures. La loi électorale, qui laisse un champ libre aux différents partis de présenter les candidats au processus électoral, doit prévoir des garde- fous contre toute sélection aléatoire des candidats.

En deuxième lieu, la loi électorale exige comme document des candidatures : la carte d’électeur, le diplôme certifié copie conforme, l’attestation de naissance, l’attestation de service rendu (pour les fonctionnaires. Ce document a été beaucoup plus utilisé par ceux qui n’ont pas fait les études universitaires), 4 photos passeports, et le payement de la caution de la candidature. Le renforcement de la disposition quant au document devient indispensable. Il permettra la traçabilité et la coercition dans la constitution des documents. Au regard de ces éléments constitutifs du dossier de la candidature, l’acquisition semble facile sans mesure restrictive forte prouvant l’authenticité de ces derniers. Bien que des mesures soient prises sur leur démarche d’acquisition, il y a des partis ou des hommes qui se sont engagés à des pratiques des fabrications voire des falsifications des éléments pour compléter le dossier. Aussi, faudra- t-il restreindre ou limiter le nombre des candidats selon la taille de chaque circonscription en référence de siège y afférent. Cette disposition permettra à la Commission électorale nationale indépendante de contrôler le nombre des candidatures.

En troisième lieu, les partis politiques devraient présenter leur liste des candidats deux mois avant la réception officielle des candidatures. Ce délai permettra aux agents de la Commission électorale nationale indépendante, CENI, de se saisir sur la question d’authenticité des éléments. Ce délai pourrait permettre aux agents de la CENI de se déployer aussi tôt que possible dans les différentes institutions octroyant les éléments requis pour présenter les candidats. Cet exercice se fera sur base des pré-listes déposées par les partis politiques. Une stratégie sera mise en œuvre pour permettre à la CENI de passer à la vérification des différents candidats. Cette mesure aide la CENI à éviter la confusion qui s’est orchestrée au long de ce processus du recrutement. Cette confusion est observée par le fait de voir un candidat porter par deux partis différents.

En dernier lieu, il est nécessaire que le législateur inscrive la pratique de déclaration des avoirs par chaque candidat avant le dépôt des candidatures. Au long de deux mois du délai accordé pour un travail en filigrane entre les partis, la CENI et d’autres acteurs des élections, le déploiement peut être engagé pour se fixer de la conformité entre les avoirs déclarés et les personnes physiques. Cette mesure pourrait faire éviter à la République des dirigeants avares et kleptocrates.

Ces mesures ne sauraient, malgré tout, être efficaces si le peuple congolais ne s’aperçoit pas de la nécessité de construire une véritable démocratie fondée d’en bas24. Aussi longtemps que le clivage politique serait caractérisé par le narcissisme, la culture paroissiale, le paternalisme, la culture de sujétion, le tribalisme et que l’élection serait touchée par ce même problème, l’espoir d’un État prospère aux attentes resterait un slogan. La force de l’État ne peut se construire qu’en respectant le respect les institutions établies et les besoins de celles-ci que les besoins personnels.

  • Esambo Kangashe J.L., « Elections, système imposé de l’extérieur ou voie de développement ? » In Congo Afrique, n°456, juin-juillet-août 2011, pp. 427-428.

Par Olivier Kashala Kalala*

Résumé

La discipline parlementaire a motivé la réflexion sur la déontologie ou l’éthique parlementaire. Après avoir défini le régime disciplinaire comme une obéissance à des prescriptions générales et particulières édictées par des volontés concordantes, il revient de constater une inflation de la discipline ayant pour genèse les actes de corruption non compris dans l’énumération de sanctions proposées. Par ailleurs, la présentation du régime disciplinaire en vigueur en droit congolais n’a pas toujours su éviter les écueils de son silence sur certains actes pourtant condamnables. Vue dans l’optique de l’honorabilité du travail parlementaire, la discipline doit correspondre aux réalités pratiques des fonctions en vue d’endiguer les velléités décriées.

L’actualité renouvelée de ce sujet questionne l’éthique des députés provinciaux dans l’exercice de leurs attributions et les mécanismes mis en place pour son redressement. L’article 14 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces renvoie cette question au soin du règlement intérieur de l’Assemblée provinciale. Le règlement intérieur1, à son tour dispose en son article 102 ce qui suit : « Sans préjudice des autres dispositions du présent Règlement intérieur, les sanctions disciplinaires applicables aux membres de l’Assemblée provinciale sont : le rappel à l’ordre nominatif, le retrait de la parole, la privation, selon le cas, de tout ou partie de l’indemnité parlementaire, l’exclusion temporaire de l’enceinte de l’Assemblée provinciale ». De toutes ces sanctions, aucune n’érige en abus, les actes de corruption et marchandage du contrôle parlementaire. Or, c’est ce qui a été à l’origine de plusieurs motions initiées par les Députés. Cette situation met en mal l’efficacité de la discipline parlementaire sous étude.

Mots-clés: Régime disciplinaire, Assemblée provinciale, Sanction, éthique et déontologie, élu.

Abstract

Parliamentary discipline has motivated reflection on parliamentary deontology or ethics. After having defined the disciplinary regime as obedience to general and particular prescriptions decreed by concordant wishes, it is necessary to note an inflation of discipline having as its genesis acts of corruption not included in the list of proposed sanctions. Furthermore, the presentation of the disciplinary regime in force in Congolese law has not always been able to avoid the pitfalls of its silence on certain acts which are nevertheless reprehensible. Seen from the perspective of the honorability of parliamentary work, discipline must correspond to the practical realities of the functions in order to stem the criticized desires.

The renewed relevance of this subject questions the ethics of provincial deputies in the exercise of their responsibilities and the mechanisms put in place for its recovery. Article 14 of Law No. 08/012 of July 31, 2008 on fundamental principles relating to the free administration of the provinces refers this question to the internal regulations of the Provincial Assembly.

  1. Il faut noter que toutes les références au règlement intérieur de la province du Kasaï sont relatives du texte de la légis- lature allant de 2019 à janvier 2024.

CAHIER DU PARLEMENT                                                                                                                                                           

The internal regulations, in turn, provide in article 102 as follows: “Without prejudice to the other provisions of these Internal Regulations, the disciplinary sanctions applicable to members of the Provincial Assembly are: call to nominal order, withdrawal of speech, deprivation, as the case may be, of all or part of the parliamentary allowance, temporary exclusion from the precincts of the Provincial Assembly.” Of all these sanctions, none constitutes an abuse of acts of corruption and bargaining of parliamentary control. However, this is what was at the origin of several motions initiated by the deputies. This situation undermines the effectiveness of the parliamentary discipline under study.

Keywords: Disciplinary regime, Provincial deputy, Internal regulations, Sanction.

Introduction

La sanction par l’Assemblée parlementaire des abus voulus inadmissibles dans son fonctionnement est l’un des dispositifs institutionnels qui permettent de garantir la sérénité et le climat apaisé du travail législatif2. Il va de soi que le régime disciplinaire qu’incarne le règlement intérieur de l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental joue un grand rôle dans la préservation de limites et considération réciproque que se doivent les élus dans l’exercice de leurs fonctions. Lorsque les membres de cet organe se compromettent par des actes non voulus, ils s’exposent aux sanctions disciplinaires.

En effet, le législateur congolais a fait du régime disciplinaire, un code de bonne conduite imposant aux parlementaires, certaines valeurs intrinsèques dans l’accomplissement de leurs fonctions. Contre toute attente, il convient de souligner que, ni la Constitution, ni le règlement intérieur des chambres parlementaires en général et en l’occurrence celui du Kasaï-Oriental n’offrent une définition précise du régime disciplinaire des Députés provinciaux. Autrement dit, le régime disciplinaire n’est défini nulle part et il n’est nullement éclairé. Alors que, la compréhension d’un concept aussi important que celui usité fait partie de sa mise en application effective.

La présente étude vise le régime disciplinaire de l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental sous deux aspects distincts. D’une part, le régime de sanctions disciplinaires infligées par cet organe à ses membres pour les actes estimés contraires à la déontologie parlementaire mais commis dans l’exercice de leurs fonctions et la mise en œuvre effective de celui-ci. D’autre part, la sauvegarde de la déontologie des élus comme gage de l’honorabilité. Ainsi, ce sujet présente un intérêt théorique et pratique. Sur le plan théorique, ce sujet permet d’appréhender la consistance du régime disciplinaire de l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental. Sur le plan pratique, le sujet met en perspective la corrélation entre l’observance de l’éthique et déontologie et l’efficacité de ses sanctions. De ce qui précède, il importe de faire un diagnostic de la déontologie des élus et de l’efficacité de sanction prises à l’encontre des Députés. En ce sens, la problématique de cette étude peut être formulée de la manière suivante : « le régime disciplinaire en vigueur à l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental garantit-il l’éthique et la déontologie des élus ? Au regard de l’arsenal juridique existant, l’on peut constater une garantie ambivalente de la déontologie des élus. Ce constat se remarque à travers la prohibition de certains actes par le règlement intérieur de cet organe délibérant et le silence du règlement sur les actes de corruption valant sanction d’un élu. C’est pour autant dire que le sort indéterminé de ces actes fait subsister les entorses à la discipline parlementaire. Aussi, il faut se poser la question de l’efficacité de sanctions prononcées par le précité. Autrement, la problématique questionne les causes à effet de la perdition des valeurs républicaines pourtant indispensables dans la gestion de certaines attributions. D’où, l’expression la recherche des mots pour guérir les maux.

  • Ntumba Luaba Lumu, Droit constitutionnel général, éditions universitaires africaines, 2005.

Implicitement, l’éthique de la responsabilité voudrait que l’on repense le cadre juridique en rapport avec le régime disciplinaire de Députés provinciaux.

Les connaissances scientifiques ne peuvent efficacement être acquises que par le recours aux méthodes et techniques d’investigations propres à la discipline concernée. Or, comme le déplore Jean-Louis BERGEL, en dépit de rares ouvrages récents, « trop de juristes, abreuvés de réglementations de solutions ponctuelles et éphémères, paraissent se désintéresser des grands principes méthodologiques du droit »3. C’est ce qui justifie l’adoption des méthodes de recherche juridique classique qui sont la dogmatique juridique et la systémique. La première se définit comme une démarche fondée sur l’exégèse des textes juridiques, ce qui implique l’analyse du droit positif. Ainsi, est-elle définie comme l’étude savante, raisonnée et construite du Droit positif sous l’angle du devoir être, de la solution souhaitée et applicable.4 La seconde s’invite conformément au protocole descriptif de l’analyse systémique tel que décrit par David EASTON, l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental est étudiée comme une institution véhiculant une certaine philosophie du système politique.

Les rapports de la commission de discipline assortie des propositions de sanctions, les différentes motions initiées par les Députés provinciaux contre le Gouvernement ou ses membres constituent les données d’entrée. La récolte des données de cette étude a été rendue possible grâce à plusieurs techniques pour appréhender l’objet ainsi que les données de recherche. Il s’agit des techniques suivantes : documentaire, l’entretien non structuré et l’observation directe désengagée. Toutefois, pareille étude ne peut être bien menée sans l’articulation du plan. L’articulation du plan consiste en la présentation de grandes lignes qui pourront être développées tout au long du travail. Il s’agit du démontage de l’hypothèse retenue5.

Ainsi, au regard de l’intérêt du sujet, il sera question d’élucider au point (I) les concepts de base, en donnant la quintessence du régime disciplinaire et enfin, questionner son efficacité au regard de la pratique courante (II), hormis l’introduction et la conclusion. Ainsi présenté, abordons le premier point de cette dissertation.

I.    Elucidation des concepts basiques et connexes

Les termes à définir porteront sur les concepts « régime disciplinaire » (A) et « Assemblée provinciale » (B).

A. Le régime disciplinaire

Ce mot n’est pas un néologisme récent dans la langue française ainsi que l’affirment certaines plumes. Lesquelles ? Dans le langage courant, le régime disciplinaire est l’ensemble de règles qui ont pour objet de sanctionner les manquements des fonctionnaires aux règles de la fonction publique6. C’est pour autant dire que, tout fonctionnaire est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées et peut commettre une faute dans l’exercice de ses fonctions. Transposé en droit parlementaire, le régime disciplinaire est l’ensemble de règles applicables aux Députés dans l’exercice de leurs fonctions7. Ces dernières visent la cohésion de tout le corps. Autrement dit, il conditionne l’orientation et l’efficacité du travail, dans le respect de l’ensemble des textes de base.

  • Bergel (J-L), Méthodologie juridique, 2ème édition, PUF, Paris, 2001.
  • Kouam (S), La définition du juriste et la redéfinition de la dogmatique juridique (à propos du syncrétisme méthodolo- gique), in Les cahiers du droit, n°04, Vol.55, décembre 2014, pp.877-922.
  • Grawitz (M), Méthodes des sciences sociales, Paris, 10ème édition Dalloz, p.452.

6 Avril (P) et Gicquel (J), Lexique de droit constitutionnel, Paris, PUF, 2016.

  • De Villiers (M), et le Divellec (A), Dictionnaire du droit constitutionnel, 3ème édition, Paris, Armand Colin, 2001.

De part cette définition, il se dégage qu’en droit parlementaire moderne, la déontologie professionnelle voulue, la transparence et la responsabilisation des fonctionnaires se caractérise trop souvent par l’inadéquation face aux besoins et aux techniques modernes de gestion, ayant souvent comme conséquence une administration de la justice, critiquée pour son silence sur certains faits pourtant de nature à saper l’honneur de la fonction. Or, la combinaison des principes et des règles qui constituent la discipline d’une institution est étroitement liée à son organisation8. D’où, la discipline est en fait une obéissance à des prescriptions générales et particulières édictées par des volontés concordantes. Que dire aussi de l’Assemblée provinciale ?

  1. L’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental

Il faut dire que, l’Assemblée provinciale est l’organe délibérant de la province du Kasaï- Oriental, mise en place par la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour. Elle est chargée au regard de cette derrière de délibérer dans le domaine des compétences réservées à la province et contrôler le gouvernement provincial, ainsi que les services publics provinciaux et locaux. Elle jouit à cet effet, de l’autonomie administrative et financière et dispose d’une dotation propre conformément à l’article 197 de la Constitution et des lois de la République. Au-delà de cette énonciation, l’Assemblée provinciale a pour mission :

  • Légiférer par voie d’édit ;
    • Contrôler le Gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux et locaux ;
    • Elire les Sénateurs de la province et enfin ;
    • Elire le Gouverneur et le Vice-Gouverneur de province.

L’Assemblée provinciale est composée de 24 membres dont 22 élus au suffrage universel

direct et secret et deux cooptés.

  • La quintessence du régime disciplinaire de l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental et son aménagement congolais

Comme dans toute collectivité, les membres des Assemblées parlementaires doivent obéir à des règles de conduite communes et des instances doivent être chargées de faire respecter ces règles. Dans certains pays, la Constitution confère expressément aux assemblées le droit de fixer des règles de conduite et de les faire respecter. Dans le contexte qui est le nôtre, ce droit est le prolongement naturel du droit de l’Assemblée de régler son propre fonctionnement.

Ainsi, la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo, confie aux Députés provinciaux la mission de délibérer dans le domaine des compétences réservées à la province, contrôler le gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux et locaux. Cette mission est délicate en ce sens que si, sa réussite présuppose une bonne gouvernance, c’est-à-dire une gestion rationnelle axée sur les résultats, par contre, son échec s’apparente à un décor d’une gestion calamiteuse. Quelle que soit la finalité ou le but à atteindre par les Députés, l’observation des règles d’éthique demeure un impératif dans l’exercice de leurs attributions. C’est la raison pour laquelle, nous abordons cette thématique sous l’élan d’une évaluation de la discipline des Députes.

L’actualité renouvelée de ce sujet questionne l’éthique des Députés provinciaux dans l’exercice de leurs attributions et les mécanismes mis en place pour son redressement.

  • Ntumba Musuka (Z-R), Le rôle du juge administratif congolais dans l’émergence de l’Etat de droit, L’Harmattan, Pa- ris,2014.

L’article 14 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces renvoie cette question au soin du règlement intérieur de l’Assemblée provinciale. Le règlement intérieur, à son tour dispose en son article 102 ce qui suit : « Sans préjudice des autres dispositions du présent Règlement intérieur, les sanctions disciplinaires applicables aux membres de l’Assemblée provinciale sont : le rappel à l’ordre nominatif, le retrait de la parole, la privation, selon le cas, de tout ou partie de l’indemnité parlementaire, l’exclusion temporaire de l’enceinte de l’Assemblée provinciale

». De toutes ces sanctions, aucune n’érige en abus, les actes de corruption et marchandage du contrôle parlementaire. Or, c’est ce qui a été à l’origine de plusieurs motions initiées par les Députés. L’on se souviendra de la motion de défiance initiée contre le Gouverneur MAWEJA MUTEBA Jean, les mémoranda de retrait de confiance adressés respectivement aux Présidents honoraires de l’Assemblée provinciale Ives Muamba et Kabongo Malebongo Anasthan. Bien que, l’éjection des animateurs de ses institutions soit une sanction politique palliative à leurs manquements, mais il faut noter que la mise en œuvre de ces outils se fait accompagner du lucre. Cet exercice voulu démocratique révèle bien la face cachée d’un contrôle parlementaire dans un Congo où la perdition des valeurs morales n’est pas à démontrer. Pourtant, dans l’esprit du constituant, en prévoyant le contrôle de l’exécutif par le pouvoir législatif, ce dernier vise l’équilibre de la balance.

Les règles régissant la discipline au sein de l’Assemblée visent toutes d’une façon ou d’une autre à garantir le bon déroulement du travail parlementaire. Ces règles pourraient se ranger sous le dénominateur commun de mesures visant à contrer l’obstruction illégale aux débats. Dans cet élan, il faut entendre par là, les cas où les parlementaires refusent, de façon évidente, d’obéir au Règlement intérieur et essaient de faire obstruction par la parole ou par l’action. Aux termes de l’article 197 de la Constitution du 18 février 2006, il est prescrit ce qui suit : « l’Assemblée provinciale est l’organe délibérant de la province. Elle délibère dans le domaine des compétences réservées à la province et contrôle le Gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux et locaux. Elle légifère par voie d’édit. Ses membres sont appelés députés provinciaux »9. Cette disposition constitutionnelle habilite la première institution provinciale à exercer sans faille sa mission de contrôle parlementaire.

Il en va sans dire que loin d’être un libre arbitre pour les parlementaires, la procédure de contrôle est de manière parcimonieuse encadrée par la loi. C’est autant dire que la discipline doit accompagner de la belle manière ces initiatives louables. Il existe un large éventail de sanctions qui peuvent être appliquées aux membres qui ne respectent pas les règles de conduite au sein de l’Assemblée.

A ce sujet, l’article 102 du règlement intérieur de l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental prévoit à titre indicatif quatre sanctions pour celui qui enfreint la discipline parlementaire. Il s’agit : « du rappel à l’ordre nominatif (a), du retrait de la parole (b), la privation, selon le cas, de tout ou partie de l’indemnité parlementaire (c) et enfin, l’exclusion temporaire de l’enceinte de l’Assemblée provinciale (d) ». Pour mieux cerner la quintessence de ces différentes sanctions, il est impérieux de passer en revu chacune de sanctions.

Le rappel à l’ordre nominatif

Le rappel à l’ordre est non seulement la sanction disciplinaire la plus légère, c’est également la plus répandue. Elle est ordinairement appliquée à tout membre qui trouble les débats ou l’ordre. Certains États ont également la sanction du rappel ad rem qui peut être prononcée à l’égard de tout orateur qui s’écarte du sujet des délibérations défini à l’ordre du jour.

  • Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour.

Concrètement, il faut entendre par rappel à l’ordre nominatif, le fait d’être rappelé par le président pour un Député qu’il trouble l’ordre ou la quiétude de travaux à l’hémicycle. Ainsi, tout Député rappelé à l’ordre n’obtient la parole pour se justifier qu’à la fin de la séance, à moins que le Président n’en décide autrement. Si le Président décide le maintien du rappel à l’ordre, il en est fait mention au procès-verbal aucune autre intervention n’est admise.

Le retrait de la parole

Lorsqu’au cours d’une même séance, un Député a fait l’objet d’un deuxième rappel à l’ordre, ce dernier rappel entraine d’office le retrait de la parole. Il s’agit d’une privation du droit de prendre la parole pour le reste de la séance. C’est-à-dire que, le retrait de la parole est une sanction à un parlementaire récalcitrant du rappel à l’ordre.

La privation de l’indemnité parlementaire

L’indemnité législative est une rémunération du temps consacré à la chose publique. En principe, le Député qui s’absente sans congé régulier est légitimement privé de son indemnité pendant la durée de son absence, parce qu’il consacre à ses propres affaires et sans autorisation un temps que son mandat l’obligerait à consacrer aux affaires de l’Etat. Mais, il faut souligner que le Règlement intérieur de l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental ne précise nullement les faits saillants pouvant faire asseoir la privation d’une partie ou de la totalité de l’indemnité parlementaire. Ce déficit législatif est susceptible d’ouvrir la voie à l’arbitraire dans le traitement de dossiers des élus.

L’exclusion

Les dispositions des articles 105, 106, 107, 108, 109 et 110 du règlement intérieur de l’Assemblée provinciale donnent l’essentiel sur les cas pouvant amener l’organe délibérant à prononcer une exclusion. A la lumière du précité, l’exclusion temporaire de l’enceinte de l’Assemblée provinciale peut, sur proposition du Président, être prononcée par l’Assemblée plénière contre le membre qui trouble l’ordre au cours d’une séance. Seul le Député qui en a été l’objet peut demander la parole pour s’expliquer sur la mesure d’exclusion prise à son égard. Il dispose à cet effet de dix minutes au plus. L’Assemblée plénière se prononce par vote. Si le Député exclu obtempère immédiatement à l’injonction qui lui est faite par le Président de sortir de la salle, son exclusion ne porte que sur la suite de la séance au cours de laquelle elle a été prononcée. Si le Député exclu n’obtempère pas à l’injonction qui lui est faite par le Président de sortir de la salle, la séance est suspendue ou levée. Dans l’un ou l’autre cas, le Député concerné est interdit de prendre part aux travaux de l’Assemblée provinciale et de réapparaitre dans son enceinte. Cette interdiction porte sur la suite de la séance en cours et s’étend aux six séances suivantes.

L’article 106 stipule que le Député qui a encouru l’exclusion temporaire peut en faire cesser les effets à partir du lendemain du jour où elle a été prise, si l’exclusion porte sur un plus grand nombre de séances en déclarant par écrit qu’il regrette d’avoir méconnu la décision de la plénière, lecture est faite de cette déclaration à l’Assemblée par le Président. Les dispositions de l’alinéa ci-dessus ne sont pas applicables au Député qui, au cours de la même session, a encouru pour la troisième fois l’exclusion temporaire. Dans ce cas, la durée de celle-ci s’étend à quinze séances. L’exclusion temporaire entraine la privation de la moitié de l’indemnité parlementaire mensuelle. Les retenues ainsi opérées sont reversées à la trésorerie de l’Assemblée provinciale quittance faisant foi. Le Député qui, dans l’enceinte de l’Assemblée provinciale se rend coupable des voies de fait, encourt l’exclusion de cinq séances, sans préjudice de la sanction pécuniaire prévue.

L’exclusion est prononcée d’office par le Président, après consultation du Bureau. Si la voie de fait a été commise au cours d’une séance, le Président prononce l’exclusion sur le champ, si elle a eu lieu en dehors de la salle des séances plénières, le Président prononce l’exclusion à la première séance publique suivante. Il en est aussi de même pour un Député qui se rend coupable de fraude dans le scrutin notamment en ce qui concerne le caractère personnel du vote, est privé de l’indemnité parlementaire mensuelle.

Il sied d’observer que la liste de manquements omet délibérément de prendre position sur un certain nombre de faits notamment de prendre la parole sans y être autorisé par le président, refuser de mettre fin à une intervention ou de quitter la tribune, refuser d’obéir à un rappel à l’ordre, ne pas respecter l’autorité de la Présidence, etc.

  1. Un régime disciplinaire lacunaire et inefficace sur les actes de corruption

Il découle du constat fait par nous qu’en droit congolais, les sanctions énumérées par le règlement intérieur ne renvoient nullement aux actes de corruption commis par un parlementaire provincial dans l’exercice de ses fonctions, pourtant, faisant partie des antivaleurs fortement décriées dans la consolidation d’une démocratie parlementaire attendue. A ce sujet Marc- Antoine DILHAC, Christian NADEAU et Pierre-Yves Néron soutiennent que « la corruption des institutions publiques par des actes de collusion, de pots-de-vin ou de financement illégal de partis politiques est un virus qui s’attaque aux fonctions vitales de la démocratie »10. Le même son de cloche a été tiré par Baptiste MUHINDO KASEKWA, estimant en toute neutralité que les débats tenus à l’Assemblée provinciale sont des bruits inutiles, des exercices politiques sans objectifs précis et même à la limite des instruments de marchandage ou de simple intimidation des ministres pour créer des sanctions de corruption.

Revenant sur cette question, Patrick Ngoma-Binda, Jean Otemikongo Mandefu Yahisule et Leslie Moswa Mombo, ont à leur tour fustigé la discipline des élus, en assimilant même le contrôle parlementaire à un tigre en papier. De leur plume, ils affirment, que l’intégrité du contrôle parlementaire est sérieusement affectée par les allégations de corruption à l’endroit des membres du Parlement et la faillite de ce dernier à sanctionner. D’après les allégations persistantes auxquelles la presse a eu accès, les parlementaires utilisent les mécanismes de contrôle comme des instruments de marchandage pour créer des occasions de corruption, et brandir la menace d’interpellation comme moyen d’intimidation pour arracher aux ministres des faveurs matérielles illégales11. A titre illustratif, le Député provincial Numbi Wa Kapuya avait initié en date du 28 mars 2021 une motion de défiance contre le Ministre de l’économie avant qu’il ne soit déchu par une autre antérieurement déposée par un autre Député. Ladite motion avait bénéficié pour sa recevabilité de la signature de neuf Députés provinciaux, mais pour faire obstruction à l’adoption de cette motion de défiance, son Excellence Monsieur le Gouverneur de province mit en marche sa machine de corruption. Outre ces allégations de corruption, certains Députés provinciaux ont recouru auprès du Gouverneur pour solliciter certaines facilités. Il s’agit par exemple en cas de maladie, de problème de loyer, funérailles, difficultés de voyages12.

  1. Muhindo Kasekwa J-B., « Contrôle des finances provinciales et quête de gouvernance au Nord-Kivu : enjeux et pesan- teurs sociopolitiques », Annales de l’Université de Goma, no 2, Volume II, juin 2010, pp 85-97
  2. Ngoma-Binda P., Otemikongo Mandefu Yahisule J.et Moswa Mombo L., République Démocratique du Congo Démo- cratie et participation à la vie politique : une évaluation des premiers pas dans la IIIème République, AfriMAP-OSISA, Johannesburg, 2010, p.16.
  3. Propos tenus par l’Honorable Bavon Mbuyi Mukuna sur une chaine de radio Buena Muntu, en date du 17 mai 2022.

Comme l’a souligné Gérard GEROLD13 « incapables de légiférer, sans claire vision de leur fonction de contrôle, les Députés se sont égarés dans des querelles intestines, ont fait fluctuer les majorités au fil des circonstances et de leurs intérêts rendant impossible toute lecture politique du fonctionnement de leurs assemblées pour finir par oublier le sort de leurs électeurs et la nécessité de développer leur province ». La pratique de la corruption gangrène le parlement provincial et précarise l’exercice de contrôle parlementaire. Ce qui fait dire aux âmes averties

: « l’Assemblée provinciale exerce les moyens constitutionnels mis à sa disposition mais à l’issue du vote, les résultats ne sont pas sufisants aux yeux de la population. Celle-ci veut voir s’opérer le changement et la gestion de finances publiques de la province échappe au principe de la bonne gouvernance ».

I.                   Mise en œuvre de la discipline parlementaire par l’Assemblée provinciale

Il faut signaler que plusieurs cas d’indisciplines ont fait l’objet des sanctions consignées soit dans les procès-verbaux de la plénière, soit dans les états d’activités de la commission de discipline. Néanmoins, il convient de relever que l’administration défaillante du bureau parlementaire n’a pas permis l’exécution de certaines d’entre elles14. Cette affirmation foudroyante trouve sa justification dans la mesure où il s’agit d’une Assemblée parlementaire semi-lettrée. On peut alors imaginer quelques causes à base d’une telle inflation disciplinaire.

Ainsi, nous allons présenter sommairement les différents cas ayant fait l’objet d’un repérage.

A. Présentation de cas de sanctions

Tableau 1 : Tableau synoptique de sanctions disciplinaires de la première session de 2019

AnnéeSessionMoisSanctions prévuesNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2019  Mars-Juin  AvrilRappel436,3
Retrait654,5
Privation19
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï-

Oriental, session de Mars-Juin.

Commentaire : Ce tableau explique de façon schématisée l’état de sanction au cours du mois d’avril. C’est-à-dire qu’il présente la situation de chaque sanction prononcée par l’Assemblée plénière. Il en sera de même pour tous les tableaux qui suivront. Au-delà, ce tableau atteste que le retrait de la parole a été la principale sanction prononcée au vu de son pourcentage exponentiel.

  1. Gérard Gerold, « RD Congo: l’échec des pouvoirs provinciaux une nouvelle étape dans la déconstruction de la troi- sième république », In IFRA (Institut Français de la Recherche en Afrique), Note n°7 – 2013, pp. 1-21.
  2. Propos recueillis auprès de l’Honorable Rapporteur de l’Assemblée provinciale lors d’une séance de travail sollicitée par nous en date du 02 Septembre 2023, à 12h14.

Tableau 2 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de mai 2019

AnnéeSessionMoisSanctions prévuesNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2019  Mars-Juin  MaiRappel00
Retrait00
Privation00
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï-

Oriental, session de Mars-Juin.

Commentaire : il ressort de ce tableau qu’aucune sanction n’a été prononcée contre un élu provincial. Il y a lieu d’analyser à fond, l’attitude du bureau sur certains égarements.

Tableau 3 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de juin 2019

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2019  Mars-Juin  JuinRappel7100
Retrait20
Prévention00
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï-

Oriental, session de Mars-Juin.

Commentaires : Il y a lieu de conclure que neuf sanctions seulement ont été prononcées pour ce mois de juin.

Tableau 4 : Synoptique des sanctions disciplinaires de la deuxième session 2019

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2019  Octobre- Décembre  OctobreRappel00
Retrait00
Prévention00
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session d’octobre à décembre.

Commentaire : Aucune sanction enregistrée au cours de ce mois

Tableau 5 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Novembre 2019

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2019  Octobre- Décembre  NovembreRappel225
Retrait675
Prévention00
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session d’octobre à décembre.

Commentaire : un tableau plus ou moins acceptable en termes de discipline assurée par la chambre parlementaire.

Tableau 6 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Décembre 2019

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2019  Octobre- Décembre  DécembreRappel444,4
Retrait333,3
Prévention222,2
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï-

Oriental, session d’octobre à décembre 20119.

Commentaire : Au vu de ce tableau, on note une application proportionnée de la discipline parlementaire axée sur le comportement ou les faits reprochés.

Tableau 7 : Synoptique des sanctions disciplinaires de la première session 2020

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2020  Mars-Juin  AvrilRappel333,3
Retrait222,2
Prévention444,4
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2020.

Commentaire : il ressort de ce tableau, une application proportionnée de la discipline parlementaire axée sur le comportement ou les faits reprochés.

Tableau 8 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Mai 2020

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2020  Mars-Juin  MaiRappel541,6
Retrait325
Prévention433,3
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2020.

Commentaire : il ressort de ce tableau que la sanction rappel à l’ordre est la plus prononcée.

Tableau 9 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Juin

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2020  Mars-Juin  JuinRappel763,6
Retrait436,3
Prévention00
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2020.

Commentaire : la tendance de la sanction rappel à l’ordre étant la même que pour le tableau précèdent.

Tableau 10 : Synoptique des sanctions disciplinaires de la deuxième session 2020

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2020  Octobre- Novembre  OctobreRappel00
Retrait562,5
Prévention337,5
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session d’octobre à décembre 2020.

Tableau 11 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Novembre 2020

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2020  Octobre- Décembre  NovembreRappel444,4
Retrait222,2
Prévention333,3
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2020.

Tableau 12 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Décembre 2020

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2020  Octobre- Décembre  décembreRappel541,6
Retrait433,3
Prévention325
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session d’octobre à décembre 2020.

Tableau 13 : Synoptique des sanctions disciplinaires de la première session 2021

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2021  Mars-Juin  AvrilRappel646,1
Retrait323
Prévention430,7
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2021

Tableau 14 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Mai 2021

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2021  Mars-Juin  MaiRappel228,5
Retrait228,5
Prévention342,8
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2021

Tableau 15 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Juin 2021

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2021  Mars-Juin  JuinRappel233,3
Retrait233,3
Prévention233,3
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2021

Tableau 16 : Synoptique des sanctions disciplinaires de la deuxième session 2021

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2021  Octobre- Décembre  OctobreRappel00
Retrait225
Prévention675
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session d’octobre à Décembre 2021

Tableau 17 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Novembre 2021

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2021  Octobre- Décembre  NovembreRappel436,3
Retrait436,3
Prévention327,2
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session d’octobre à Décembre 2021

Tableau 18 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Décembre 2021

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2021  Octobre- Décembre  DécembreRappel675
Retrait225
Prévention00
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session d’octobre à Décembre 2021

Tableau 19 : Synoptique des sanctions disciplinaires de la première session 2022

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2022  Mars-Juin  AvrilRappel753,8
Retrait215,3
Prévention430,7
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2022.

Tableau 20 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Mai 2022

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2022  Mars-Juin  MaiRappel333,3
Retrait222,2
Prévention444,4
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2022.

Tableau 21 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Juin 2022

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2022  Mars-Juin  JuinRappel00
Retrait228,5
Prévention571,4
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2022.

Tableau 22 : Synoptique des sanctions disciplinaires de la deuxième session 2022

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2022  Octobre- Décembre  OctobreRappel758,3
Retrait433,3
Prévention18,3
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session d’octobre à décembre 2022.

Tableau 23 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Novembre 2022

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2022  Octobre- Décembre  NovembreRappel440
Retrait220
Prévention440
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session d’octobre à décembre 2022.

Tableau 24 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Décembre 2022

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2022  Octobre- Décembre  DécembreRappel330
Retrait330
Prévention440
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session d’octobre à décembre 2022.

Tableau 25 : Synoptique des sanctions disciplinaires de la première session 2023

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2023  Mars-Juin  AvrilRappel646,1
Retrait323
Prévention430,7
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2023.

Tableau 26 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Mai 2023

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
2023Mars-JuinMaiRappel330
Retrait220
Prévention550
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2023.

Tableau 27 : Synoptique des sanctions disciplinaires du mois de Juin 2023

AnnéeSessionMoisSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2023  Mars-Juin  JuinRappel853,3
Retrait320
Prévention426,6
Exclusion00

Source : Rapport de la commission de discipline de l’Assemblée provinciale du Kasaï- Oriental, session de mars à juin 2023.

1. Fréquences de sanctions disciplinaires de 2019 à 2023

Tableau 28 : Total de sanctions disciplinaires prononcées par l’Assemblée provinciale

AnnéeSessionSanctionsNbre de sanctions% par rapport au total de sanctions
  2019-2023  Mars 2019- Juin 2023Rappel10441,2
Retrait7530
Prévention7329
Exclusion00
Total sanctions252 

Source : Condensé de données recueillies de différents rapports de la commission de discipline

Graphique : Les sanctions de mars 2019 à juin 2023

Source : Condensé de données recueillies de différents rapports de la commission de discipline.

Commentaire : Ce graphique explique schématiquement la fréquence de sanctions à l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental. On peut, au vu de ces données, conclure que les jalons de la déontologie parlementaire sont posés. Mais néanmoins, il reste à intégrer la dimension des actes de corruption dans le chapelet de sanctions à infliger.

Conclusion

La présente recherche a eu pour but d’évaluer l’efficacité du régime disciplinaire de l’Assemblée provinciale du Kasaï-Oriental dans la perspective d’une déontologie parlementaire idoine. En effet, sachant que l’investiture collective des élus et leur indépendance constituent la substance classique du mandat national de parlementaires, par une démarche à la fois dogmatique et systémique, on a pu observer et analyser dans la vie politique congolaise des pratiques remettant en cause l’efficacité du régime disciplinaire en vigueur. À propos de ces pratiques, notons que d’une part, en amont, le règlement intérieur de l’Assemblée n’érige en faute, les actes de corruption commis par un élu dans l’exercice d’une activité parlementaire et laissant ainsi perdurer les soupçons de corruption et de pot de vin dont ils sont bénéficiaires. Les fautes connues sont celles qui se rapportent aux faits que nous pouvons qualifier de faits bennés. En aval, les parlementaires s’adonnent régulièrement à la défense des intérêts particuliers, en dépit du mandat dont ils sont investis. Individuellement, cette défense est assurée par le biais des motions d’informations, des questions orales ainsi que des questions d’actualité. L’on peut même affirmer que ces outils aident désormais les élus à s’occuper permanemment de la défense des intérêts particuliers.

Ces pratiques qui dénotent un véritable décalage entre la conception classique du régime disciplinaire et sa pratique, attestent, par conséquent, la désuétude de l’éthique parlementaire. Néanmoins, on doit affirmer sans crainte d’être contredit que l’état de lieux de la discipline parlementaire au Kasaï-Oriental reste dans la mesure du droit positif congolais efficace. Il suffit tout simplement de réajuster certains comportements méconnus par le règlement au moment de son élaboration pour une éthique honorable. Cette réflexion n’a pas la prétention de clore le débat sur la discipline parlementaire ; elle en est par contre une contribution par son regard critique de la situation actuelle et par la voie qu’elle trace pour une meilleure éthique parlementaire. Tout ceci passe par la socialisation des acteurs de premier rang, qui sont les Députés.

Nécessité de dépassement et de démocratisation

Par Germain Mbav Yav*

Résumé

La présente contribution a pour but d’offrir aux protagonistes de l’action publique en République Démocratique du Congo les possibilités innovantes de la légistique dépassant les limites juridiques et rédactionnelles habituelles. Elle plaide également pour la démocratisation de la légistique au-delà des assemblées délibérantes et des exécutifs. Car, au-delà de ses aspects juridico-rédactionnels, la légistique peut garantir une meilleure mise en œuvre des lois et leur adaptation aux réalités en constante évolution. Dans un pays où les lois sont appelées à jouer un rôle essentiel dans la gouvernance et la justice sociale, l’extension de cette discipline, au-delà des limites traditionnelles du parlement et du gouvernement, ouvre de nouvelles perspectives.

Elle invite ainsi à explorer les autres aspects factuels de la légistique, en mettant l’accent sur

la mise en œuvre et l’efficacité des lois.

Aussi suggère-t-elle que d’autres acteurs soient non seulement impliqués dans la confection de la législation, mais surtout, qu’ils soient familiarisés aux méthodes et techniques d’élaboration de la loi.

Abstract

The aim of this contribution is to offer the protagonists of public action, in the Democratic Republic of Congo, the innovative possibilities of legislative work that go beyond the usual legal and drafting limits. It also advocates for the democratization of the legislature beyond deliberative assemblies and executives. Because, beyond its legal and drafting aspects, legislation can guarantee a better implementation of laws and their adaptation to constantly changing realities. Thus, in a country where laws are called upon to play an essential role in governance and social justice, the extension of this discipline beyond the traditional limits of parliament and government opens up new perspectives.

It thus invites us to explore the other factual aspects of legislation, with a focus on the implementation and effectiveness of laws. It therefore suggests that other actors should not only be involved in the drafting of legislation but also above all should be familiar with the methods and techniques of law-making.

Introduction

On retient aujourd’hui que la légistique, cette récente et interdisciplinaire démarche, constitue un outil indispensable pour l’amélioration de la qualité de la loi ainsi que la garantie de l’État de droit. Aussi, s’accorde-t-on pour affirmer qu’avec la déliquescence de l’État libéral ou pyramidal, mieux la montée de l’État interventionniste, la tendance est de dépasser les dérives d’un certain belgicisme considérant la légistique comme étant « l’art de rédiger le droit », ou celle se focalisant essentiellement sur les aspects juridico- rédactionnels.

On migre de plus en plus vers la légistique au sens large, mieux, celui de la légisprudence1, mettant un accent particulier notamment sur la légistique matérielle et l’évaluation législative.

On ne niera pas, par ailleurs, qu’autant dans la tradition continentale que dans celle anglo- saxonne, un legs classique et incontestable : seuls les parlements et les gouvernements sont aux manettes de la confection des mesures d’actions publiques. Mais, aujourd’hui, avec davantage l’impératif de la participation citoyenne à l’action publique, on note dans plus d’un pays du monde notamment la montée de la démocratisation de la légistique. Cette démocratisation, ayant notamment pour but de pallier les insuffisances des acteurs des institutions traditionnelles, comme le parlement et le gouvernement, passe par exemple par la généralisation de la formation en légistique au sens large, les recherches, les Guides et les fora sur la législation, le renforcement des Commissions de rédaction, l’évaluation plurielle des politiques publiques et des législations, ainsi que le recours aux organismes participatifs et pluralistes ou aux plates-formes extérieures au parlement ou au gouvernement.

Cependant, en République Démocratique du Congo, la légistique, à la mode depuis des dizaines d’années, est essentiellement présente dans des hémicycles et des commissions permanentes des assemblées délibérantes. Elle est quelque peu exotique dans les us et coutumes des membres et experts des exécutifs, ou des acteurs des groupes thématiques des Organisations de la Société civile ayant des liens directs ou indirects avec certaines lois et politiques publiques. Aussi, est-elle de moins en moins présente dans les cursus et recherches des universitaires du pays. En outre, dans ce pays, cette discipline est de plus en plus usitée dans son sens restreint. Ceux qui l’utilisent sont hantés par le belgicisme précité ou se penchent également davantage sur des aspects juridico-rédactionnels au détriment des aspects factuels de la loi. Autrement- dit, tous lesdits acteurs intervenant dans la confection de la loi, ne sont pas réellement formés à la légistique dans son sens large, ou telle que conçue par un de ces pionniers, en la personne du pénaliste zurichois, Peter Noll. Ils ne sont pas véritablement sensibilisés, conscients ou familiarisés aux méthodes et techniques d’élaboration et d’évaluation des lois.

Peut-on alors dans ces conditions espérer donner des opportunités à la légistique au sens large d’émerger de manière idoine en République démocratique du Congo ? Peut-on réellement arriver à dépasser ledit belgicisme, la perspective dogmatique de la légistique et démocratiser celle-ci ?

Ainsi, la présente contribution a pour ambition, d’abord, de débarrasser les institutions du pays de cette conception inadéquate et atrophiante de la légistique ainsi que de proposer la démocratisation de la démarche. Pour sa bonne compréhension, cette contribution s’articule autour de trois points.

Le premier porte sur la clarification de la notion de la légistique au sens large ou de la légisprudence, en montrant les nuances entre la perspective dogmatique et la légisprudence et en nous focalisant sur son objet, ses ambitions portant essentiellement sur l’amélioration de la qualité de la législation. Le deuxième point planche sur quelques velléités de la productivité législative. Et le troisième propose certaines pistes de l’amélioration de la qualité de loi et de la démocratisation de la légistique en République démocratique du Congo.

  1. La légisprudence est un néologisme préféré aux expressions « légistique » ou « science de la législation ». Le mot « légistique » (« Legistik ») est souvent utilisé dans un sens plus étroit ; l’expression « science de la législation » (« Gesetzgebungssissenschaft ») n’est guère adéquate pour englober aussi les orientations essentiellement pratiques ou pragmatiques de cette approche globale de la législation. Le mot légisprudence correspond bien à l’expression allemande

« Gesetzgebungslehre » et l’analogie sous-jacente au mot « jurisprudence » convient bien à l’objet, aux méthodes et aux champs d’intérêt de la discipline.

I.                   Aperçu sur la notion  de la légisprudence et sur ses corollaires

Il convient dans cette partie de ressortir les nuances conceptuelles et théoriques entre la perspective dogmatique et la légisprudence, en mettant bien évidemment l’accent sur son objet, ses ambitions qui portent essentiellement sur l’amélioration de la qualité de la législation.

A. Perspective dogmatique différente de la perspective légistique

La perspective dogmatique se concentre sur l’analyse et l’étude du contenu des règles de droit. Elle vise à identifier les principes et les concepts fondamentaux qui guident l’interprétation et l’application des lois. Il convient de relever que bien qu’elle englobe également d’autres aspects tels que la doctrine juridique, la législation et la jurisprudence, l’activité judiciaire demeure une partie importante du système juridique. En effet, la théorie du droit a été, et l’est encore, presque exclusivement axée sur l’activité judiciaire ou la jurisprudence, et beaucoup moins sur la législation.

Dans cette perspective, le droit est essentiellement appliqué par le juge, par toutes sortes d’agents administratifs et partiellement par des particuliers. Le rôle du juge dans la perspective dogmatique ou juridique est de mettre en pratique la lettre du texte écrit, tel qu’il a été conçu par le législateur. Il n’est que « la bouche qui prononce les paroles de la loi »2, pour ne pas citer la célèbre expression de Montesquieu.

Le point de départ d’une réflexion juridique à laquelle il faut donner une réponse est une situation de fait. Par rapport à cette dernière, les juristes cherchent la règle juridique qui lui est applicable, c’est-à-dire la règle de droit pertinente par rapport à la situation de fait. Ce qui suppose « un raisonnement à la fois déductif, axiomatisé et formalisé » 3. Cette perspective porte sur la vérification de la qualité juridique en s’appuyant essentiellement sur l’application des principes constitutionnels à la loi elle-même, sur le développement du contrôle de constitutionnalité des lois, ainsi que sur les techniques d’insertion et de contrôle du respect du droit international, etc.

En conséquence, la perspective dogmatique s’appesantit « exclusivement sur la phase d’application des textes légaux. Elle se désintéresse de la phase de création des normes qui, sous réserve de la conformité aux règles de rangs supérieurs, est conçue comme une phase purement politique »4. « Pour les juristes, d’abord préoccupés par le texte normatif et sa lecture jurisprudentielle, »5« la production législative constitue une boîte noire de peu d’intérêt et qui relève de la politique plutôt que de la science du droit »6. « Ce désintérêt trouve son origine dans le positivisme juridique qui confine la science du droit à la méthodologie d’application des normes en vigueur »7.

  • Mader Lucius, « Législation et légisprudence », In Contributions à l’action publique, (dir) Jean-Loup Chapelet, 2006, p.

198. On retrouve également cette formule dans le fameux Chapitre V (La Constitution d’Angleterre).

  • Charles Albert Morand, “La méthode législative ou la rationalisation de l’action finalisée de l’État”, In LeGes 1990/1,

p. 37.

  • Charles Albert Morand, op.cit, p. 38.
  • Peter Noll et al, « La conception des lois : la démarche légistique entre théorie et pratique. », In Delley, Genève : CETEL, 2009, 103 p.
  • Charles Albert Morand, op.cit, p. 39.
  • Delley et al, La conception des lois : la démarche légistique entre théorie et pratique, Genève : CETEL, 2009, 103 p.

Notons toutefois qu’au-delà du « mode de raisonnement analytique, linéaire et déductif caractéristique de la logique juridique […] s’oppose un raisonnement synthétique, systémique et téléologique, qui permet de mieux appréhender la complexité du réel, donc favorise l’eficacité de l’action »8 : il s’agit de la perspective légistique ou « légisprudentielle » ou encore de la légisprudence.

  1. La légisprudence comme lieu de secours de la perspective dogmatique

Peter Noll, ce pénaliste zurichois et pionnier de la légistique au sens large9, plaide pour une approche méthodique et pluridisciplinaire de la législation inspirée par une rationalité planificatrice10. C’est dans ce sens que la légisprudence a résulté notamment de « l’obligation de planifier le projet de législation… ».11

La légisprudence établit, à cet effet, les principes méthodiques permettant à ceux qui préparent un texte légal d’analyser une réalité sociale complexe afin de trouver une solution à un problème de société et d’apprécier les effets produits par la législation adoptée. Elle repose sur des ambitions qui « impliquent une approche rationnelle de l’action publique : une connaissance précise du terrain d’intervention, de sa logique de fonctionnement, un diagnostic explicite de la situation qui met en évidence non seulement le but poursuivi, mais encore les objectifs qui le concrétisent, l’élaboration d’une stratégie eficace, son évaluation aussi bien prospective que rétrospective et, le cas échéant, les corrections qui s’imposent. »12

Ainsi, loin de demeurer dogmatique, la légistique envisage l’action et des effets sur le vécu des citoyens. Elle est un processus reposant sur une action finalisée, volontariste, destinée à résoudre un problème et à rationaliser le processus de formation et de mise en œuvre de la loi.

  • La légisprudence : un domaine plutôt interdisciplinaire que juridique

La légistique relève, mieux, est née à la frontière du droit. Mais attention, elle n’est pas exclusivement juridique. Même si la dogmatique lui offre tant d’éléments, « la légistique dépasse le cadre étroit du juridique. Elle porte tout autant sur l’agencement des politiques publiques que sur les textes de lois »13. Elle n’est pas un domaine exclusif des juristes, même si ces derniers, au-delà de syllogistique juridique, maîtrisent traditionnellement, par essence, des techniques législatives. En effet, les juristes, à quelques exceptions près, sont essentiellement outillés à appliquer et à interpréter la législation plutôt qu’à la fabriquer. Par ailleurs, le travail plutôt de mise en œuvre que de mise en forme de normes n’est pas mieux effectué que par des juristes vue la complexité des domaines de la législation, surtout pour celle ayant la fonction de pilotage.

De manière concluante, la légisprudence, loin de viser les avocats, notaires ou magistrats ainsi que des politologues prestant en dehors de la fabrication des normes, pour ne citer que ces derniers, concerne plutôt toutes les personnes qui participent aux travaux législatifs (les légistes), mieux à fabriquer la législation, partant de la conception, en passant par la rédaction, l’adoption jusqu’à la mise en œuvre, voire l’évaluation et la correction.

  • Jean Chevallier et Daniel Lochak, « Rationalité juridique et rationalité managériale dans l’administration française », In Revue française d’administration publique, n° 24, octobre/décembre 1982, p. 58.
  • Il va contribuer à populariser la légistique dans son célèbre Traité de Légistique, paru en 1973.
  • Alexendre Flückiger, Les racines historiques de la légistique en Suisse ; Séminaire Commission européenne, 19 octobre

2007 – Bruxelles, p.26

  1. Mader Luzius, L’évaluation législative, Pour une analyse empirique des effets de la législation, Payot, Lausanne, 1985,

p. 81.

  1. Alexandre Flückiger, op.cit, p.14.
  2. Charles Albert Morand, op. cit. p. 36.

Qui plus est, la légistique s’est développée « aux frontières du droit et de plusieurs autres disciplines scientifiques, notamment des sciences sociales (sciences politiques et administratives, sociologie, sciences économiques, etc.) et de la linguistique.»14 C’est en ce sens que « Geny avait le dessein de rattacher le droit aux autres sciences sociales, spécialement à l’économie et à la sociologie, afin de déterminer l’intention du législateur15 Par ailleurs,

« visant à rationaliser la production normative, la légistique prend appui sur les sciences sociales pour appréhender la réalité et sur les sciences de la communication et du langage pour formuler les normes.»16

En effet, la science politique, la psychologie et l’économie contribueront au développement de la légistique. On ne peut pas non plus oublier le grand apport du management. Car, « si la légistique formelle renvoyait au savoir du juriste, la légistique matérielle prend en compte des compétences qui relèvent de plus en plus des techniques managériales. »17 Pour Flückiger,

« les juristes n’ont plus le monopole de la fabrication de la loi ni de sa mise en œuvre; le point de vue interdisciplinaire de la légistique en témoigne »18.

Ainsi, donc, la légistique, au sens large, n’est donc pas du tout spécifiquement juridique et « n’est donc nullement réservée aux juristes, même si on peut admettre sans autre que les juristes (d’ailleurs tant des publicistes que des privatistes et des pénalistes) ont donné des impulsions nécessaires à sa genèse et continuent à contribuer de façon décisive à son développement.»19 Elle se propose de dépasser la fragmentation qui résulte des barrières érigées entre les sciences sociales et le droit. D’emblée, elle se veut donc interdisciplinaire20.

Des domaines d’intervention de la légistique

Au-delà de ces avertissements, nous mettons encore en garde sur le fait que la légistique, au sens large, ne relève aucunement de l’art. François Gény estimait, déjà en 1904, « qu’une technique législative réfléchie l’emportait sur les vagues suggestions de l’instinct et les directions indéterminées de la tradition : il s’agit, avant tout, de savoir s’il est bien nécessaire, voire même utile, que le législateur prenne conscience d’une méthode, dont il soit résolu à suivre fidèlement les directions, ou s’il ne serait pas mieux qu’il s’en remît tout simplement aux vagues suggestions de l’instinct ou aux directions indéterminées de la tradition, pour lui inspirer les procédés les plus adéquats à son but. »21 Et pour Ripert, « la législation devrait passer du régime de la fabrication artisanale à celui de la grande industrie et des produits faits en série ».22

Conséquemment, on distingue classiquement la légistique matérielle et la légistique formelle

; l’une s’intéresse au fond (contenu), l’autre à la forme (contenant). La légistique matérielle est « une élaboration méthodique de la législation »23 . Elle « est là pour éclairer le législateur dans le choix des options législatives les plus appropriées pour résoudre au mieux un problème de société »24.

  1. Charles Albert Morand, idem, p.37.
  2. Jean-Pierre Duprat, « Genèse et développement de la légistique », in Drago Roland (dir.), La confection de la loi, Paris, PUF, 2005, p.27.
  3. Alexandre Flückiger, op.ci, p.47.
  4. Jean-Pierre Duprat, op.cit., p. 33.
  5. Luzius Mader, « Législation et légisprudence », In Contributions à l’action publique, (sous-dir) Jean-Loup Chapelet, 2006, p. 198.P. 625
  6. Luzius Mader, op.cit, p. 198.
  7. Luzius Mader, Idem, p. 5.
  8. Alexandre Flückiger, op.cit, p.14.
  9. Jean-Pierre Duprat, Op.cit., note 30, p. 12
  10. Charles Albert Morand, Les exigences de la méthode législative et du droit constitutionnel portant sur la formation de la législation, in Droit et société, n° 10, 1988, p. 391.
  11. Alexandre Flückiger, Les racines historiques de la légistique en Suisse, Séminaire Commission européenne, 19 octobre

Elle porte sur le contenu de la matière à réglementer et la manière de concevoir l’action normative, c’est-à-dire à ce qui est concrètement décidé par le législateur. La légistique formelle, quant à elle, traite de la mise en forme ou de l’expression de l’intervention normative. Elle « contribue à communiquer le scénario régulatoire retenu en un texte clair »25 et s’intéresse au contenant de la loi, c’est-à-dire son enveloppe linguistique ou sa qualité rédactionnelle.

Sous un autre registre, la légistique au sens large approche la législation notamment sous quatre angles ou quatre principaux aspects qui caractérisent le travail législatif, à savoir :

  • le déroulement sous l’angle institutionnel ou de la procédure législative : phase préliminaire ou pré-parlementaire (impulsion, avant-projet, procédure de consultation, évaluation ex ante) ; phase parlementaire (débat, amendement, rédaction, adoption) ; phase post-parlementaire (promulgation, mise en œuvre, évaluation rétrospective, etc.) ;
  • la gestion du projet (mandat d’élaborer le projet, planification, etc.) ;
  • le cycle de résolution des problèmes : Il s’agit d’un processus appliqué pour résoudre les problèmes complexes. Le modèle théorique de la légistique découpe le processus de création de la loi en plusieurs étapes présentées qui peuvent être chronologiques ou itératives. Il propose, pour chacune de ces étapes, des techniques propres à en optimiser le déroulement et le produit ; à savoir la définition du problème, la détermination des buts et objectifs, le choix des instruments d’action. S’il faut nous focaliser sur le caractère itératif du cycle, nous dirons que les quatre étapes peuvent être parcourues plusieurs fois pour arriver à une conclusion plausible ;
  • enfin, la rédaction proprement dite des normes.

Aussi, la démarche se rattache-t-elle notamment aux termes de la « sociologie législative empirique », de la « science ou de la théorie de la législation », de la « procédure législative », de la « méthodologie législative », de la « technique législative » 26 ou de la notion de

« légisprudence ».

  1. La légistique : « une approche globale de la législation »

Plutôt que d’être « insulaire », la légistique repose sur « une approche globale de la législation

». Cette nouvelle discipline vise à réaliser une approche globale du phénomène législatif. Elle est « une méthode aux contours vastes »27. Plutôt que d’être linéaire, la légistique implique un raisonnement systématique et cybernétique. La légistique se penche sur un processus législatif allant de la genèse à la mise en œuvre de la loi. Ce processus législatif « peut être présenté comme un système, c’est-à-dire comme une unité globale organisée d’interrelations entre éléments, actions, ou individus »28. Pour Morand, la perspective légistique « facilite tout particulièrement l’approche globale et la compréhension du phénomène législatif29 Elle « porte sur toute la phase de production et d’application des normes dans un processus sans fin d’adaptation de ces normes à une réalité sociale mouvante »30 ainsi que « sur les interactions entre le droit et la société. Elle a trait à l’analyse des faits sociaux qui doivent être pris en considération dans le cadre de la genèse d’un texte légal.

2007, Bruxelles, P.39

  • Alexandre Flückiger, op.cit, p.42.
  • Mader Luzius, Op. cit. note 5, L. Mader, L’évaluation législative, Pour une analyse empirique des effets de la législation,

Payot, Lausanne, 1985, p. 18

  • Charles Albert Morand., “La méthode législative ou la rationalisation de l’action finalisée de l’État”, In LeGes 1990/1,

p. p. p. 35.

  • Charles Albert Morand, op.cit, p. 38.
  • Ibid.
  • Charles Albert Morand, idem, p. 39.

Elle développe par ailleurs les principes servant à évaluer les effets des normes prévues par

ces textes sur la réalité. »31

On ne le dira jamais assez, de manière pratique, la légistique au sens large « a conféré une importance grandissante à la légistique matérielle, (…) qui trouve aujourd’hui écho dans l’essor de l’évaluation législative notamment. »32. L’évaluation législative constitue une importante composante de la légistique et peut prendre diverses formes. On a certes coutume de renvoyer l’évaluation législative à la tâche de surveillance et de contrôle de l’exécution ou des effets des lois. Cependant, la doctrine voudrait qu’elle soit comprise comme un exercice d’apprentissage, tant lors de la phase pré-parlementaire que celle post-parlementaire ou de mie en œuvre. Elle peut, à cet effet, être hypothétique dans le premier cas (évaluation ex ante)

, et empirique dans le second ( évaluation ex post).

Elle est une démarche au-delà de l’évaluation juridictionnelle de régularité ou de conformité. Aussi, se distingue-t-elle de l’évaluation spontanée et impressionniste des effets ainsi que des diverses autres formes de contrôles étatiques, lesquelles valent aussi leur pesant d’or.

  • Qualité législative selon la légisprudence

La légistique au sens large insiste certes sur la qualité de la loi. Que faut-il alors entendre par une « bonne » qualité de la loi ? Quelles doivent en être les caractéristiques selon la légisprudence ?

Parmi tant d’autres étalons, l’Union européenne offre un bon panorama, selon l’Accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » du 16 décembre 2003 et, pour l’aspect plus spécifiquement rédactionnel et l’Accord interinstitutionnel sur les lignes directrices communes relatives à la qualité rédactionnelle de la législation communautaire du 22 décembre 1998 ». Ces Accords distinguent de manière schématique trois types de critères essentiels de la qualité de loi, à savoir les critères juridiques, les critères factuels et les critères rédactionnels.33

Les critères juridiques découlent de la légitimité démocratique, des principes de subsidiarité et de la proportionnalité, de la sécurité juridique et de la transparence du processus législatif.

Les critères factuels, c’est-à-dire ceux qui permettent d’examiner la capacité de la loi d’agir sur les faits, sont l’eficacité mesurée par l’évaluation, et la simplicité de l’action étatique. Ils peuvent s’expliquer au travers des objectifs assignés, du contenu (droit matériel), des besoins et attentes de la société.

Les critères de qualité rédactionnelle sont la clarté, la simplicité et la cohérence ainsi que la

concision, la précision et la réduction du volume de la législation.

  • Ibid.
  • Alexandre Flückiger, Les racines historiques de la légistique en Suisse, Séminaire Commission européenne, 19 octobre

2007 – Bruxelles, p. 18.

  • Ces critères de l’Union Européenne peuvent être éclatés en six par les institutions helvétiques, à savoir la conformité au droit, la genèse dans le respect des règles procédurales, la qualité matérielle, la qualité formelle, la dimension quantitative limitée aux règles nécessaires et la dimension temporelle basée sur la stabilité et la mutabilité. Aussi, dans le Document législatif n° 1-643/1 du Sénat du Royaume de Belgique, souligne-t-on les dix commandements qui font autorité en matière de « bonne législation ». Ces dix commandements consistent en trois critères de nature purement juridique (sécurité juridique, égalité juridique et administration individualisée de la justice) ; cinq critères mixtes juridico-socio- scientifiques (principe du juste niveau, précision de l’objectif, applicabilité, nécessité et proportionnalité de l’effet) et deux critères socio-scientifiques (effectivité et efficacité, effet social).

II.                 Des velléités de la démarche légistique en République Démocratique du

Congo

La démarche légistique en République Démocratique du Congo rencontre des difficultés qui ne rendent pas aisées son application. En partant des mécanismes aux stratégies de conception et d’exécution des lois, ces dernières restent par ailleurs denses mais assez souvent avec moins d’impact sur la société qu’elle régule.

A.     Des mécanismes de production des lois

Subsidiairement à la doctrine et aux us et coutumes en matière de législation, la République Démocratique du Congo consacre au travers de sa Constitution et de quelques textes réglementaires, notamment les mécanismes légistiques suivants pour l’amélioration de la qualité des lois :

  • L’initiative des lois (proposition ou projet de loi, amendement ou révision) appartenant concurremment au Gouvernement et à chaque élu34 ;
    • la procédure législative impliquant autant le pouvoir exécutif que législatif. Particulièrement les membres du Gouvernement ont accès aux travaux de l’Assemblée parlementaire ainsi qu’à ceux de leurs commissions. S’ils en sont requis, les membres du Gouvernement ont l’obligation d’assister aux séances de l’Assemblée, d’y prendre la parole et de fournir aux parlementaires toutes les explications qui leur sont demandées sur leurs activités35 ;
    • la notification pour information d’une proposition de loi (initiative d’un élu) au Gouvernement pour ses observations éventuelles de celui-ci, dans les 15 jours suivant la transmission36;
    • les instruments de contrôle et d’information37 dont disposent les élus, particulièrement sur la législation ;
    • les autres passerelles entre les pouvoirs exécutifs et législatifs ;
    • les nouvelles délibérations de la loi à la demande du Président de la République38 ;
  • Article 130, Constitution du 18 février 2006 pour le pouvoir central et article 33 de la Loi n° 13/008 du 22 janvier 2013 modifiant et complétant la Loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, pour les provinces l.
  • Article 131, Constitution du 18 février 2006.
  • Article 130, Constitution du 18 février 2006.
  • Ces instruments sont énoncés dans l’Article 138 de la Constitution du 18 février 2006 qui stipule :

Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, les moyens d’information et de contrôle de l’Assemblée nationale ou du Sénat, sur le Gouvernement, les entreprises publiques, les établissements et services publics sont :

  1. la question orale ou écrite avec ou sans débat non suivie de vote ;
  2. la question d’actualité ;
  3. l’interpellation ;
  4. la commission d’enquête ;
  5. l’audition par les Commissions.

Ces moyens de contrôle s’exercent dans les conditions déterminées par le Règlement intérieur de chacune des Chambres et donnent lieu, le cas échéant, à la motion de défiance ou de censure, conformément aux articles 146 et 147 de la présente Constitution.

  • Art 137 Cst

Dans un délai de quinze jours de la transmission, le Président de la République peut demander à l’Assemblée nationale ou au Sénat une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut être refusée. Le texte soumis à une seconde délibération est adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat soit sous la forme initiale, soit après modification à la majorité absolue des membres qui les composent.

  • l’habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances-lois, pendant un délai limité et sur des matières déterminées, des mesures étant normalement du domaine de la loi39 ;
  • l’intervention des services de normalisation dans chaque ministère ;
  • l’apport technique des experts nationaux et internationaux ;
  • les auditions ou consultations des bénéficiaires ;
  • le bicamérisme permettant d’avoir beaucoup d’opinions et d’améliorer la qualité de la loi ;
  • la répartition des compétences (niveau central et niveau provincial) en tant que facteurs d’amélioration de la qualité de la loi, des procédures législatives ;
  • les travaux en Commission ou en Plénière au Parlement ;
  • les panels de réflexion organisés par le Gouvernement, portant sur une législation donnée;
  • l’accompagnement des élus par le Bureau d’études et les assistants ;
  • le contrôle de constitutionnalité des textes ;
  • la révision des lois qui posent problème;
  • la mise en œuvre de différentes législations au travers notamment de la réglementation ;
  • les arrêts et jugements des cours et tribunaux ;
  • la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais (CPRDC) du Ministère de la Justice et Droits Humains ;
  • l’effort de codification des lois et règlements ;
  • les multiples reformes au sein des institutions ;
  • l’élaboration des politiques publiques sectorielles et des plans et schémas directeurs etc.

En somme, ces efforts sont louables. Mais, ils restent timides et méritent d’être revus à la hausse pour qu’ils influent positivement et considérablement sur la qualité de la loi. Aussi, faut-il que, du point de vue de la légistique, ils soient systématisés, codifiées et fassent l’objet d’une sensibilisation accrue.

B.      De la critique récurrente de ces mécanismes

La République Démocratique du Congo, à l’instar de plusieurs pays du monde, est l’objet concomitamment des normes de haute facture rédactionnelle et d’une « législation en crise»40. En dépit d’une attention soutenue sur la qualité juridico-formelle, la démarche légistique, au sens large, semble étrangère à la République Démocratique du Congo. Sans être exhaustif, nous pouvons étayer cette affirmation par les cinq (5) éléments majeurs, à savoir :

  • la procédure législative où la démarche méthodique de la législation semble étrangère;
    • la formation en légistique est essentiellement basée sur les aspects formels;
    • il y a confusion entre la productivité et la qualité de la loi ;
    • la mise en œuvre et les effets des lois demeurent les cadets des soucis du législateur ;
  • Art 129 Constitution.
  • Nous avons emprunté les expressions d’Alexandre Flückiger, notamment les expressions utilisées par A. Viander, Valérie Lassere-Kiesow, Roland DRAGO et par Bertrand Marthie etc., Alexandre Flückiger, « Qu’est-ce que mieux légiférer Enjeux et instrumentalisation de la notion de qualité législative », p 12, in Guider les parlements et les gouvernements pour mieux légiférer, le rôle des guides légistiques (dir) Flückiger Alexandre et Eucabert Christine-Guy, Schultess, 2008.
  • les révisions et les amendements législatifs sont susceptibles de démanteler le projet initial.
  • La procédure législative ou la démarche méthodique de la législation semble

étrangère

Par procédure législative, nous entendons, comme susmentionné, la phase préliminaire ou pré-parlementaire (impulsion, avant-projet, procédure de consultation, évaluation ex ante) ; la phase parlementaire (débat, amendement, rédaction, adoption) ; la phase post-parlementaire (promulgation, mise en œuvre, évaluation rétrospective, etc.)

Le processus législatif tel que vécu en République Démocratique du Congo, sans bien sûr exclure quelques performances ci-haut énumérées, ne fait pas l’objet d’une analyse et démarche méthodique et orthodoxe dans le chef du législateur, du chercheur et de l’Exécutif pour sa rationalisation et son assise sociale. Il n’est systématiquement pas lié aux 4 aspects entrant en compétition (déroulement sous l’angle institutionnel, la gestion du projet, le cycle de résolution des problèmes, la rédaction proprement dite) pour que la loi soit efficace ou de bonne qualité.

Nous pouvons fustiger, à cet effet, notamment ce qui suit :

  • l’absence ou la quasi-inexistence des normes portant sur la réglementation du processus préliminaire ;
    • l’absence de la définition exacte des acteurs (service, experts, cabinets etc.) dans la

phase de la conception et de la rédaction de l’avant-projet ;

  • la transmission des projets sans rapport ni note, moins encore un message au Parlement ou à l’Assemblée provinciale dans la plupart des cas (les élus se contentent de l’exposé des motifs, des éclaircissements verbaux des experts lors des travaux en commission) ;
    • silence sur l’opportunité ou l’obligation des consultations des bénéficiaires, ou l’importance des travaux mixtes avec d’autres Ministères ou services. Aucun texte ne dit si le gouvernement peut recourir à telle ou telle expertise en cas de besoin ;
    • appropriation des avant-projets par les organismes internationaux ;
    • absence des règles et des standards sur l’évaluation législative ex ante et ex post ;
    • absence des démarches et des textes portant sur le cycle des problèmes et la gestion du projet ;
    • non-maitrise, par la majorité des Congolais, voire des agents de l’État, de la législation du pays, même dans les domaines où ils sont censés maitriser l’essentiel.
  • La formation en légistique basée essentiellement sur les aspects formels

Rappelons que la légistique, en tant que concept, a commencé à faire florès et à être davantage usitée dans les assemblées délibérantes de la République Démocratique du Congo lors du Gouvernement un plus quatre, mieux vers les années 2000.

En effet, après les Accords de Sun city ou l’installation des institutions sous le régime de « un plus quatre », quelques actes de tâtonnement de formation et d’application de la légistique ont été entrepris au niveau du « Parlement de la Transition ». C’est sous l’impulsion et l’appui de quelques organismes internationaux et partenaires du Parlement national, notamment le PNUD, l’AWEPA, l’Union européenne, le DAI /USAID, la Belgique et la France, que certains parlementaires congolais et fonctionnaires des Bureaux d’Études de l’Assemblée nationale et du Sénat ont été formés à la légistique. Ainsi, une conscience d’améliorer la qualité rédactionnelle et juridique selon la démarche légistique a été constatée dans le chef de quelques membres du parlement national.

Aussi, certains parlementaires et cadres de ces assemblées délibérantes ont bénéficié de

quelques ABC de la légistique de la part de leurs homologues de pays étrangers.

Signalons également qu’à l’aube de la troisième République, un engouement pour le renforcement des capacités des Assemblées provinciales a été constaté dans le chef de ces partenaires internationaux. Le renforcement des capacités sur la légistique n’est pas omis. On peut dire que chaque Assemblée provinciale a connu au moins une formation en légistique. Parmi les organismes d’appui, on peut citer le PNUD ayant utilisé ses experts et ceux du parlement national et de l’université, l’AWEPA, le PAP Union européenne, le DAI/ USAID, la Westminster Fondation for Democracy. A ces efforts, on peut aussi ajouter ceux du Réseau Congolais de Personnels des Parlements.

À ces séances de formations, ont été associés timidement quelques membres des exécutifs et des organisations de la société civile. Curieusement, ces formations en légistique se sont montrées courtes et éparses, outre qu’elles se sont surtout focalisées sur la dimension rédactionnelle.

Concernant les scientifiques, nous dirons qu’à part un éveil de conscience dans certaines universités ou facultés de droit de la place, comme c’est le cas à l’université de Kinshasa41, à l’université catholique du Congo et à l’Institut Supérieur d’Etudes parlementaires où on organise des Cafés légistiques et des formations continues en la matière42, nombreuses des universités ne semblent guère se préoccuper de ce domaine. En effet, les universités congolaises, dont les facultés de droit ou des sciences sociales et économiques, n’ont pas encore, dans la plupart des cas, pris conscience de l’insertion de la légistique dans leurs programmes de cours ou de recherche.

On pourrait peut-être comprendre que ce fait est lié à l’angle de vue de divers chercheurs. Ce désintérêt trouve notamment son origine dans une certaine et autonome conception du système juridique qui confine la science du droit à la méthodologie d’application et d’interprétation des normes en vigueur ainsi que de la jurisprudence. Largement intériorisée tant par les gouvernants que par les gouvernés, cette conception a traditionnellement dominé et domine souvent encore. Elle est la manifestation d’une conception dogmatique et mécanique de la législation, se souciant peu des effets de la loi sur la société, comme nous cesserons de le répéter.

  • Confusion entre productivité et qualité de la loi

En général, le législateur congolais confond la productivité des lois avec la qualité de celles- ci. Il n’est pas rare d’entendre les membres de l’Exécutif, ou de mandat politique, exprimer ainsi leurs propres opinions sur les bilans :

« Notre bilan est positif dans la mesure où nous avons soumis au Parlement autant de projets de loi ou d’édits » ;

« Nous avons bien travaillé pour avoir permis à l’État de disposer d’autant de textes réglementaires ».

Particulièrement, les élus peuvent, à la fin de la session parlementaire, de la législature, arborer

: « Nous pouvons nous féliciter d’avoir proposé ou voté autant de lois ».

  • Instauration du cours de légistique.
  • Il faut aussi ajouter que l’Institut Supérieur d’Études Parlementaires dispose, en plus de son centre de recherche en études parlementaires, d’un Centre d’Analyse, Conception, Suivi et Evaluation des Lois et Politiques publiques, CACSELP-ISEP.

On dirait que ces politiques étaient trop satisfaits d’une abondante production législative,

« que toutes les lois paraissaient faites et bien faites, et pour longtemps, il était possible de donner congé à la législation. Mais ce serait s’arrêter à la surface de l’événement, »43 s’il faut s’exprimer à la manière du Doyen Jean CARBONNIER.

Les élus congolais peuvent et tout d’abord être influencés par le fait de vouloir justifier, aux yeux particulièrement des électeurs, qu’ils accomplissent bien les exigences de leurs mandants électoraux. Par ailleurs, c’est peut-être cette culture contemporaine influencée par cette obsession de la productivité qui les hante. Car, « la loi est tombée au niveau des vicissitudes banales de la production législative. Une production qui s’est industrialisée, standardisée, et dont les produits finis s’ajoutent et s’intègrent sans relâche au stock de textes du Journal Oficiel… Là, comme dans tout secteur industriel : productivité fait loi. »44

Certes, il est spectaculaire de présenter un bilan dressant une grande productivité législative au cours d’une session parlementaire, de législature ou d’un mandat politique. Faudrait-il dès lors s’en enorgueillir ?

À propos, Léon KENGO WA DONDO, ancien Président du Sénat de la République démocratique du Congo, n’avait-il pas vu juste quand il invitait notamment les Sénateurs à jeter un regard rétrospectif sur l’application des lois et à se demander si, avec le volume et la pertinence des lois votées, ils ont atteint les objectifs assignés ?45

Sans certes se flatter du score de 250 lois votées par le Sénat après 11 ans, il souligne que « dans l’afirmative, les acquis doivent booster davantage nos efforts pour plus de performance. Dans la négative, nous avons le devoir d’identifier les faiblesses et les causes de l’enlisement, pour une recherche positive des pistes de solutions. Dans cette optique, il n’est pas superflu de nous demander si le mal ne se situe pas au niveau de l’application des lois votées. » À cet effet, il évoque successivement l’inventeur Thomas EDISON et le Procureur Général Maurice AYDALOT qui affirment respectivement que : « La vision sans réalisation n’est qu’hallucination » ; « Les textes non appliqués n’ont comme ressource que de peupler le cimetière des lois non exécutées. Il en est de même des textes mal appliqués, puisqu’ils n’atteignent pas l’objectif poursuivi par le législateur ». 46

  • La mise en œuvre et les effets des lois : les derniers des soucis du législateur

Disons à priori que la loi en République Démocratique du Congo, dans son élaboration ou en tant que produit, pose problème. Ce problème n’est pas d’ordre juridico- rédactionnel, mais plutôt et essentiellement lié à sa conception (la manière dont elle est élaborée), à sa mise en œuvre et à ses effets. La loi, dans la plupart des cas, n’est pas du tout mise en œuvre et ne produit pas les effets escomptés. De manière condescendante, tout le monde s’en plaint, même le décideur, étrangement !

Qu’on pense à toutes ces nombreuses lois vouées à l’inapplication et sans effets dont certaines, quand elles sont effectivement mises en œuvre, produisent des effets pervers. Donc, bien de législations ne produisent pas toujours les effets voulus par le législateur, soit parce qu’elles sont détournées ou mal appliquées, soit parce que les objectifs sont ambigus ou vagues. Le législateur peine parfois à décoder certaines demandes sociales, et en assure dès lors une

  • Jean Carbonnier, Essais sur les lois, Paris 1979, p. 219. Référencé par FLÜCKIGER A., op. Cit. note 8, p. 5.
  • Kiessow Valérie LASSERRE, « La technique législative », In Confection de la Loi, Académie des sciences morales et politiques (dir), In Drago Roland ; Rapport d’étape, mars 2003, p. 89
  • Léon Wa Dondo Kengo, Allocution du Président du Sénat à l’occasion de l’ouverture de la session ordinaire de mars 2018, site du Sénat de la République démocratique du Congo http://www.senat.cd, (page consultée le 30 mars 2018)
  • Léon Wa Dondo KENGO, op.cit, site internet du Sénat de la République démocratique du Congo http://www.senat. cd, (page consultée le 30 mars 2018)

transposition législative inappropriée.

Il n’y a pas de doute que les élus congolais, dans leur majorité et parfois de manière désinvolte, soient conscients de cette maladresse collective des lois qui sont encore loin d’être exécutées et de produire des effets escomptés. Cependant, enclins à une méthode législative approximative dans leurs travaux parlementaires et en dépit de tous ces changements au niveau du management public des instruments internationaux et des défis nationaux, les élus ne perçoivent pas encore l’impérieuse nécessité d’apporter des solutions aux lois. Ils ne sont donc pas rendus sensibles à la capacité de la légisprudence, mieux de la légistique matérielle ou de l’évaluation législative de compléter les déficits des lois axées essentiellement sur la qualité juridico-rédactionnelle.

  • Des révisions et amendements législatifs susceptibles de démanteler le projet initial

Un défaut majeur et généralisé réside précisément dans le fait que, trop souvent le législateur ou les experts au gouvernement et ceux qui accompagnent les Parlementaires dans le cadre d’un projet ou d’une proposition de loi « se mettent à formuler des dispositions légales ou réglementaires avant même d’avoir des idées précises sur le contenu normatif. » 47 On dirait que le législateur jouait au puzzle. C’est une hantise qui ne concerne, mais hélas, pas seulement le législateur congolais.

L’élu ne se dispense malheureusement pas de faire des amendements ou révisions, si ce n’est pas en des termes sans assise sur le matériau social, mais plutôt avec désinvolture, outrecuidance. Sans outil d’évaluation digne de ce nom, il entretient un excès de confiance en soi ou la présomption de connaissance. Ce qui le pousse de temps en temps à ignorer le vrai problème qui est à la base d’une législation, ainsi que les objectifs, les moyens et les méthodes devant en présider l’élaboration ou l’amendement à proposer.

A ce sujet, Alexandre Fluckïger évoque Alain Berset48, ce politique suisse, et plus d’une fois Président de confédération suisse, qui avait vu vrai en soulignant que la question des amendements restait aujourd’hui un sujet de controverse pour décrire les aléas que la phase parlementaire faisait subir à un texte longuement pensé et soigneusement rédigé par le gouvernement et son administration. En effet, Alain Berset écrivit : « j’ai vécu des cas assez difficiles où il fallait se mettre au coin d’une table, prendre un bout de papier et un crayon et puis tenter de rédiger un amendement. […] Cela conduit évidemment parfois à des situations un peu particulières par exemple à un affaiblissement ou à une péjoration assez nette des textes, mais avec un but politique, qui est de faire bouger le Gouvernement, de faire bouger l’administration pour pouvoir aller dans le sens que l’on souhaite. Cela peut aussi donner parfois l’impression de processus assez arbitraires si l’on ne comprend pas dans les détails ce qui se passe. »49

III.              Leçons à tirer : Défi d’une infrastructure légistique conséquente

Face à ces vieillîtes qui rendent presqu’inefficace la loi, il sied de tirer quelques leçons aux fins de l’amélioration d’une infrastructure légistique conséquente en République Démocratique du Congo.

  • Luzius Mader, op.cit, p. 200.
  • Alexandre Flückiger, (Re)faire la loi : traité de légistique à l’ère du droit souple. Berne : Stämpfli, 2019, P. 126
  • Alain BERSET, « Ciel, le Parlement a démantelé mon projet de loi ; les aléas de la phase parlementaire », in : Flückiger/ Guy-Ecabert (éd.), Guider les parlements et les gouvernements pour mieux légiférer, Genève, 2008, p.142

A.     Prise de conscience des vrais contours de l’élaboration des lois et de leur qualité

À la lumière de ce qui précède, on constate d’emblée que le souci de la clarté des lois et un regain d’intérêt à la légistique ne sont certes pas à nier en République Démocratique du Congo. Cependant, les vrais contours de l’élaboration des lois, avec accent sur leur qualité, demeurent un défi.

En effet, dans la plupart des cas, par manque d’une culture légistique adéquate notamment, les acteurs institutionnels ne comprennent pas pleinement les implications de chaque concept juridique et ne prennent pas en compte les nuances et les spécificités de chaque domaine devant concourir à l’optimisation des lois. Ce qui entraine des lois imprécises et ambigües, menant notamment à des incohérences entre différentes lois et à une difficulté pour les citoyens et les professionnels du droit à comprendre et à se conformer aux réglementations.

Par ailleurs, les institutions ne sont pas conscientes des véritables exigences de l’élaboration des lois, avec pour conséquence un manque de consultation et de participation des parties prenantes pertinentes. Ce qui n’exclut pas d’avoir des lois ne répondant pas véritablement aux problèmes du quotidien et aux attentes de la société.

Enfin, il n’est pas rare d’assister à une surcharge normative ou une avalanche des lois plutôt au niveau national que provincial, avec pour conséquence notamment « les lois inutiles affaiblissant les lois nécessaires »50. Ce qui alourdit le système juridique et rend la mise en œuvre des lois encore plus complexe. Cela entraîne forcement une confusion pour les citoyens et les professionnels du droit. C’est en ce sens que Jean-Jacques Rousseau, écrivit :

« la multitude des lois annonce deux choses également dangereuses et qui marchent presque toujours ensemble : savoir, que les lois sont mauvaises et qu’elles sont sans vigueur »51.

Il est donc crucial pour les institutions de prendre conscience des vrais contours de l’élaboration des lois et de leur qualité pour garantir une législation claire, cohérente et adaptée aux besoins de la société. Cela peut se faire en renforçant les capacités législatives, en favorisant la consultation et la participation des parties prenantes, et en veillant à ce que la légistique soit une priorité dans les processus d’élaboration des lois.

B.     Impératif d’autres protagonistes pour l’amélioration de la qualité des lois

Comme nous l’avons rappelé, naturellement les parlements, en tant que représentants démocratiques et légitimes des peuples, doivent initier, amender et voter des lois, et les gouvernements, en tant qu’émanation de ces derniers, doivent initier des programmes d’action du gouvernement et davantage des projets de loi. Ils sont à cet effet les premiers récipiendaires de la légistique. Cependant, ils doivent êtres secondés par d’autres protagonistes qui doivent aussi se familiariser à la légistique. Voilà ce qui va améliorer les lois et les politiques publiques.

Ces protagonistes peuvent être des experts juridiques, des universitaires, des spécialistes des politiques publiques et d’autres parties prenantes intéressées.

Ces acteurs supplémentaires peuvent apporter une expertise approfondie dans des domaines spécifiques et fournir des contributions précieuses dans l’élaboration des lois. Ils peuvent aider à la rédaction des projets et propositions de lois, au signalement des lacunes ou des contradictions potentielles, et à l’évaluation de l’impact des lois proposées sur la société dans son ensemble.

En intégrant ces protagonistes à la légistique, les parlements et les gouvernements peuvent

bénéficier d’une perspective plus large et d’une expertise complémentaire.

  • Charles Montesquieu, De l’esprit des lois, 1758.
  • Jean-Jacques Rousseau, Des Lois, Fragments politiques, 1762.

Cela permet d’améliorer la qualité des lois, d’identifier les éventuelles conséquences imprévues et de favoriser l’adoption de réglementations plus efficaces et équitables.

En effet, les acteurs externes peuvent apporter de nouvelles idées, des perspectives alternatives et des innovations dans le processus législatif. Cela encourage une approche plus dynamique et réactive dans l’élaboration des lois, en permettant d’intégrer les meilleures pratiques et d’explorer de nouvelles solutions pour répondre aux défis émergents de la société.

Cela contribuera, également, à renforcer la cohérence et la clarté de la législation, évitant ainsi

des interprétations ambiguës ou des conflits entre les différentes lois.

Qui plus est, les parties prenantes externes peuvent également contribuer à l’évaluation de la mise en œuvre et de l’impact des lois proposées. Aussi, l’implication des autres protagonistes dans la légistique ajoute-t-elle une dimension de transparence et de légitimité au processus d’élaboration des lois. Cela renforce la confiance de la société dans le système juridique, en permettant une participation plus large et une meilleure représentativité des recommandations et des préoccupations des parties prenantes.

En somme, la démocratisation de la légistique assortie de l’implication de protagonistes supplémentaires dans la légistique permet d’améliorer la qualité des lois, de renforcer leur cohérence, de favoriser une meilleure prise en compte des impacts et de promouvoir la transparence et la légitimité du processus d’élaboration des lois. Ce qui contribue à une optimale mise en œuvre des lois, une plus grande confiance dans le système juridique et des réglementations plus efficaces et équitables pour la société dans son ensemble.

C.     Des directives d’amélioration de la qualité des lois et de démocratisation de la légistique

Afin de procéder à l’amélioration de la qualité des lois et de démocratisation de la légistique en République Démocratique du Congo, quelques directives sont proposées dans les lignes suivantes.

  1. Directives d’amélioration de la qualité des lois

Rappelons encore que l’utilisation de la légistique ne se limite pas seulement aux aspects juridiques et rédactionnels, mais qu’elle doit également prendre en compte les aspects factuels pour garantir une mise en œuvre efficace des lois. Pour améliorer la qualité des lois et leur mise en œuvre, voici quelques suggestions :

  • Collaboration interdisciplinaire : Encourager l’implication d’experts provenant de différents domaines pertinents dans le processus législatif. Les spécialistes des politiques publiques, des sciences sociales, de l’économie et d’autres disciplines peuvent apporter leur expertise pour évaluer les impacts potentiels d’une loi et identifier les éventuels limites et obstacles à sa mise en œuvre ;
  • Évaluation ex ante des impacts : Introduire une évaluation obligatoire des impacts législatifs, qui permet d’analyser les conséquences éventuelles et potentielles d’une loi sur différents aspects de la société, tels que l’économie, l’environnement ou la justice sociale. Cela permet de prendre des décisions éclairées et de proposer des améliorations lorsque nécessaire ;
  • Consultation citoyenne : Intégrer activement la voix des citoyens lors de l’élaboration des lois et de leur mise en œuvre. Organiser des consultations publiques, des sondages ou des débats en ligne peut permettre de recueillir les commentaires et les préoccupations des citoyens, ce qui contribue à créer des lois plus adaptées aux besoins de la population ;
  • Formation et sensibilisation : Mettre en place des programmes de formation sur la mise en œuvre des lois pour les responsables gouvernementaux, les fonctionnaires et les agents d’exécution. Ces formations peuvent porter sur les aspects procéduraux, les compétences de gestion nécessaires et les meilleures pratiques pour garantir une mise en œuvre efficace ;
  • Suivi et évaluation ‘in itinere’ ou ‘ex post’ : Établir des mécanismes de suivi et d’évaluation réguliers des lois en vigueur afin d’identifier les problèmes potentiels et de prendre les mesures correctives nécessaires. Cela permet de s’assurer que les lois sont appliquées de manière adéquate et de mesurer leur impact réel sur la société.

En combinant ces approches, il est possible d’améliorer la qualité des lois et leur mise en œuvre. Il est important de promouvoir une culture de l’évaluation et de la mise à jour constantes afin de s’assurer que les lois reflètent les réalités changeantes de la société et qu’elles sont efficaces dans la résolution des problèmes auxquels elles sont destinées.

  • Mécanismes de démocratisation de la démarche légistique

Nous avons, certes, concédé que les deux institutions classiques, sous leurs régimes tantôt de séparation des pouvoirs tantôt de collaboration, sont les premiers destinataires de la démarche légistique. Mais contribuer à l’élaboration et surtout à la mise en œuvre des lois passe également ou indirectement par d’autres protagonistes. Ce qui n’implique pas forcement qu’on doit arracher au parlement ou au gouvernement leurs compétences traditionnelles de conception ou de rédaction de la loi, mais plutôt associer les autres acteurs, sans, toutefois, s’abstenir de les outiller en légisprudence. Ce qui présuppose forcement la démocratisation de cette démarche.

Ainsi, dans le but d’asseoir des principes susceptibles de contribuer à l’amélioration de la qualité de la loi, c’est à dire de sa genèse, en passant de l’écriture jusqu’à la mise en œuvre, que nous proposons des mécanismes de la démocratisation de la légistique en République Démocratique du Congo. En effet, selon la doctrine, la démocratisation de la légistique passe notamment par les mécanismes impérieux et permanents suivants que nous pouvons relever à grands traits :

  • la systématisation de la formation en légistique. On organisera des cours de formation, non seulement à l’attention des membres du parlement et du gouvernement, mais aussi des organismes privés et de la société civile notamment, dans le souci de contribuer à atteindre les trois objectifs suivants: informer en permanence des questions fondamentales de nature interdisciplinaire en rapport avec la législation nationale qui se poseront à tel ou tel moment, enseigner des méthodes de travail servant à l’activité législative (y compris à l’évaluation de la législation) et définir des normes de qualité ;
  • les Guides de législation. Nous encourageons les institutions ou les universités du pays à élaborer chacune à sa manière un module de base de Guide de législation qui servira de fil d’Ariane tout au long du processus législatif;
  • les recherches et les fora sur la législation. Il est intéressant que les institutions décident de la création d’un forum de législation qui permettra autant au gouvernement qu’au parlement de collaborer avec des personnes ressources et de s’appuyer sur un réseau regroupant les personnes chargées des tâches légistiques. Le forum sera conçu pour garantir une conception optimale de la loi, un agencement adéquat avec la politique publique qui la sous-tend, sa meilleure écriture ainsi que sa mise en œuvre conséquente. Il veillera en d’autres termes à la qualité de la législation nationale et, au besoin, pour sa correction et son amélioration. Les fora favoriseront en outre l’échange d’expériences entre les services chargés de tâches légistiques. Ils assureront aussi une meilleure mise en réseau des personnes concernées pour améliorer la coordination et l’assistance mutuelle ;
  • le renforcement des commissions de rédaction. Outre-les fora, certaines activités de renforcement de capacité des commissions de rédaction seront nécessaires. Cela est important autant pour le gouvernement que pour le parlement. Nous suggérons à cet effet des moyens de communication accessibles pour expliquer de manière simple et concise le rôle et l’importance de la légistique. Des infographies, des vidéos explicatives ou même des conférences pourraient aider à sensibiliser le public. Aussi, est-il indiqué d’organiser des sessions de formation destinées aux fonctionnaires travaillant dans les commissions de rédaction. Ces sessions pourraient aborder des sujets tels que les meilleures pratiques en matière de législation, la simplification du langage juridique complexe, et la prise en compte des besoins et des préoccupations des citoyens. Nous encourageons également les échanges avec d’autres pays ou organismes spécialisés dans la légistique pour partager les meilleures pratiques et les leçons apprises. Cela peut contribuer à renforcer les commissions de rédaction en s’inspirant des approches réussies ailleurs ;
  • l’évaluation des politiques publiques et des législations y relatives. On veillera, dans le cadre de l’accompagnement légistique, à ce que l’élaboration des projets et propositions des lois se fasse au moyen de la démarche évaluative ex ante et ex post. Celle-ci sera une aide non négligeable d’appréciation de la mise en œuvre des lois, des questions fondamentales et des variantes par rapport à leurs avantages et à leurs inconvénients (instruments de réglementation, degré auquel il y a lieu de légiférer, densité normative, etc.).

D.    Impératif de recourir aux organismes participatifs et pluralistes

La démocratisation de la légistique requiert également que des Organisations de la Société Civile contribuent à l’amélioration de la qualité de la loi. Car, la Constitution encourage les pouvoirs publics à collaborer avec les associations qui contribuent au développement social, économique, intellectuel, moral et spirituel des populations et à l’éducation des citoyennes et des citoyens52. Cet impératif rejoint bien l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme qui stipule que « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux- mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». « Dans ce contexte de la démocratie représentative, c›est donc une invitation à l›extension de l›évaluation à la sphère parlementaire, même si elle doit être distinguée du contrôle traditionnel »53.

Des telles dispositions fondent l’engagement des Organisations de la Société civile sur la gestion publique. Cet engagement se justifie notamment par l’essor de la gestion publique basée sur la bonne gouvernance, la transparence, la redevabilité, la responsabilisation et la participation citoyenne, aux côtés des systèmes représentatifs traditionnels. Il s’agit là d’une tendance actuelle. Cette tendance est également le fruit d’un consensus international sur la nécessité d’améliorer la compréhension de la qualité de la gouvernance dans un pays, envisagée comme une condition cruciale pour la réalisation des instruments internationaux, en général, et la réduction de la pauvreté et des inégalités, en particulier.

C’est à ce titre que l’usage de la légistique en général et de l’évaluation de l’action publique en particulier représente, pour les Organisations de la société civile, un outil essentiel dans le diagnostic des insuffisances en matière des lois et des instruments

            internationaux.

  • Article 37 alinéa 2 de la Constitution de 2006
  • Flückiger, op.cit, p. 555.

Ces Organisations doivent s’y mettre pour pousser les populations à quitter leur ignorance ainsi qu’à comprendre la chaîne des causes, c’est-à-dire à quoi attribuer les résultats (imputabilité) des décisions publiques et pousser les acteurs publics à l’apprentissage et à l’action. Ces actions se justifient aussi par le fait que ces Organisations regroupent en leur sein les contribuables ou des citoyens confrontées, dans leur exercice, à des problèmes qui exigent d’être analysés et mis sur la place publique.

Un autre phénomène non moins important, qui explique l’implication des Organisations de la Société Civile dans l’action publique et spécialement dans l’usage des outils de la légistique, résulte des divers instruments de suivi et des mécanismes de conformité exigés par des structures sous-régionales et régionales. Ces mécanismes voudraient notamment que la Société civile joue un rôle clé, voire de premier plan dans les évaluations des politiques publiques en vue, non seulement de donner un point de vue contraire à celui émanant des officiels d’un État, mais surtout d’en donner les caractères légitimes et représentatifs et d’influencer leur mise en œuvre.

C’est en ce sens qu’il serait opportun de faire un pas supplémentaire et réfléchir à de nouvelles modalités d’évaluation, plus participatives, plus pluralistes, plus inclusives, représentant l’éventail de toutes les personnes possiblement concernées, et ainsi plus ouvertes à la diversité d’une société pluraliste et véritablement démocratique. L’évaluation pluraliste et participative permet de prévenir le grief pyramidal et technocratique en replaçant les citoyens et les citoyennes, de même que les parties prenantes, au cœur du processus évaluatif54. Mais attention, une telle aventure n’est pas gagnée d’avance et présente des risques de voir les membres des Organisations de la Société Civile devenir des donneurs des leçons des gouvernants.

Ainsi pour que de telles évaluations récoltent de succès, il n’est pas moins indiqué de les combiner intelligemment à l’organisation d’un débat public sous forme d’états généraux ou des tables rondes, des colloques. Les états généraux réunissent des conférences de citoyens représentatifs de la société dans sa diversité qui, après une formation préalable, débattent et rédigent un avis ainsi que des recommandations qui sont rendus publics. A la suite de ce débat public, les conférenciers de ces tables rondes ou états généraux établissent un rapport à destination des institutions nationales ou même internationales. Les procédures de consultation du public, la mise en œuvre des droits fondamentaux, les thématiques pourraient également servir de cadre pour intégrer de manière plus coordonnée les avis produits par ces divers organismes spécialisés.

E.      Option des plates-formes extérieures au parlement ou au gouvernement

On peut aussi avoir le courage d’opter pour ce modèle qui propose des organisations ou des plates-formes extérieures au parlement ou au gouvernement ayant pour mission d’aider à l’amélioration de la qualité des lois et des politiques publiques. En effet, « contrariés par le politique qui ne tiendrait pas sufisamment compte des données scientifiques, certains auteurs ont proposé de compléter l’architecture des pouvoirs par une chambre de conseil supplémentaire, non élue, composée d’experts, éventuellement de citoyens et de citoyennes désignées par tirage au sort »55 afin de contribuer à l’amélioration par exemple la qualité de la loi ou de la décision publique.

  • Flückiger, op.cit., p. 142.
  • Flückiger A., (Re)faire la loi : traité de légistique à l’ère du droit souple. Berne : Stämpfli, 2019, p.234.

On admettra, toutefois, avec Vincent Martenet « que la création d’une chambre supplémentaire non élue est justifiée à condition qu’elle n’ait que des compétences consultatives, et non de veto ».56 « En pratique, d’autres organismes, plus modestes, ont été instaurés au sein des parlements ou des gouvernements, ou à l’extérieur, pour seconder les autorités dans leurs fonctions législatives à l’instar de commissions spécialisées ou d’instances de conseil indépendantes en matière scientifique ou technologique, notamment chargées de l’évaluation des choix de société qu’il conviendrait de faire en la matière. »57 On citera par exemple la Commission permanente pour l’énergie et l’environnement du Parlement de Norvège, le Conseil scientifique pour la politique publique aux Pays-Bas58, la proposition de créer des observatoires sociologiques indépendants propres à accompagner le processus législatif sans être les otages des instances politiques , la Fondation pour l’évaluation des choix technologiques (TA-SWISS) en Suisse ou l’Ofice parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) en France59.

On trouve également des structures de réflexion ad hoc consacrées à une thématique spécifique, dont certaines comprennent une véritable composante de participation citoyenne à l’exemple des grenelles ou des états généraux en France, définis comme « un dispositif participatif qui consiste à réunir ponctuellement, autour d’un sujet donné, les organisations de la société civile concernées, afin qu’elles puissent en débattre et soumettre à la puissance publique leurs réflexions et propositions. »60 En 2007, le Grenelle de l’environnement, qui s’est traduit par « un immense programme législatif », a pu être qualifié par un rapport d’évaluation paru en 2010 de « monument législatif et réglementaire », ayant abouti à 450 articles de loi et 70 dispositions fiscales61. Certains états généraux ont pu être pérennisés en organes spécialisés, intégrés dans des processus d’évaluation62.

Nous ne pouvons, en effet, pas finir ce point ou entamer la conclusion sans faire écho d’une expérience du Canton de Genève tant enrichissante qu’il ne serait pas mal de « tropicaliser ». Il s’agit de la Commission externe d’évaluation des politiques publiques (CEPP)63 ayant pour compétences de mettre en évidence et apprécier les effets des lois cantonales genevoises, l’organisation des services en au regard de leurs buts et le rapport coût/utilité des prestations et des dépenses publiques. Cette commission d’évaluation travaillait sur mandat du Conseil d’État, du Grand Conseil ou sur sa propre initiative. Composée de 16 membres, ladite commission était chargée de proposer des solutions visant à rendre l’action de l’État de Genève plus efficace.

  • Flückiger, A., Idem. Berne : Stämpfli, 2019, p.603.
  • Flückiger, A., Ibidem. Berne : Stämpfli, 2019,p.603
  • Flückiger, A., op.cit. Berne : Stämpfli, 2019,p.134
  • Flückiger, A., Idem. Berne : Stämpfli, 2019,, p.134
  • Flückiger, A., Ibidem. Berne : Stämpfli, 2019, P.134
  • Flückiger, A., op.cit. Berne : Stämpfli, 2019,, p.135.
  • Flückiger, A., Idem. Berne : Stämpfli, 2019, P.135.
  • Des activités de cette instance ont été transférées à la Cour des comptes depuis le 1er juillet 2013.

Conclusion

Nous avons, tout au long de la présente contribution montré, que la légistique, qui est usitée de plus en plus dans son sens étroit, tend à être davantage présente dans les assemblées délibérantes de la République Démocratique du Congo. Ce qui n’est pas le cas pour les autres institutions évoquées. Nous avons ainsi montré qu’au lieu que cette situation soit un désavantage, elle peut, au contraire, être vue comme une opportunité pour élargir de façon idoine son champ ainsi que promouvoir son utilisation, également au niveau du gouvernement, des universités et des organisations de la Société civile.

Il a été à cet effet, tout d’abord question de dépasser les limites de la légistique basée sur la perspective dogmatique et d’un certain belgicisme hantant les assemblées délibérantes de la République Démocratique du Congo. Il s’est agi d’aller au-delà des aspectes juridico- rédactionnels de la loi ainsi que d’élargir les horizons et d’explorer de nouvelles perspectives liées aux aspects factuels.

Nous avons ensuite plaidé pour que soit amorcé systématiquement des mécanismes de démocratisation de la légistique visant à familiariser, non seulement les membres des assemblées délibérantes et des gouvernements, mais surtout les groupes thématiques des organisations de la société civile, des parties prenantes dans la confection de la loi et autres universitaires. Car toute organisation intervenante directement ou indirectement dans l’élaboration des lois et des politiques publiques est compétente pour concevoir, rédiger ou évaluer ces dernières, sous réserve, certes, que c’est au parlement ou gouvernement que ’il revient la légitimité d’endossement, d’amendement ou de vote.

En somme, cette contribution plaide pour que la démarche légistique soit évoquée en République Démocratique du Congo, plutôt dans son sens large plutôt qu’étroite et qu’elle soit démocratisée de sorte que tous les protagonistes, non seulement les membres des parlements et des gouvernements, soient impliqués dès la genèse, en passant par la rédaction, jusqu’la mise en œuvre et l’évaluation des lois. Ce qui aura pour mérite d’amener la légistique à avoir la capacité de répondre aux problèmes que suscitent les lois et d’optimiser les interventions publiques y afférentes.